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Un régime minceur qui fait perdre des livres aux bibliothèques collégiales
De nombreux cégeps ont dû suspendre dans les derniers mois les achats de livres et de documents pour leur bibliothèque. La raison ? L’imposition par Québec de seuils d’investissement surprises, que les cégeps ne peuvent pas dépasser. Les professeurs et les étudiants écopent, mais aussi toute la chaîne du livre. Premier texte d’une série de trois.
Par Zacharie Goudreault - Le Devoir
Le Devoir a contacté une trentaine de cégeps de la province. Sur la vingtaine ayant répondu, plus de la moitié ont confirmé avoir réduit de façon importante, depuis la rentrée automnale, leurs achats de livres et de documents pour leur bibliothèque. Et ce, même si plusieurs cégeps avaient d’abord adopté des budgets plus élevés que l’an passé à cet égard.
Québec a imposé à l’été un plafonnement des dépenses liées à l’entretien des bâtiments, à l’achat de mobilier ainsi qu’à l’acquisition de livres et d’autres documents par les bibliothèques collégiales. Les 48 cégeps de la province ont alors dû revoir ces investissements à la baisse.
Résultat : les cégeps qui ont fourni des données au Devoir ont vu la somme qu’ils pourront accorder à leur bibliothèque cette année diminuer de 42 % en moyenne. Plusieurs ont commencé la session d’automne en ayant déjà dépensé l’entièreté ou presque de l’argent à leur disposition destiné à l’acquisition de documents pour toute l’année.
De nombreux bibliothécaires ne peuvent ainsi plus commander les nouveautés littéraires qui leur permettraient de garnir leurs rayons et de suivre une culture en constante évolution.
« En ce moment, on parle beaucoup de préservation de l’identité québécoise, de nos jeunes qui sont soumis à l’influence des médias de masse anglo-saxons. Les bibliothèques, c’est un des endroits où ils ont accès à la culture francophone, et on coupe là-dedans ! C’est extrêmement problématique », fait valoir le vice-président responsable du regroupement cégep à la Fédération nationale des enseignantes et des enseignants du Québec, Yves de Repentigny.
« On a un gouvernement qui dit que les jeunes ne s’intéressent pas assez à la culture québécoise, mais il coupe dans les livres », s’offusque-t-il.
L’effet de ce plafonnement est frappant au Collège Lionel-Groulx, à Sainte-Thérèse, qui avait prévu dépenser 248 000 $ cette année pour les acquisitions, mais aussi d’autres dépenses de sa bibliothèque. Autant d’investissements qui ont depuis été plafonnés à 14 000 $. Une somme que le cégep avait déjà dépensée avant la rentrée.
« On n’a plus de possibilité de dépenser dans ces budgets-là », résume le directeur général, Philippe Nasr. « Ça amène toutes sortes d’enjeux pour les étudiants dans leur capacité d’aller chercher tous les outils dont ils ont besoin pour leur formation », souligne-t-il. Ce dernier ignore, à ce jour, s’il aura les leviers financiers supplémentaires pour répondre aux besoins de sa bibliothèque l’an prochain. Entre-temps, l’achat de nouveaux livres y est suspendu.
Certains cégeps ont pour leur part réussi à épargner leur bibliothèque cette année en creusant dans leurs surplus accumulés ou en obtenant une avance de fonds de la part de Québec. D’autres ont plutôt choisi de procéder à des compressions dans d’autres postes de dépenses.