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Le service des technologies de l’information :

Un service hautement névralgique

Cinq cégeps ont subi des cyberattaques paralysant toutes les activités de l’établissement pendant plusieurs jours. À l’heure du tout numérique, les ressources informationnelles sont devenues un service essentiel, hautement névralgique. Le Portail s’entretient avec monsieur Michel Vincent, directeur des technologies de l’information au Cégep Édouard-Montpetit sur les tenants et aboutissants.

Par Alain Lallier, Portail du réseau collégial

À l’ère du numérique, les personnes étudiantes, les professeurs, le personnel sont équipés de portables, de tablettes, de téléphones, d’ordinateurs. Comment ce nouveau contexte technologique impacte-t-il un service d’informatique aujourd’hui ?

Michel Vincent, directeur des technologies de l’information au Cégep Édouard-Montpetit

Le nombre impressionnant de connexions

« Un des principaux enjeux, c’est le nombre de connexions branchées sur nos serveurs. Si nous avions le même réseau qu’il y a cinq ans, le réseau serait toujours en train de planter, explique Michel Vincent. Pourquoi ? Les étudiants ont des téléphones dans leur poche et ils se connectent. Avec leur ordinateur, ils se connectent. Même chose avec leur tablette. Nous avons aussi des chariots d’ordinateurs mis à disposition des étudiants. Nous avons plein d’outils qui font que sans trop s’en rendre compte on surcharge les réseaux. À partir du moment où le service donne du réseau à tous, il faut se doter d’une infrastructure qui est solide et qui est à jour. Et en termes de cybersécurité, ce sont autant de points d’entrées potentielles. Les gens veulent avoir une connexion qui est rapide comme s’ils étaient à la maison, avec la même vitesse. Avant la pandémie, c’était différent, parce que les personnes étudiantes n’utilisaient pas leur ordinateur en classe. La pandémie a changé cette façon de faire. D’abord, la clientèle change : au secondaire, ils sont habitués d’utiliser leur portable tout le temps. Quand ils arrivent ici, ils sont beaucoup moins gênés de l’ouvrir en classe et de prendre leurs notes. Les professeurs demandent aussi de réaliser plus souvent des travaux avec l’ordinateur. »

Tous les employés sont branchés

Par ailleurs, tous les employés du cégep utilisent l’informatique. Par exemple, les employés qui n’utilisaient pas ou peu les ressources informationnelles, par exemple les gens sur le plancher qui remplissent des commandes, qui font un travail manuel, en font maintenant un usage régulier. Tout le monde est branché sur le réseau. Au cégep Édouard-Monpetit, 90 % des employés fonctionnent avec des portables. Beaucoup d’employés font du télétravail de façon sporadique ou régulière. Lors des rencontres au Cégep, on peut prendre des notes, on peut accéder à ses documents. Il n’y a pas si longtemps, la très grande majorité des gens sortait leur cahier de notes en papier .

« Le nombre de laboratoires d’informatique a aussi explosé. Ça fait toute une flotte d’ordinateurs à gérer qui nécessite beaucoup d’entretien. Mais, un sondage auprès des étudiants nous a révélé que 90 % avaient un portable chez eux qu’ils peuvent amener en classe. On doit tenir compte de cette nouvelle réalité. De toute façon, le Cégep ne peut pas multiplier à l’infini des salles de classe équipées d’ordinateurs. »

Les besoins des enseignants

Le Cégep Édouard-Montpetit offre un portable à tous les enseignants, et ce, gratuitement, depuis 3 ans. Dans les classes, divers types d’équipements sont offerts : des ordinateurs avec Windows pour 90 % des ordinateurs. Il y a aussi des chariots de Chromebooks que les professeurs peuvent emprunter pour transformer n’importe quelle classe en laboratoire. Il y a aussi un laboratoire de Mac pour des besoins pédagogiques en Intégration multimédia.

Le soutien à l’utilisation est important. Des formations sont données sur les outils de bureautique, des documents sont accessibles dans le nuage pour le travail en collaboration. Des formations sont données en pédagogie numérique par une équipe de professionnels. Trois conseillers en pédagogie numérique et une analyste s’occupent de donner ces formations. Nous avons aussi mis sur pied une communauté de « Champions » qui regroupe les personnes-ressources dans chacune des unités administratives pour qu’ils puissent s’entraider.

À la formation continue, deux concepteurs en pédagogie numérique aident des formateurs dans la création de formations en ligne et hybrides. Ils sont aussi soutenus dans l’acquisition des compétences et dans le développement du contenu.

Prêts pour une nouvelle pandémie ?

Si demain matin, une nouvelle pandémie se déclarait, le cégep serait-il prêt pour y répondre en se convertissant en cégep à distance ?

« Si nous avions une nouvelle pandémie, nous serions efficaces beaucoup plus rapidement que la première fois. D’abord, parce que les profs ont maintenant des portables et ils ont une meilleure littératie numérique qu’à l’époque. Par exemple, tout le monde sait maintenant comment utiliser Teams. Nous serions beaucoup plus agiles. » précise M.Vincent.

Les progiciels de gestion intégrés

On ne peut pas penser le cégep d’aujourd’hui sans cette panoplie de systèmes de gestion numériques. Pour ces systèmes, le cégep Édouard-Montpetit , comme bien d’autres, fait appel à des fournisseurs comme Skytech – utilisé au cégep – et Coba. L’utilisation de ces systèmes de gestion n’est pas nouvelle, mais les plateformes actuelles sont beaucoup plus faciles d’utilisation. Des produits relativement simples qui permettent d’augmenter l’efficacité des différents services, on pense à l’organisation scolaire, à la gestion financière, à la gestion pédagogique, à la paye, les ressources humaines, entre autres.

Recruter et retenir les compétences numériques

On connaît la vigueur du marché pour le recrutement des professionnels et des techniciens en technologies de l’information. Comment le cégep tire-t-il son épingle du jeu? Michel Vincent constate qu’un taux de roulement existe. Dans l’ensemble du réseau, c’est un gros enjeu : les salaires ne sont pas toujours compétitifs avec le marché privé et même avec d’autres organisations publiques comme les villes et les universités. « On se bat pour le même type de ressources. Ça va de soi que nous embauchons des diplômés avec des compétences, mais le champ d’exercice est très large. Nous travaillons fort avec les ressources humaines pour débusquer le savoir-être. Jusqu’à un certain point, des compétences, ça s’acquiert. Nous formons à l’intérieur de nos murs. Nous portons une attention particulière aux types de services que nous devons offrir. Pour les compétences techniques, nous pratiquons le compagnonnage. Nous mettons aussi l’accent sur le perfectionnement. C’est une manifestation que nous sommes tout de même un employeur de choix. Se sentir compétent dans ce qu’on l’on fait, c’est une richesse. C’est aussi une question de mission. Une mission qui est noble : on fait en sorte que les étudiants réussissent. On participe à une meilleure société. »

La vive préoccupation de la cybersécurité

« Quand c’est un enjeu de cybersécurité, on ne sait pas jusqu’à quel point on peut être atteint. Ça peut être du vol de données, ça peut être du kidnapping de données , on ne peut plus fonctionner, parce qu’on n’a plus accès à rien, explique Michel Vincent. Le gouvernement nous demande de mettre en place des moyens comme de limiter les accès aux cellulaires. On a beau mettre en place des systèmes qui coûtent des milliers de dollars, le maillon le plus faible reste l’humain. Nous sommes tous à un cheveu de mettre en danger la santé et la sécurité de nos institutions parce que l’on peut être victime d’hameçonnage social. »

Face aux défis que pose cet enjeu majeur, est-ce que les cégeps ont développé une approche réseau ? « Nous n’avons pas le choix de mutualiser des ressources, répond Michel Vincent. La Fédération des cégeps a mis en place des outils pour permettre de développer des mesures de sécurité additionnelles : la gestion des accès, un plan de relève. Une dizaine de personnes y travaillent sous l’égide de la Fédération. Ça n’existait pas il y a 6 ans. Nous mettons des choses en commun. Nous échangeons sur TEAMS et en présence, nous avons aussi des formations et de l’accompagnement. Nous sommes vraiment 48 collaborateurs en ce domaine. »

Quand un cégep a un problème, il peut compter sur les autres. Les cégeps qui ont été piratés ont tous fait un témoignage à leurs collègues pour expliquer comment ça s’est passé et quelles sont les solutions qu’ils ont trouvées. Les bonnes pratiques sont partagées par le réseau.

Et l’intelligence artificielle ?

Une autre couche de complexité s’est ajoutée au quotidien informatique : l’intelligence artificielle. Le service regarde comment le Copilot de Microsoft peut les aider dans la gestion de la cybersécurité. D’un point de vue informatique, on y voit un intérêt. En pédagogie, c’est une préoccupation majeure où on ne voit pas encore le bout du tunnel parce l’intelligence artificielle peut faire beaucoup plus de choses qu’il y a deux ans. « L’IA fait beaucoup moins d’hallucinations qu’elle n’en faisait auparavant. D’ici deux ans, les spécialistes affirment que nous ne serons plus capables de faire la différence entre l’intelligence artificielle et un humain. La grande préoccupation reste les évaluations. Comment s’assurer qu’il n’y a pas de plagiat ? Les réponses sont avant tout pédagogiques. Pour l’administratif, le ministère a mis en place des balises pour son utilisation. On se demande comment l’IA peut aider les gens dans leur travail. Un prochain chantier à mettre en place qui rendra encore une fois nos services utiles, essentiels et incontournables », conclut-il.