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5e Rassemblement pédagogique sur l’autochtonisation de l’éducation

Allocution de Mme Nathalie Vallée

Depuis cinq ans, ce rassemblement organisé par le Collège Ahuntsic crée un espace de rencontres et d’apprentissages favorisant les échanges entre personnes autochtones et allochtones. Pour cette cinquième édition, l'accent a été mis sur le sens premier de la pédagogie, telle qu’elle se conçoit et s’applique chez les Premiers Peuples depuis des millénaires. Allocution d'ouverture par la directrice générale du Collège, Mme Nathalie Vallée.

Bonjour et bienvenue à la 5e édition du Rassemblement pédagogique sur l’autochtonisation de l’éducation.

Bienvenue au Collège Ahuntsic.

L’édition 2025 de notre Rassemblement, votre Rassemblement, aborde, sous différentes facettes, le thème de L’art de se raconter : une pédagogie de sens et d’ouverture. La pédagogie est le thème central à nos établissements et elle revêt plusieurs formes selon les cultures et les époques.

Bien plus que l’art ou la science de l’enseignement, elle révèle aussi des perspectives sur le monde, étroitement liées à une philosophie de transmission des connaissances et des valeurs. Au cours des dernières années, ce Rassemblement a offert un espace de rencontres et d’apprentissage favorisant l’échange, dans l’humilité, le plaisir et la richesse de contenu.

Cette année, est une édition anniversaire, à plusieurs égards, alors que nous célébrons notamment les 10 ans du Rapport de la Commission de vérité et réconciliation, du Protocole de Collège et instituts Canada (CICAN) sur l’éducation des Autochtones, et ceux de Mikana, organisme partenaire et ami du Collège Ahuntsic, ainsi que les 5 ans de la Commission d’Enquête sur les relations entre les Autochtones et certains services publics du Québec.

Ce que nous faisons en autochtonisation et décolonisation dans les cégeps et les universités se positionne en réponse aux appels à l’action de ces rapports, montrant notre détermination à réellement transformer l’éducation postsecondaire.

La pédagogie telle qu’elle se vit chez les premiers Peuples transcende la salle de classe traditionnelle. Elle s’imprègne de l’observation de l’environnement, de l’écoute profonde des porteuses et porteurs de savoir et d’une oralité offrant des histoires qui révèlent des savoirs culturels et expérientiels tant millénaires que récents.

La pédagogie telle qu’elle se vit chez les premiers Peuples transcende la salle de classe traditionnelle. Elle s’imprègne de l’observation de l’environnement, de l’écoute profonde des porteuses et porteurs de savoir et d’une oralité offrant des histoires qui révèlent des savoirs culturels et expérientiels tant millénaires que récents.

Chères participantes et chers participants, vous venez de partout : des communautés autochtones, des cégeps et des universités, mais aussi d’organisations gouvernementales et communautaires.

Depuis maintenant 5 ans, vous prenez le temps de nous rejoindre au Collège Ahuntsic, à la fin de chaque mois de mai pour rencontrer, entendre et échanger avec les personnes des Premiers Peuples qui montent sur cette scène avec générosité pour partager avec nous leurs perspectives sur des enjeux qu’elles connaissent très bien et qui nous concernent tous et toutes.

Chaque année, vous êtes de plus en plus nombreux et nombreuses. Je nous trouve sincèrement privilégiés de nous voir réuni.es autour de présentations que nous avons voulues chaque fois, les plus directes, inclusives et accessibles possibles.

Au Collège Ahuntsic et dans de nombreuses institutions du réseau, nous poursuivons nos apprentissages avec humilité, grâce à ces personnes. Nous les écoutons, restons ouvertes et ouverts et recevons leurs enseignements avec gratitude.

Je persiste à croire, après ces années d’engagement dans notre processus de décolonisation,que nos établissements doivent continuer. En fait, j’en suis de plus en plus convaincue.

Être tourné.es vers les voix autochtones et devenir des acteurs et actrices de transformation, c’est ce que nous voulons faire avec eux et elles, un pas à la fois, sans nous arrêter, au rythme de nos ami.es des Premiers Peuples.

C’est de plus en plus nécessaire de le faire compte tenu de la montée de certaines idées antiprogressistes qui attaquent les valeurs qui guident nos démarches. Ça l’est aussi malgré les compressions budgétaires qui mettent à mal notre volonté de garder la cadence pour atteindre un objectif tellement pertinent. Essentiel en fait. Le Rassemblement pédagogique sur l’Autochtonisation de l’éducation est une activité qui est offerte gracieusement par le Collège Ahuntsic, soutenu par des subventions en équilibre sur une lame. Nous retenons notre souffle chaque fois en sollicitant nos bailleurs de fonds.

Rien n’est acquis, mais même si nous marchons souvent sous un vent de face, nous continuerons de travailler pour que ce rendez-vous puisse encore être offert l’an prochain, parce que nous constatons que de plus en plus de personnes comprennent qu’il faut donner du temps, accepter de questionner et modifier nos pratiques, et surtout cultiver notre humilité en continu.

Je veux saluer et remercier très sincèrement les personnes des Premiers Peuples qui nous visitent pendant ces deux journées que nous passerons ensemble. Ça demande de la confiance et du courage.

Vos savoirs sont tellement précieux. Pour qu’il y ait un authentique échange, il nous faut entretenir, nourrir et prendre soin des relations que nous tissons avec vous.

Vos savoirs sont tellement précieux. Pour qu’il y ait un authentique échange, il nous faut entretenir, nourrir et prendre soin des relations que nous tissons avec vous. Trop souvent, dans l’histoire des interactions entre nos peuples et encore aujourd’hui, le partage de connaissances s’est accompagné d’une prise de possession de ces savoirs par les colonisateurs.Nous sommes donc privilégiés.

Je nous invite alors à favoriser une écoute respectueuse. Une écoute authentique et ouverte. Une écoute large, claire, sans parasite. Une écoute qui centre notre attention sur ce qui nous est vraiment dit par les personnes qui viendront partager, avec leurs réalités propres, de manière bienveillante. Une écoute qui accueille la remise en question de nos actions et de nos motivations dans nos démarches, qu’elles soient de décolonisation ou d’autochtonisation. Parce que je suis convaincue que le changement passe d’abord par notre capacité à écouter pour vrai.

C’est ce que nous tentons de faire, bien humblement chez nous au Collège Ahuntsic, en tenant des conversations franches, nécessaires et parfois difficiles ou inconfortables, qui nous amènent chaque fois à mieux saisir l’essence d’une décolonialité complexe et de nos relations avec les Premiers Peuples au Québec.

Nous explorons et opérons les changements petit à petit. Les petites actions ont souvent beaucoup d’impact parce qu’elles nous permettent d’avancer de manière sécuritaire, de nourrir des relations qui doivent s’enraciner durablement. De ralentir pour reprendre notre souffle. Peu importe la taille des gestes ou des changements qu’on opère, il faut se rappeler qu’ils doivent être posés en réponse à un besoin et une volonté exprimée par les personnes des Premiers Peuples. Il y a plus d’avantages à changer que d’inconvénients, et plus nous avançons sur le chemin de la décolonisation, plus nous le confirmons.

Les établissements d’enseignement allochtones changent. Nous le constatons. Je profite de la tribune qui m’est offerte pour les saluer et remercier mes collègues qui les soutiennent, qui investissent du cœur, du temps et des ressources. Mais je tiens surtout, et c’est le plus important, à remercier toutes les personnes et organisations des Premiers Peuples qui œuvrent depuis des décennies à réclamer et mettre en place des changements en éducation pour le bien de leurs communautés, et la fierté culturelle, spirituelle, politique, territoriale et linguistique de leurs populations.

En terminant, je remercie toutes les personnes invitées qui nous ont rejoints et qui prendront parole dans le cadre de ces deux jours de discussions, d’écoute et de partages. Des remerciements particuliers à celles et ceux qui ont fait une longue route pour participer à notre Rassemblement, votre apport est précieux et votre amitié inestimable.

Je remercie également le Gouvernement du Québec et le ministère de l’Enseignement supérieur qui soutiennent financièrement ce rassemblement.

Enfin, j’exprime ma gratitude à mon équipe qui accompagne notre milieu en continu à Ahuntsic, toute l’année, en créant des occasions de rencontres directes avec des personnes des Premiers Peuples et en travaillant de près avec les personnes enseignantes et professionnelles, et aussi avec les gestionnaires et le personnel qui soutient les activités d’enseignement, d’apprentissage et d’accompagnement.

C’est une équipe unie composée de personnes complémentaires, qui croient et qui voient loin, qui bousculent et qui éduquent, qui guident dans la bienveillance et qui veillent pour que nos actions soient toujours pertinentes. Alors Chrislène, Sonia, Stéphanie, Julie, Gilbert,Pierre, Sylvain, Aksana, Alexandre et toutes les autres personnes qui ont travaillé de près ou de loin à cet événement, mille mercis.

Je vous souhaite de belles conversations et de riches rencontres.