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Étudiants étrangers

Des collèges privés avantagés face aux universités

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

En 2024, le gouvernement de François Legault a attribué 156 647 certificats d’acceptation du Québec pour les étudiants étrangers. Ce nombre sera réduit à 124 760 en 2025.

Le Québec a décidé de resserrer l’accès aux certificats d’acceptation du Québec (CAQ) pour les étudiants étrangers. Cette réforme, présentée comme une réponse aux « abus » de certaines institutions où l’afflux d’étudiants internationaux a explosé, vise à mieux encadrer leur arrivée. Mais des collèges privés, pourtant au cœur de controverses, obtiennent des quotas de demandes de CAQ comparables, voire supérieurs, à ceux de grandes universités.

Suzanne Colpron La Presse

Des écarts marqués

McGill, classée parmi les meilleures universités au monde, pourra soumettre 5000 demandes de CAQ cette année. Le Collège supérieur de Montréal ? 8966. Le Collège Ellis, cité pour le nombre élevé de demandes d’asile déposées par ses étudiants ? 7806. L’UQAM, avec ses 35 000 étudiants, n’obtient que 7674 demandes. Même constat du côté de l’Université de Montréal (46 000 étudiants), qui reçoit 8709 demandes. Dans les cégeps, l’écart est encore plus marqué : 189 demandes pour le cégep de Maisonneuve, 255 pour Ahuntsic, 452 pour Sherbrooke, 143 pour Matane…

Face à ces inégalités, la Fédération des cégeps s’indigne. Elle estime que le réseau public est pénalisé pour des dérives survenues « à l’extérieur du réseau public ». L’organisation craint aussi que ces restrictions compromettent l’accès aux études pour certains Québécois, particulièrement en région, où la présence d’étudiants étrangers est essentielle au maintien de plusieurs programmes.

Lisez le texte « Les demandes d’asile d’étudiants étrangers explosent au Québec »

Une logique mathématique

Pourquoi de telles différences ? « Puisque les établissements privés sont aussi ceux qui accueillent le plus d’étudiants étrangers, leur nombre maximal de demandes de sélection temporaire pour études peut demeurer élevé », explique le ministère de l’Immigration. Ceux ayant reçu un fort volume de demandes en 2024 conservent un volume proportionnel cette année ; les quotas des programmes universitaires et des diplômes d’études collégiales (DEC) ont été maintenus au niveau de 2024. Les quotas pour les attestations d’études collégiales (AEC) et des formations professionnelles dans les centres privés ont quant à eux été réduits de 75 %. Cette mesure, pour l’instant temporaire, sera en vigueur un an.

La sélection des étudiants

Avec ces quotas limités, certains établissements pourraient ajuster leurs critères d’admission afin de maximiser leurs chances de remplir leurs classes. Comme l’obtention d’un permis d’études fédéral est plus difficile pour certaines nationalités, les collèges et universités pourraient privilégier les étudiants issus de pays où le taux d’acceptation est plus élevé. Une approche qui risque de réduire considérablement la diversité sur les campus. Claude Marchand, PDG du Collège LaSalle, s’inquiète : « Aujourd’hui, nous accueillons des jeunes de 130 nationalités. Cette diversité pourrait être réduite de moitié en trois ans. » Le Collège supérieur de Montréal, le Collège Ellis ainsi que leur association (ACPQ), n’ont pas répondu aux demandes d’entrevues de La Presse.

Le taux de conversion

Derrière cette approche se cache un raisonnement comptable. L’admission des étudiants étrangers passe par plusieurs étapes : après avoir été accepté dans un établissement, il faut obtenir un CAQ, puis un permis d’études du fédéral. Même après tout ça, certains étudiants choisissent de ne pas venir. C’est ce qu’on appelle le taux de conversion – la proportion d’étudiants qui arrivent réellement sur les bancs d’école. Or, ce taux est plus faible dans les collèges privés que dans les cégeps et universités, ce qui signifie que de nombreux CAQ émis pour ces établissements ne se traduisent pas en inscriptions effectives. Pour compenser, Québec autorise ces collèges privés à déposer plus de demandes de CAQ, afin d’assurer un nombre suffisant d’étudiants en classe.

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10 mars 2025