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Le LIFT du Cégep André-Laurendeau

De la pédagogie interdisciplinaire innovante

Le Laboratoire intégré de formation technique, le LIFT, intègre apprentissage, enseignement et mise en application. Lancée en 2021 par le Cégep André-Laurendeau, cette expérience périscolaire regroupe sept techniques. Les étudiants.es y abordent un projet commun et interagissent selon leur domaine de compétences. « Un mode de fonctionnement devenu essentiel dans un marché du travail qui migre vers des problématiques beaucoup plus intégrées » affirme Rémi Dussault, instigateur du LIFT.

Par Thérèse Lafleur

Conseiller pédagogique jusqu’en 2020, monsieur Dussault a suivi plusieurs programmes techniques. À ses yeux, que ce soit à la révision de programmes ou lors de salons de l’emploi présentés au Cégep, une évidence ressortait : le monde de l’emploi était en train de changer.

Rémi Dussault, chargé du projet LIFT, Cégep André-Laurendeau

« La spécialisation des programmes, c’est très bien et c’est ainsi que le collégial est organisé. Mais le marché du travail demandait  la participation croissante de plusieurs spécialités en même temps. Pourtant, mes interventions comme conseiller pédagogique se faisaient dans le silo de chaque programme. Les techniques n’étaient pas interconnectées comme elles le sont dans cette nouvelle réalité du marché du travail. »

Mettre le savoir en commun

Après consultation avec des employeurs et en observant les modèles émergeants d’organisation du travail, monsieur Dussault a constaté que l’interdisciplinarité était devenue la norme. Il a aussi vu les atouts du Cégep. « Nous avons des programmes, des ressources et des expertises. Ce qui manque, ce sont des liens entre les programmes, entre les professeurs.es et entre les étudiants.es des  différentes techniques. Comment développer une approche interdisciplinaire alors que chacun a ses mandats, ses codes de fonctionnement, ses devis ministériels ? »

D’où l’idée d’un Carrefour de formation technique devenu le projet LIFT. Un Laboratoire intégré de formation technique reflétant la nouvelle dynamique du marché du travail. Un espace où les étudiants.es sont appelés à résoudre des problèmes complexes, à travailler ensemble, à innover. 

Le LIFT a pu prendre forme grâce aux subventions Novascience accordées par le ministère de l’Économie et de l’Innovation. Pour le design de cette nouvelle plateforme d’apprentissage, des professeurs ont été libérés un an avant lancement officiel. Ils ont défini le profil de compétences à acquérir chaque session de 15 semaines. Des visées axées sur le processus. Les situations d’apprentissage ont été élaborées en collaboration avec des entreprises partenaires.

Ainsi, chaque session, les participants.es au LIFT travaillent sur projets liés à des demandes en provenance du marché du travail. Ces étudiants.es proviennent des programmes :

  • Gestion des opérations et de la chaîne logistique
  • Techniques de l’informatique
  • Technologie de l’architecture
  • Technologie de l’estimation et de l’évaluation en bâtiment
  • Technologie du génie civil
  • Technologie du génie électrique : automatisation et contrôle
  • Technologie du génie physique

« Actuellement,les étudiants.es développent un système de surveillance à distance de champs d’éoliennes. Ce système de télésurveillance demande des connaissances en informatique, en génie civil pour les infrastructures, en architecture pour la construction du bureau de télésurveillance. Nous mettons donc en scène plusieurs techniques à partir d’une demande formulée par une entreprise. C’est comme un bureau de projet. Les professeurs.es coordonnent le projet et les étudiants.es doivent répondre à la demande pour proposer un prototype. À la suite de quoi, ce prototype est présenté à des audiences publiques : partenaires, membres de la communauté, étudiants.es, professeurs.es. Des ajustements s’ensuivent et un rapport est publié. » détaille monsieur Dussault.

À la fin de la session, un système de badges numériques reconnaît les compétences développées par l’étudiant.e. Ce sont des compétences mises de l’avant dans le Référentiel québécois des compétences du futur de la Commission des partenaires du marché du travail (CPMT).

Trente étudiants.es ont participé aux trois dernières éditions et une moyenne de trois à six badges ont été obtenues par chaque étudiant.e. À ces badges s’ajoutent une mention au bulletin et des bourses de participation.

Parmi les projets phares, se retrouvent :

  • une étude de faisabilité pour une résidence étudiante durable et des espaces verts réduisant les îlots de chaleur;
  • l’implantation d’un pôle intelligent de mobilité urbaine en partenariat avec l’arrondissement LaSalle;
  • la conception d’un prototype pour la surveillance des éoliennes du GrandNord, en collaboration avec l’entreprise CAE.

Apprendre et enseigner en interdisciplinarité

Qu’ils soient liés à l’essor technologique ou encore à l’intelligence artificielle, des changements majeurs à l’organisation du travail ont pris place. Monsieur Dussault est convaincu que « Les devis de formation doivent refléter ces nouvelles réalités. Par exemple, dans la structure des programmes, il n’y a pas de prévisions de l’hybridation entre Informatique et Génie civil. Pourtant, cela existe formellement sur le marché du travail. »

Mais briser les silos exige de prendre du recul afin de mettre en perspective bien des enjeux. Monsieur Dussault souligne que « Les principales barrières à l’interdisciplinarité sont les programmes eux-mêmes dont l’évaluation est très codifiée. Pour mettre en œuvre une approche pédagogique interdisciplinaire, il faut changer le cadre de gestion, le cadre d’évaluation, la manière dont on enseigne, etc. Cela demande beaucoup d’agilité de gestion, d’organisation et de pédagogie. C’est à cela que le LIFT contribue. Il permet de voir comment nous pouvons modifier et intégrer l’ensemble de ces stratégies et de ces processus. »

Cynthia Lamontagne, conseillère pédagogique, Cégep André-Laurendeau

Cynthia Lamontagne, conseillère pédagogique associée au LIFT insiste sur les modifications à faire. « Les visées de la formation collégiale, à quelques différences près, sont toujours les mêmes. Ces visées, même dans les nouveaux devis ministériels, ne semblent pas refléter les compétences du futur. Par exemple les devis visent le “travail en équipe”. Pourtant, aujourd’hui, il s’agit beaucoup plus “d’interdisciplinarité” que de travail d’équipe. Il s’agit de mettre en commun l’expertise de chaque discipline pour résoudre des problèmes. Mais c’est complexe de savoir comment moduler cela dans des devis ministériels. Des devis qui datent parfois. Donc, il n’y a pas de compétences, à proprement parler, sur l’interdisciplinarité. Il faut aussi suivre l’évolution des technologies. Des modifications s’imposent. Des modifications à faire en lien avec les compétences du futur. »

Des pratiques essentielles

Bien sûr que les organisations recherchent du personnel ayant de bonnes connaissances techniques. Elles veulent aussi que ces employés.es soient capables de se mettre au service d’un projet en développement. Des employés.es en mesure d’expliquer par exemple leur approche en informatique à un.e collègue de génie civil ou d’architecture. Bref, à travailler en interdisciplinarité.

Le Laboratoire intégré de formation technique, le LIFT, œuvre en ce sens. Pour la présidente-directrice générale de la Fédération des cégeps, Marie Montpetit « Le Cégep André-Laurendeau illustre parfaitement comment l’innovation pédagogique transforme la formation collégiale et prépare les étudiants.es aux réalités du marché du travail. Le projet LIFT est un modèle unique qui leur permet de développer des compétences pratiques et interdisciplinaires essentielles », a-t-elle déclaré à la suite de sa visite du Cégep.

.« Mais, bien que la frontière entre les techniques soit disparue sur le marché du travail, la frontière dans les cégeps existe encore. » précise monsieur Dussault. « Le Laboratoire intégré de formation technique du Cégep André-Laurendeau explore de nouvelles voies de formation en interdisciplinarité. Il s’agit maintenant pour le LIFT de recevoir une reconnaissance officielle pour poursuivre sur cet élan. »