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Prix Vecteur pédagogique 2024 de l'AQPC
Andrea Cooperberg, stratège de l’apprentissage hybride
En décernant conjointement le prix Vecteur pédagogique à Andrea Cooperberg, l’Association québécoise de pédagogie collégiale (AQPC) et Performa soulignent et reconnaissent son expertise en matière d’apprentissage hybride. Le prix met en lumière sa contribution significative au déploiement de cette approche éducative dans l’enseignement supérieur.
Par Thérèse Lafleur, rédactrice
Conseillère pédagogique au Collège John Abbott, madame Cooperberg prône la pédagogie avant tout — les stratégies d’apprentissage mixte ou hybride doivent s’y arrimer. « C’est toute une évolution en éducation, mais le rôle de chaque professeur.e demeure tellement important. »
« Pendant mes études en Argentine, mes professeurs.es croyaient déjà en la technologie. Toutefois, la part essentielle de l’éducation demeurait la pédagogie, l’important étant la manière d’utiliser la technologie. Ce n’est pas parce qu’une application est nouvelle qu’il faut que tout le monde l’utilise. N’oublions pas la classe ! La technologie peut être n’importe quoi, en commençant par un stylo et du papier. C’est la manière dont nous utilisons la technologie qui lui donne tout son sens, qui va transformer la classe. C’est la première question que je pose aux professeurs.es qui veulent l’utiliser. Comment voulez-vous utiliser la technologie pour enrichir et améliorer l’apprentissage en classe ? »
Madame Cooperberg est née à Buenos Aires, où elle a obtenu une maîtrise en communication — éducation et technologie. Elle a d’abord enseigné en Argentine, puis elle est venue s’installer au Québec, il y a maintenant 22 ans. Ici, elle a appris le français et l’anglais. Elle s’est aussi perfectionnée : « J’ai fait une maîtrise en technologie éducative à l’Université Concordia. Cela m’a permis de travailler en réseau avec d’autres professionnels.les. À Concordia, j’ai aussi contribué au développement d’une application pour aider les enfants en littératie. »
Après avoir enseigné au primaire, madame Cooperberg est allée travailler chez Bombardier. « J’avais l’occasion de transférer ce qu’on applique en classe dans un autre environnement. Comment entraîner les pilotes ? C’est le même principe : il faut trouver les meilleures méthodes pour susciter l’apprentissage. » Sa carrière s’est poursuivie comme conseillère en technologie éducative au primaire et au secondaire. Elle est entrée au Collège John Abbott quelques mois avant la pandémie.
Détentrice d’un certificat en pédagogie collégiale de Performa — Université de Sherbrooke, elle en est maintenant la représentante locale à John Abbott. « En acceptant ce prix, j’en ai profité pour faire valoir l’importance de connaître l’histoire des cégeps et de comprendre la mission des collèges. C’est ce qu’on apprend dans le premier cours du certificat en pédagogie collégiale de Performa. Tous les professeurs.es devraient savoir au moins cela. Le collégial doit inspirer les étudiants.es à apprendre tout au long de leur vie. La technologie favorise cela. »
Créer une communauté d’apprentissage
« La pandémie nous a beaucoup appris, affirme madame Cooperberg. Tant dans les entreprises que dans le milieu éducatif, nous avons compris que nous pouvons être très productifs en travaillant de la maison. Il y a des milieux qui le savaient déjà, mais, spécialement en éducation, nous avons appris que les étudiants.es peuvent apprendre même si nous divisons présence en classe, ou en ligne, et travail individuel (devoirs, réflexion, lecture). Cependant, cette combinaison doit avoir un objectif pédagogique et être bien préparée. L’étudiant.e doit aussi avoir les compétences et les outils nécessaires pour être en mesure de travailler de la maison, via la bibliothèque ou un forum. Ce n’est pas un devoir, cela fait partie de la classe, du processus d’apprentissage. »
Madame Cooperberg insiste sur le fait qu’une rencontre hebdomadaire en classe n’est pas pour autant synonyme de liberté pour l’étudiant.e : « Les professeurs.es doivent être présents, même sans être en présentiel. » Le personnel enseignant doit veiller à ce que les étudiants.es sachent utiliser les outils leur permettant d’apprendre et de participer.
Les étudiants.es doivent interagir entre eux, avec le professeur et avec le contenu. Présence de l’enseignant, présence cognitive et présence sociale sont les trois instances qui entrent en jeu pour créer une communauté d’apprentissage dans la classe.
Au Collège John Abbott, l’apprentissage mixte/hybride animait la communauté avant même la pandémie. C’est ce qu’a constaté madame Cooperberg à son arrivée : « Un comité pédagogie et technologie composé de divers intervenants était en place. Ils avaient établi ensemble les principes de l’apprentissage hybride au Collège. Je me suis jointe à un groupe multidisciplinaire pour mettre en œuvre l’enseignement en ligne que la pandémie imposait. »
Le prix Vecteur pédagogique a donné l’occasion aux collègues de madame Cooperberg de souligner sa capacité à inspirer et à innover. Celles et ceux qui la côtoient ont noté « que sa franchise, sa bonne humeur, son tact et sa bienveillance contribuent à créer une expérience professionnelle et un lieu de travail positifs pour les personnes impliquées ».
Au fil du temps, les modalités de l’apprentissage mixte/hybride ont été actualisées et expérimentées par le personnel enseignant du Collège. Des sondages auprès des étudiants.es et du personnel permettent la mise à jour constante de l’approche. Madame Coonenberg a d’ailleurs produit un rapport exhaustif sur l’apprentissage hybride à John Abbott. « Pour moi, c’est en validant l’engagement des étudiants.es dans la classe que nous pouvons maintenir et élargir la communauté de pratique des professeurs.es. »
Madame Cooperberg partage volontiers son expertise dans son lieu de travail et dans le réseau de l’enseignement supérieur, notamment en présentant les aspects techniques et pédagogiques de l’apprentissage mixte dans le cadre du Master Teacher Program (MTP) de Performa — Université de Sherbrooke. Elle collabore au Réseau des répondantes et répondants TIC, le REPTIC. De plus, elle anime des ateliers sur l’apprentissage hybride à l’Université Concordia, notamment via le Réseau de recherche sur les communautés québécoises d’expression anglaise, le QUESCREN.
« Je veux partager mes connaissances et aussi en apprendre beaucoup avec l’intelligence artificielle (IA). Plusieurs paniquent devant l’exploitation de l’IA en éducation. Pourtant, je pense que l’IA est comme les autres technologies. Nous devons l’explorer et comprendre comment l’intégrer aux stratégies d’apprentissage sous les angles pédagogique et technologique. » Madame Coopergerg envisage d’ailleurs de faire un doctorat en leadership pédagogique. La recherche sur ce qui se passe ailleurs en éducation l’intéresse, de même que la possibilité de transférer les meilleures pratiques.
Madame Cooperberg voit clairement la convergence entre l’apprentissage et le travail mixte/hybride. Pour elle, le collégial prépare les étudiants.es à la réalité du monde de l’emploi en les formant comme apprenants numériques. C’est un apprentissage pour la vie. Si les professeurs.es s’engagent sur la voie de la technologie, ils peuvent transférer cela en classe. Les étudiants.es vont savoir comment utiliser la technologie pour apprendre, créer et aussi interagir à des fins professionnelles et citoyennes.
[i] Observatoire sur la réussite en enseignement supérieur (ORES). Synthèse des connaissances sur l’enseignement et l’apprentissage à l’ère de la COVID-19.