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Association québécoise de pédagogie collégiale
Comment va l’AQPC ?
Dans l’écosystème des collèges, l’Association québécoise de pédagogie collégiale (AQPC) est devenue le porte-étendard de la pédagogie collégiale en enseignement supérieur. Et cette entremetteuse pédagogique se porte très bien selon son président, Philippe Nasr, directeur général du Collège Lionel-Groulx.
Thérèse Lafleur
À travers ses activités, l’AQPC aborde la pédagogie collégiale sous l’angle du développement professionnel. La diffusion des connaissances va bien à l’AQPC. C’est le transfert des connaissances, le maillage de la pédagogie et de la discipline enseignée, qui est son nouveau cheval de bataille.
L’AQPC compte plus de 1300 membres individuels et plus de 76 organismes associés. Depuis 1981, elle veille à l’essor d’une culture pédagogique propre à l’enseignement supérieur de niveau collégial.
Un colloque « de premier tour »
Événement phare de l’AQPC, son colloque annuel s’avère le plus important colloque en français sur la pédagogie collégiale au Canada. La popularité croissante de ce grand rassemblement témoigne de la vigueur de la vie pédagogique qu’anime l’AQPC. Près de 2000 personnes sont attendues à Gatineau en juin prochain, un nombre d’inscriptions sans précédent reçu en un temps record. En 2023, le plein d’inscriptions s’était fait en cinq semaines. En 2024, cinq jours ont suffi. Voilà un bon baromètre de l’engouement pour cette occasion par excellence de réseautage et d’apprentissage, un rendez-vous devenu incontournable pour les professeurs, les conseillers pédagogiques et les gestionnaires des études.
« À l’AQPC, nous n’avons pas de contact régulier avec le terrain. La participation au colloque est notre barème. Pourquoi notre colloque est-il un réel succès ? Bien sûr, il y a le contenant, tout le travail réalisé par l’équipe. Mais le contenu vient de professeurs, de conseillers pédagogiques ou d’acteurs du réseau qui proposent des communications. C’est ce qui permet à l’AQPC d’offrir une programmation qui se démarque lors d’un événement bien organisé et offert au bon moment. Un indicateur que la pédagogie collégiale va bien », explique le directeur général, Samuel Bernard.
La pandémie, un accélérateur de changement
La pandémie a obligé l’AQPC à se réinventer. À l’initiative de son directeur général, sa structure de financement a évolué. Aux revenus du colloque et du membrariat individuel se sont ajoutées les cotisations institutionnelles de collèges, publics et privés. Des membres hors Québec ont grossi les rangs de l’association. Les démarches faites auprès du ministère de l’Enseignement supérieur (MES) ont aussi porté fruit, permettant une plus grande stabilité.
Monsieur Nasr ajoute que la pandémie a forcé l’AQPC à organiser ses colloques en mode virtuel, à distance. « Cette expérience a surtout permis de diversifier l’offre de l’AQPC. En ce sens, la pandémie a été un accélérateur. Il a fallu repenser l’offre de service pour rejoindre des gens qui ne pouvaient sortir de chez eux. Donc, amener la pédagogie aux personnes plutôt que d’amener les personnes à la pédagogie collégiale. Mais le colloque en présence demeure un incontournable, qui permet aux membres de se rencontrer au moins une fois par année. L’offre d’activités à distance, comme les webinaires ou les grandes conférences et, éventuellement, les communautés de pratique, est complémentaire. Elle vient bonifier l’ensemble des propositions de l’AQPC. La pandémie a ouvert sur autre chose. »
Pédagogie collégiale, nouvelle mouture
Publiée depuis 37 ans, Pédagogie collégiale est une référence en enseignement supérieur au niveau des collèges. Elle est faite « par » et « pour » le milieu pour alimenter la réflexion pédagogique et promouvoir les pratiques novatrices. Mais sa forme évolue, même si l’idée de fond demeure la même.
Pour une troisième fois depuis 1987, la publication a été actualisée. Un gros chantier mené par la rédactrice en chef, Anne-Marie Paquette, professeure en communication au Cégep André-Laurendeau. « Nous avons misé sur un visuel attrayant. Les textes sont tout aussi denses, mais la présentation est plus aérée pour faciliter la lecture », précise monsieur Bernard.
La nouvelle mouture de la revue comporte des changements majeurs. Elle passe de quatre publications par année à trois, selon le calendrier scolaire. Davantage d’articles sont présentés sous une nouvelle signature graphique, plus colorée et plus aérée.
Le même contenu est maintenant publié en français et en anglais. La version française est imprimée et virtuelle, alors que la version anglaise est virtuelle. Ce virage répond à deux objectifs. Premièrement, il permet à des collègues anglophones de soumettre eux aussi des textes dans leur langue maternelle. Deuxièmement, ces collègues anglophones peuvent être informés des avancées des collèges francophones.
Le directeur général de l’AQPC, Samuel Bernard, se réjouit de ce virage. « À l’AQPC nous voulons que les idées circulent le plus possible. La barrière linguistique faisait en sorte que les bons coups qui se développaient dans les cégeps anglophones ne percolaient pas nécessairement ou aussi rapidement dans les collèges francophones. À l’inverse, les bons coups des collèges francophones peuvent être lus par nos collègues unilingues anglophones. Tous peuvent écrire dans la langue de leur choix. La traduction accommode ensuite tout le monde. »
« De plus, nous avons constaté que la version anglaise d’un article peut compter jusqu’à 50 % des téléchargements via EDUQ.info, le catalogue du Centre de documentation collégiale. Les statistiques d’EDUQ.info indiquent des téléchargements aux États-Unis, au Canada et au Royaume-Uni. Donc, des auteurs francophones, qui écrivent en français, voient leur expertise voyager et rejoindre des milieux anglo-saxons. Cela, nous ne l’avions pas prévu, c’est un contrecoup positif. »
L’AQPC hors Québec
Au fil du temps, l’AQPC a tissé des liens avec des institutions à l’extérieur du Québec, un volet que monsieur Bernard a beaucoup développé à travers le Réseau des cégeps et des collèges francophones du Canada (RCCFC). D’ailleurs, un colloque franco-canadien vient d’être organisé conjointement à Moncton pour les collèges des Maritimes. Une première réussie ! Une deuxième édition se prépare.
« En mai, avec le directeur du RCCFC, Jean Léger, nous allons présenter les résultats de cette première édition lors de Mobilisation franco », précise monsieur Bernard. Mobilisation franco est un rendez-vous des organisations francophones du Québec et des autres provinces et territoires du Canada organisé par la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (FCFA) et le Centre de la francophonie des Amériques (CFA). La rencontre s’inscrit dans les actions de la nouvelle politique du Québec en matière de francophonie canadienne.
« Ce qu’il y a d’intéressant dans ce rapprochement de l’AQPC avec la francophonie canadienne, c’est la diffusion de l’expertise québécoise en pédagogie collégiale », souligne le président de l’AQPC, Philippe Nasr. « L’objectif de l’AQPC est de créer des lieux d’échanges et, possiblement, de rayonner au Canada et à l’international. Un exercice qui permet aussi d’amener les bonnes pratiques qui existent dans le monde et de les diffuser au Québec et dans le Canada. Ainsi, l’AQPC est directement alignée sur sa mission. »
S’ancrer dans une nouvelle réalité étudiante
En se penchant sur la préparation du prochain plan stratégique de l’AQPC, force est de constater la complexité avec laquelle doit composer le milieu collégial pour soutenir les étudiants, comme l'explique monsieur Nasr : « Postpandémie, le comportement des étudiants a changé. Pédagogiquement, c’est plus complexe. Les étudiants ont besoin de plus d’accompagnement qu’avant. Leur relation aux études a aussi changé. Sans porter le poids de ces changements, l’AQPC aide les artisans du réseau à faire connaître de nouvelles approches adaptées. La perplexité du lien que l’étudiant entretient avec ses études devient de plus en plus difficile à saisir. Alors, nous devons en discuter et favoriser les échanges de bonnes pratiques pédagogiques. L’AQPC est au cœur de ces discussions. »
Le directeur général, Samuel Bernard, abonde dans le même sens : « La pédagogie doit changer pour s’adapter à ces étudiants nouveaux. Être plus près des disciplines, de la pédagogie appliquée. Les professeurs du collégial sont embauchés en fonction de leur discipline. Nous voulons les amener à s’intéresser à la pédagogie. Comment ? Selon nous, c’est en maillant davantage la pédagogie et la discipline enseignée. Une perspective intéressante, qui mise davantage sur le transfert des connaissances. Nous devons arriver à ce que les meilleures pratiques pédagogiques soient connues et, aussi, adoptées, que les professeurs et les conseillers pédagogiques les incarnent, les utilisent et les appliquent au quotidien. »