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Le plafonnement des étudiants internationaux soulève des craintes
Marie-Ève Martel
Collaboration spéciale - Le Devoir
Ce texte fait partie du cahier spécial Enseignement supérieur
Le plafonnement du nombre d’étudiants internationaux dans les établissements d’éducation postsecondaire ne devrait pas trop affecter les opérations des cégeps et des universités. Mais des représentants de ces établissements tiennent à rappeler qu’au-delà des chiffres, cette clientèle apporte, elle aussi, une contribution à la société québécoise.
En janvier dernier, le ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, Marc Miller, a annoncé le plafonnement de l’octroi de permis d’études pour les étudiants étrangers. La mesure, en vigueur pour deux ans, touchera les nouvelles demandes pour les études postsecondaires, à l’exception des programmes de maîtrise et de doctorat. Ottawa souhaite ainsi « stabiliser » le nombre d’étudiants étrangers sur son territoire, limiter les abus et remédier partiellement à la crise du logement. Le gouvernement fédéral a d’ailleurs annoncé le mercredi 18 septembre dernier qu’il allait encore baisser de 10 % le nombre de permis d’études octroyés l’an prochain.
Pour 2024, le nombre de nouveaux permis d’études approuvés a été plafonné à 364 000. En vertu du modèle de répartition entre les provinces, le Québec récolte 87 722 places à attribuer, pour un nombre prévu de 52 633 permis d’études approuvés. Ce plafond n’a toutefois pas été atteint dans la province ; la mesure a donc, jusqu’à présent, un effet nul pour l’Université du Québec à Montréal, indique la directrice de la Division des relations avec la presse et des événements spéciaux de l’établissement, Jenny Desrochers, par courriel.
Or, la répartition des permis d’études, si cela s’effectuait par établissements ou par programmes, n’a toujours pas été ventilée, s’inquiète Valérie Amiraux, vice-rectrice aux partenariats communautaires et internationaux de l’Université de Montréal. « Comme université francophone, ce [plafonnement] ne nous est pas préjudiciable. La grande incertitude, c’est de savoir comment tout cela sera administré par la province », soutient-elle, rappelant que Québec « a déjà joué la carte » de privilégier certaines formations.
Par ailleurs, renchérit sa collègue au vice-rectorat aux affaires étudiantes et aux études, Pascale Lefrançois, on ignore aussi si le plafonnement concerne les offres d’admission faites par les universités ou les inscriptions réelles. « Ce ne sont pas tous les candidats à qui on fait une offre qui finissent par s’inscrire chez nous, indique-t-elle. Alors nous comptons généralement plus d’offres que d’inscriptions dans certains programmes. Cette nuance peut changer la donne. »
Pour la session d’automne, l’Université de Montréal a connu une augmentation de 2 % de ses inscriptions internationales, qui s’explique par le renouvellement de l’inscription d’étudiants déjà admis. En ne tenant compte que des nouvelles inscriptions, on constate plutôt une baisse de 3 %, qui pourrait être supérieure si certains étudiants n’ont pas réussi à obtenir les documents nécessaires pour immigrer.
C’est sans compter une augmentation des refus d’octroi du certificat d’admission ou du renouvellement de celui-ci par Québec, une réalité observée ces derniers mois.
« Tout cela ajoute un stress à ces étudiants, déplore Mme Amiraux. C’est toute une série de situations bancales qui manquent de clarté et les empêchent de se projeter dans le futur de manière sereine. »
Selon des statistiques colligées par le ministère de l’Enseignement supérieur en 2021, le nombre d’étudiants internationaux dans les universités de la province a quasiment doublé entre 2009-2010 et 2019-2020, passant de 24 504 à 48 406.
Cégeps : une masse critique nécessaire
En 2009-2010, on comptait 2899 étudiants étrangers dans les cégeps de la province. Dix ans plus tard, ils étaient 16 505.
Une augmentation alimentée notamment par les appels de Québec, qui cherchait à contrer la pénurie de main-d’oeuvre dans certains secteurs, rappelle Marie Montpetit, présidente-directrice générale de la Fédération des cégeps.
Les cohortes d’étudiants internationaux ont permis le maintien de nombreux programmes dans des régions qui s’étaient dévitalisées. « Au cégep de Matane, c’est 30 % des étudiants qui sont internationaux. Il faut un nombre minimal d’étudiants pour qu’une cohorte soit autorisée à démarrer », indique Mme Montpetit.
Le plafonnement des étudiants étrangers, dont 9280 se sont inscrits à la rentrée 2024, n’aura pas d’incidence économique sur les cégeps, précise la p.-d.g. Mais les membres de la Fédération s’inquiètent de l’avenir de certains programmes, si leur clientèle est amenée à diminuer.
Marie Montpetit rappelle que dans son plan stratégique 2023-2027, le ministère de l’Enseignement supérieur mentionnait qu’« attirer davantage d’étudiants internationaux dans les collèges et les universités francophones de la province est une priorité gouvernementale ».