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Motivation et développement
Adopter un état d’esprit de mentorat pour motiver les élèves
Avez-vous déjà passé d’innombrables heures à écrire des rétroactions sur les copies de vos élèves sans pour autant voir d’améliorations dans leurs travaux suivants ? C’est frustrant et on peut avoir l’impression que c’est une perte de temps. Vous poussez vos élèves à faire mieux, mais ils et elles ne semblent pas avoir la motivation nécessaire.
Par Véronique Drolet, éditrice , Éductive

Dans le livre 10 to 25: The Science of Motivating Young People [en anglais], l’auteur David Yeager présente une nouvelle approche puissante pour motiver la prochaine génération. En nous positionnant comme mentor ou mentore, nous pouvons jumeler des attentes élevées avec un soutien solide, favorisant ainsi la motivation et le développement des jeunes.
En tant qu’enseignante au collégial, j’ai trouvé que ce livre changeait vraiment la donne. Je vais donc partager avec vous les principaux éléments que j’en ai retenus et vous proposer quelques lignes directrices sur la façon dont vous pouvez mettre en œuvre ces stratégies dans vos classes.
Simple critique ou rétroaction judicieuse
David Yeager explique que le défi de guider les jeunes réside dans la difficulté d’équilibrer les critiques et les encouragements. Bien que les critiques constructives soient censées aider, elles peuvent miner la confiance des élèves si elles ne sont pas formulées correctement. Pour y remédier, Yeager introduit le concept de rétroaction judicieuse comme moyen d’encourager l’amélioration tout en faisant preuve de respect.
L’auteur souligne que les jeunes, entre la préadolescence et la mi-vingtaine, sont particulièrement sensibles au statut social et au respect. Quand elles se sentent valorisées et respectées, ces personnes sont plus susceptibles de rester motivées et engagées.
Rétroactions judicieuses en classe
De nombreux enseignants et de nombreuses enseignantes (moi y compris !) peinent à donner une rétroaction critique sans démotiver leurs élèves. Vous avez peut-être essayé la méthode «sandwich» ou d’autres stratégies du même genre sans les trouver efficaces.
Yeager remarque que les jeunes sont particulièrement sensibles aux différences de statut. Ils et elles lisent souvent entre les lignes lors de leurs interactions avec les enseignantes et les enseignants et interprètent les mots de manière négative. Cela crée des malentendus et un décalage entre le message que nous souhaitons transmettre lors de nos rétroactions (même quand nous voulons que ce message soit positif) et ce que les élèves perçoivent. Comment alors critiquer le travail des élèves tout en les motivant ?
En enseignement, une rétroaction judicieuse:
- reconnait le potentiel des élèves et renforce l’idée qu’ils et elles ont les atouts nécessaires pour réussir
- exige de hautes performances tout en faisant en sorte que les élèves se sentent en sécurité et soient motivés
- démontre du respect en mettant l’accent sur des solutions collaboratives plutôt que sur de simples consignes
Pour fournir ce type de rétroactions, David Yeager suggère d’adopter un état d’esprit de mentor ou de mentore.
L’état d’esprit du mentorat
David Yeager explique qu’adopter l’état d’esprit du mentorat implique de combiner des attentes élevées et un soutien élevé. Cette approche favorise des relations respectueuses dans lesquelles les jeunes sont mis au défi tout en étant guidés vers la réussite. Il explique qu’en enseignement, un véritable mentor ou une véritable mentore:
- tisse une alliance avec ses élèves plutôt que de les dominer
- pense à leur développement futur, en voyant les élèves comme les personnes qu’ils et elles peuvent devenir, et non comme celles qu’ils et elles sont actuellement
- fournit un soutien matériel et psychologique pour les aider à réussir
Se positionner comme mentor ou mentore en classe
Un état d’esprit de mentor ou de mentore aide les enseignants et les enseignantes à établir des relations respectueuses avec les élèves tout en trouvant un équilibre entre des attentes élevées et un soutien adéquat. Il est facile pour un enseignant ou une enseignante de tomber dans les extrêmes: être trop exigeant ou trop exigeante sans offrir suffisamment de soutien, ou être trop soutenant ou trop soutenant sans faire preuve de suffisamment de rigueur. La clé est de trouver le juste équilibre.
Vous pouvez faire une autoévaluation de votre propre état d’esprit actuel en vous posant les questions suivantes:
- Est-ce que je crains que l’échec nuise à la confiance des élèves?
- Est-ce que je pense que les élèves en difficulté manquent d’éthique professionnelle?
- Est-ce que je pense que certains étudiants et certaines étudiantes échouent par paresse?
- Est-ce que je suppose que certains étudiants et certaines étudiantes sont désengagés de leurs études?
Ces croyances peuvent influencer involontairement votre manière d’aborder les élèves. Un état d’esprit de mentor ou de mentore, en revanche, favorise le développement en alliant mise au défi et encouragement. Les enseignants et les enseignantes qui adoptent cette approche:
- fixent des attentes élevées tout en offrant un soutien constant
- donnent une rétroaction immédiate et constructive
- conçoivent des cours stimulants et pratiques
- fournissent un soutien matériel (ressources, temps) et psychologique (disponibilité, respect)
- favorisent le développement de l’autonomie des élèves en valorisant leurs efforts et leurs progrès
- encouragent les élèves à demander de l’aide et reconnaissent leurs initiatives lorsqu’ils et elles le font
Une idée reçue courante est que la compétition et la comparaison sont des facteurs de motivation. Yeager soutient que la véritable motivation vient plutôt de l’amélioration personnelle. Les enseignants et les enseignantes peuvent appliquer cette idée en:
- évitant de se concentrer sur les moyennes de groupes et le classement des élèves
- encourageant les élèves à se concentrer sur leurs progrès personnels plutôt que sur la compétition avec leurs pairs
- présentant les notes comme une rétroaction sur la progression, pas comme une mesure de valeur
Mettre l’état d’esprit de mentorat en pratique
Dans la 2e partie de son livre, David Yeager présente des stratégies clés pour adopter un état d’esprit de mentor ou de mentore, notamment:
- tenter de résoudre les problèmes de façon collaborative
- faire preuve de transparence
- enseigner à voir le stress comme une ressource
- aider les élèves à identifier leur objectif
Résoudre les problèmes de façon collaborative
Tout d’abord, David Yeager explique que résoudre les problèmes de façon collaborative est un moyen de corriger les erreurs sans que les jeunes se sentent confrontés. Par exemple, plutôt que de se contenter de signaler les erreurs, une mentore ou un mentor engage une conversation sur la compréhension de la situation par l’élève en lui posant des questions ouvertes.
Questionner plutôt que diriger est important pour comprendre le point de vue et le comportement des élèves (qui sont probablement motivés par leur besoin de statut et de respect). Cela nous permet de mieux aligner nos actions. Dire aux élèves quoi faire peut être démotivant pour elles et eux, car elles et ils peuvent le percevoir comme un manque de respect.
David Yeager suggère des conversations individuelles pour éviter les malentendus. Il propose une interaction en 3 étapes pour une rétroaction efficace:
- Cerner le raisonnement des élèves en posant des questions authentiques
- Valider ce que les élèves ont déjà bien compris
- Améliorer la compréhension grâce à des questions suggestives qui s’appuient sur les concepts déjà compris
Imaginez une discussion avec une étudiante en échec à l’examen de mi-session. Au lieu de se contenter de lui donner une mauvaise note, un enseignant mentor pourrait lui dire:
Je sais que cette note ne reflète pas tes véritables capacités. Peux-tu me décrire ton approche jusqu’à présent? Qu’est-ce qui a fonctionné et qu’est-ce qui a posé problème? J’ai constaté tes points forts dans [domaine spécifique] et je sais que tu es capable de faire mieux. Avec quelques ajustements, je pense que tu peux renverser la situation. Puisque tu maitrises déjà [concept spécifique], comment penses-tu pouvoir appliquer cette force à d’autres domaines? J’ai aussi quelques idées, et ensemble, nous pouvons élaborer un plan pour t’aider à réussir au cours des 7 prochaines semaines.
Cette conversation témoigne d’une collaboration pour atteindre des standards élevés tout en favorisant le développement personnel. Utiliser le «nous» (collaborer) plutôt que le «tu» (diriger) crée une alliance avec les élèves. Vous leur faites savoir que vous les aiderez à résoudre le problème.
La clé n’est pas de réduire les attentes ou de trouver des excuses, mais de fournir aux élèves les conseils et les outils dont ils et elles ont besoin pour réussir, tout en reconnaissant leur potentiel.
Transparence
David Yeager souligne l’importance de la transparence dans la rétroaction. Les élèves doivent comprendre que vos attentes élevées et votre soutien découlent de votre confiance en leur potentiel. Selon lui, une déclaration de transparence doit:
- être formulée dès le début de l’interaction pour instaurer la confiance
- établir clairement votre intention bienveillante
- faire référence à votre propre intention et à votre propre comportement, et non au rôle des enseignants et enseignantes en général
Par exemple, si vous donnez des rétroactions à un étudiant qui a des difficultés dans votre cours, votre déclaration de transparence pourrait ressembler à ceci:
J’ai remarqué que tu as des difficultés avec certaines parties de la matière et j’aimerais te poser quelques questions. Avant cela, je tiens à préciser que mon objectif est de comprendre ton point de vue. Si je pose autant de questions, c’est pour bien comprendre ta façon de penser. Tes progrès me tiennent à cœur, et c’est pourquoi je te donne des rétroactions directes et utiles pour t’aider à progresser et à réussir.
David Yeager souligne l’importance de répéter nos messages, notamment lors des moments difficiles comme les examens finaux. C’est dans ces moments-là que les élèves doutent le plus d’eux-mêmes. Des déclarations de transparence répétées peuvent les rassurer sur nos intentions.
Le stress comme ressource
David Yeager met en lumière la fausse croyance selon laquelle le stress est invalidant et nuit à nos performances et à notre santé. Le stress est une conséquence naturelle du fait de se mettre au défi, et c’est une ressource qui peut alimenter de meilleures performances.
Comme enseignantes et enseignants, nous devons rappeler aux élèves que leur stress est généralement le signe que nous faisons quelque chose qui nous tient à cœur. Nous devons encourager nos élèves à accepter leurs émotions pour alimenter leurs performances et à utiliser le stress comme un atout.
Une fois encore, il est important de ne pas baisser nos attentes, mais d’augmenter les ressources disponibles pour les élèves pour les aider à faire face à la situation. Cela permettra de maintenir la rigueur intellectuelle associée au cours tout en offrant une flexibilité logistique.
Si un étudiant ou une étudiante exprime du stress à propos d’une évaluation, par exemple, David Yeager propose une approche en 3 étapes :
- valider (reconnaître la réalité du stress)
- chercher à comprendre (poser des questions ouvertes plutôt que de donner des conseils immédiats)
- collaborer pour trouver des solutions (travailler ensemble pour trouver une solution viable)
Imaginez que vous receviez un MIO d’un étudiant qui vous dit qu’il est trop stressé pour faire sa présentation orale en classe. Si vous suivez l’approche en 3 étapes pour gérer le stress, votre réponse pourrait être :
Je vois que tu es très stressé par cette présentation, et c’est logique: parler en public peut être difficile. Mais le fait que tu te sentes de cette façon montre que tu tiens à bien faire. Qu’as-tu essayé jusqu’à présent pour te préparer? T’es-tu pratiqué d’une manière avec laquelle tu étais confortable? Trouvons ensemble un moyen de rendre la situation plus facile à gérer. Si on commençait par une plus petite étape, par exemple en t’entraînant d’abord avec 1 ou 2 collègues de classe? Ou en t’enregistrant avant de parler devant la classe?
Donner un sens à l’apprentissage
David Yeager souligne que les étudiantes et les étudiants sont plus motivés lorsque l’apprentissage est lié à un objectif plus profond, comme un projet qui a un impact sur leur communauté ou qui correspond à leurs valeurs personnelles.
Pour aider les élèves à trouver le sens de leur apprentissage, vous pouvez:
- présenter l’apprentissage comme un outil de changement (montrer aux élèves comment leurs efforts peuvent contribuer à la société, que ce soit par la science, l’art, la défense des droits ou l’innovation)
- créer des projets concrets et significatifs (assigner des tâches qui produisent des résultats tangibles, comme des initiatives de service communautaire, des projets créatifs ou des recherches à impact social)
- exploiter les récompenses sociales (positionner l’apprentissage comme un moyen de gagner en respect et en statut en étant des individus indépendants d’esprit qui contribuent à un monde plus juste)
Proposer des projets significatifs qui contribuent à la société renforcera le sentiment d’utilité, le statut et la motivation des élèves et leur donnera une raison plus significative de se développer et d’apprendre.
Croissance future
En guise de conclusion, David Yeager nous rappelle que nos paroles peuvent façonner la confiance des élèves et leurs choix futurs. Nous devons être attentives et attentifs aux graines que nous semons, car la véritable croissance se fait avec le temps. Un simple commentaire ou un seul instant peut déclencher un changement et influencer les élèves longtemps après notre départ. C’est l’essence même du mentorat: investir dans la croissance future. J’espère que ce texte a été aussi inspirant pour vous que le livre l’a été pour moi. J’aimerais que vous écriviez dans la zone de commentaires si vous décidez de mettre en œuvre l’une de ces stratégies dans votre classe.
À propos de l'auteure
Véronique Drolet
Après avoir enseigné l’anglais langue seconde et l’anglais langue maternelle au niveau secondaire pendant 16 ans, Véronique Drolet a depuis peu intégré le réseau collégial. Elle est présentement enseignante en anglais au Cégep Limoilou. De plus, son intérêt marqué pour les langues l’a amenée à réaliser un certificat en traduction. Passionnée par l’intégration pédagogique du numérique, elle rejoint l’équipe Éductive en tant qu’éditrice technopédagogique.
Source de l'article: Éductive