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Quitter un camp de réfugiés pour être accueilli au Cégep de Trois-Rivières

Josée Bourassa - Ici Radio-Canada

En 2023, le Cégep de Trois-Rivières plongeait dans une aventure peu commune, celle de changer le destin d’une jeune personne vivant dans un camp de réfugiés. L’expérience a été concluante, si bien que l’institution compte accueillir une autre personne étudiante réfugiée à l’automne 2025.

Pour des raisons de sécurité et de confidentialité, le nom, le genre, le pays de la personne étudiante ne seront pas mentionnés dans cet article. Pour faciliter la lecture, nous l'appellerons Charlie.

Un défi organisationnel

L’aventure a commencé lorsque le Cégep de Trois-Rivières a décidé de répondre à l’invitation d’Entraide universitaire mondiale du Canada (EUMC) qui favorise le parrainage d’une personne réfugiée, pour lui permettre de poursuivre ses études.

Ça représente tout un défi. L'institution devait assumer les coûts de sa première année au Québec, lui offrir un logement dans une de ses résidences, trouver du financement et rassembler d’autres étudiants prêts à l’accueillir. Parce que le parrainage oui, il faut remplir des documents, mais au-delà de ça, on reçoit réellement une personne physique, une personne humaine, on doit s'occuper de cette personne, lui faire découvrir notre ville pour que cette personne puisse bien s'intégrer dans notre communauté, explique Sophie-Lizandre Blais, attachée d’administration — étudiants internationaux du Cégep de Trois-Rivières.

Ainsi est né le comité de parrainage d’un étudiant réfugié (PÉR).

Une lueur d’espoir

À des milliers de kilomètres de Trois-Rivières, Charlie vivait dans un camp de 50 000 réfugiés, dont la grande majorité était des jeunes de son âge. Dans le camp où j'étais, il n'y avait pas moyen de travailler, il n’y avait pas moyen de faire de grandes études. C'était seulement que les petites formations qu'on faisait.

Dans le camp, vivaient aussi des enseignants, des professeurs qui s’étaient donné la mission d'enseigner aux jeunes, sans recevoir de salaire. C'est là que j'ai eu la chance d'apprendre un peu d'anglais, puis après j'ai fait une formation à l'informatique. C’est aussi là que Charlie a appris l’existence des projets de l’EUMC et de la possibilité de pouvoir venir étudier au Canada. La majorité des gens qui vivaient dans ce camp étaient des jeunes qui en rêvaient, tout comme Charlie.

"C'était quelque chose que je ne pouvais pas prendre à la légère parce que j'avais déjà passé cinq ans dans un camp de réfugiés et j'ai vraiment vu la vie misérable qui était là".

Une nouvelle vie

Charlie a été la personne choisie pour venir poursuivre ses études au Cégep de Trois-Rivières. J'ai vraiment remercié le ciel à chaque fois, affirme Charlie avec une infinie reconnaissance.

Entre le rêve de quitter l’endroit où l’on vit pour aller dans un monde meilleur, il existe une étape qui s’appelle la réalité. Elle a été déstabilisante pour Charlie. C'était vraiment un choc culturel parce qu'il y avait l'odeur, la température, le climat et tout. C'était arrivé d'un seul coup. C'était pour moi un choc, parce que je devais encaisser d'un seul coup.

Il lui aura fallu environ un mois pour retrouver de nouveaux repères. J'ai commencé à m'adapter petit à petit avec la nourriture, avec la façon de vivre des gens ici qui est vraiment différente de la nôtre. Bien que Charlie parle français, les expressions, les accents différents des siens ajoutent à la difficulté.

Un an et demi plus tard, sa vie a complètement changé. Charlie est maintenant autonome, a trouvé un emploi et ne dépend plus de l’EUMC.

"Mon parcours a vraiment été formidable parce que j'ai été entretenu.e par des personnes bienveillantes qui voulaient vraiment me voir réussir et qui m’ont vraiment encadré, m'ont permis de découvrir et de m'intégrer".

Alors que Charlie envisage de terminer ses études collégiales en 2026, le Cégep souhaite poursuivre l’expérience en permettant à une autre personne réfugiée de venir étudier en ses murs à l’automne 2025. C’est merveilleux de voir les étudiants qui s'impliquent depuis l'année passée, raconte Sophie-Lizandre Blais.

Regroupés au sein d’une jeune coopérative, les étudiants font de la sensibilisation, développent des qualités entrepreneuriales pour mettre en marche des campagnes de financement, car réunir les fonds nécessaires demeure un des principaux enjeux pour la réussite du projet.

14 avril 2025