Nouvelles

DAWSON, UN COLLÈGE DÉLINQUANT? - Texte d'opinion de Roch Tremblay, Ancien directeur général du Collège Ahuntsic

25 février 2022 - J'estime que le Gouvernement du Québec mérite d'être félicité pour avoir mis fin au projet d'agrandissement du plus important cégep du Québec, celui du collège anglophone Dawson, situé à Montréal.

Il s'agit d'un pas dans la bonne direction pour contrer l'anglicisation de plus en plus rapide de la société québécoise. Sans doute, il faudra en envisager d'autres, comme la révision des règles d'accès aux Cégeps ou celle des quotas de leurs devis pédagogiques. Mais, même si de tels changements ne sont pas encore à l'ordre du jour du gouvernement, il y a entre-temps lieu d'inciter le collège Dawson à rejoindre les autres cégeps de la région montréalaise dans la mise en place de règles communes de sélection et d'admission des étudiants et de cesser ainsi sa délinquance en ces matières.

Ainsi, accompagné des autres membres du RCM (Le Regroupement des Cégeps de Montréal), le collège Dawson a tenu récemment, le 11 février dernier, une conférence de presse afin de dénoncer la décision du Gouvernement du Québec de mettre fin à l'actuel projet d'agrandissement de cet établissement. Or, ce recours à la solidarité des cégeps montréalais détonne et surprend de la part de Dawson. Car, le cégep Dawson est le seul cégep montréalais qui ne soit pas membre du SRAM (le Service Régional d'Admission du Montréal Métropolitain). En refusant cette adhésion, il rejette en effet toute forme de solidarité avec ses homologues montréalais en ce qui concerne le processus de sélection et d'admission des étudiants, faisant ainsi preuve d'un manque flagrant de fair-play comme disent les anglais.

Comme chacun sait, tout comme dans les autres services régionaux d'admission, le processus d'admission du SRAM comporte trois tours et, au terme de chacun de ces tours,

les candidatures non retenues par les cégeps sont remises en jeu, le tour suivant, pour être admises dans les cégeps disposant encore de places. Or, parallèlement à ce système d'admission pratiqué par les cégeps montréalais, membres du SRAM, le cégep Dawson a établi son propre système d'admission, qui, lui, ne comprend qu'un seul tour.

Tout comme bien d'autres cégeps, le cégep Dawson reçoit beaucoup plus de candidatures que sa capacité d'admission. Cependant, à la différence des cégeps qui sont dans la même situation, ce cégep ne participant pas à un deuxième tour avec les autres retient, pour lui, et plus que nécessaire, ce surplus de candidatures.

Le nombre limite d'étudiants permis par le ministère pour ce cégep est de 7 915. Cette limite s'applique aux seuls étudiants de l'enseignement régulier, c'est-à-dire les anciens déjà inscrits et les nouveaux admis. Par ailleurs, Dawson dit recevoir 11 500 demandes d'admission par année. Ces demandes proviennent des écoles secondaires et elles sont le fait de jeunes étudiants en continuité de formation. Le collège dit aussi qu'il en refuse environ 6 000. On doit donc en déduire qu'il admet 5 500 nouveaux étudiants.

Or, c'est là, beaucoup plus que le nombre nécessaire pour atteindre la quantité limite d'étudiants permise par le ministère pour ce cégep. En effet, en prenant en compte le nombre d'anciens étudiants déjà au collège (ceux de deuxième année des programmes préuniversitaires et ceux de deuxième et de troisième année des programmes techniques), ce n'est pas 5 500 nouveaux étudiants que l'établissement devrait admettre, mais environ 4 000.

Où vont les 1500 autres ?  Ils sont admis, à Dawson, comme étudiants à temps plein dans la filière « tremplin DEC » à la formation continue. Or, cette pratique va à l'encontre de la mission de formation continue des cégeps, mission qui vise, d'après la Fédération des cégeps, à répondre aux besoins des adultes et du marché du travail. Et si le cégep Dawson exploite cependant cette voie, c'est pour deux raisons :  parce que ces étudiants ne sont pas comptabilisés dans les devis pédagogiques des cégeps, et aussi parce que ces étudiants sont financés au même taux que s'ils étaient inscrits à l'enseignement régulier.

D'autres cégeps offrent aussi la filière « tremplin DEC » à la formation continue. Cependant, chez eux, ces admissions se font sans lien avec le processus d'admission à l'enseignement régulier.

En fait, par sa pratique, en intégrant dans ses rangs près de 50 % d'étudiants non anglophones, c'est-à-dire des francophones et des allophones, le cégep Dawson est conduit à admettre chez lui plus d'étudiants que la limite de son devis pédagogique et ce qui est nécessaire pour satisfaire aux besoins de la communauté anglophone québécoise. Il contribue ainsi, beaucoup plus même que les autres cégeps anglophones, d'abord, dans un premier temps, à la bilinguisassions des francophones et des allophones, puis, à moyen terme, à leur anglicisation en les introduisant dans les réseaux anglophones des études supérieures. Ce qui conduira bon nombre d'entre eux, sans doute, à travailler par la suite en anglais et à vivre l'essentiel de leur vie professionnelle d'adulte en anglais.

En résumé, par le mode délinquant d'admission qu'il a choisi de pratiquer et par l'inscription à la formation continue du surplus de demandes d'admission qu'il reçoit, le cégep Dawson recrute plus d'étudiants que ne le lui permet son devis pédagogique. De plus, étant donné que la Loi 101 ne s'appliquant pas à l'enseignement collégial, le cégep Dawson, tout comme les autres cégeps anglophones du Québec, recrute une large part de sa clientèle étudiante chez les francophones et les allophones. Ce faisant, ils contribuent à l'anglicisation du Québec. Mais par ses procédés d'admission, le cégep Dawson, situé à Montréal, y contribue encore bien plus que les autres.

Roch Tremblay, Ancien directeur général du Collège Ahuntsic

Roch Tremblay
Ancien directeur général du Collège Ahuntsic
Roch.Tremblay@collegeahuntsic.qc.ca