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Le Devoir - Opinion

«Le problème du français écrit est ailleurs»

par Isabelle Morissette, enseignante de littérature au collégial

 

  • Dans le « Rapport du comité d’expertes sur la maîtrise du français au collégial », les autrices constatent les difficultés des élèves du collégial en français écrit et proposent que les devis des cours de littérature soient revus de manière à faire plus de place à l’enseignement de la langue et aux stratégies de révision de texte, dont l’utilisation efficace d’un logiciel de correction de texte tel Antidote.

    Encore une fois, les recommandations de ce rapport pellettent le fardeau de l’enseignement et l’évaluation de la langue écrite dans la cour de la discipline Littérature dont le mandat premier, au collégial, devrait être de travailler la compréhension de textes spécialisés et les règles de rédaction propres aux différents types de discours (informatif, expressif et argumentatif) que les étudiants ne distinguent pas et qui sont en partie responsables de la montée de la désinformation de masse.

    À vrai dire, il est étonnant que ce rapport d’expertes passe encore une fois à côté du véritable problème du français écrit, c’est-à-dire de n’être souvent évalué que dans les cours de français du primaire au collégial, en raison de la charge de travail que sa correction impose ou du sentiment d’imposture évoqué par certains enseignants d’autres disciplines qui avouent bien candidement ne pas en maîtriser les règles.

    Comment ces expertes ne s’indignent-elles pas devant l’échec social que constitue la non-maîtrise des règles de base en français écrit au collégial et ce, tant par les élèves que par certains enseignants de programme spécifique ? C’est à mon sens la première aberration de ce rapport : si les lacunes en français écrit nuisent à la réussite des étudiants dans leur programme, pourquoi n’en évaluer la maîtrise qu’en français ? L’évaluation de la langue ne devrait-elle pas être obligatoire dans toutes les disciplines, du primaire au collégial ?

    En ce sens, j’ai travaillé pendant trois ans à titre de répondante Antidote dans mon collège pour assister les professeurs volontaires de toutes les disciplines dans un effort commun de valorisation de la langue. N’en déplaise à tous les détracteurs du correcticiel qui y voient une béquille, si cette béquille donne le sentiment de compétence nécessaire à des professeurs et à des élèves pour corriger leurs travaux, j’y vois une solution à un problème systémique qui, si elle était appliquée dans tous leurs cours, permettrait à moyen terme une amélioration de la langue.

    Car Antidote ne corrige pas le texte des élèves à leur place : il souligne de possibles erreurs et rappelle à ses utilisateurs les règles qui lui font défaut, en plus de réunir tous les dictionnaires et grammaires sur une même plateforme. Il faudrait qu’on arrête de se prononcer contre son utilisation sans savoir de quoi l’on parle.

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Le Devoir 17 mars 2023