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Odile, différente

Article publié par La Presse - Patrick Lagacé

Quinze ans. T'as 15 ans. Tes poumons ne font plus la job. C'était prévu, écrit dans le ciel, programmé. T'as la fibrose kystique.

C'est les poumons qui lâchent, petit à petit. Mais c'est pas tout, avec la fibrose kystique. Y a tout le reste. La difficulté à manger, à digérer. En plus de la difficulté à respirer.

T'as 15 ans. Tu t'appelles Odile.

Et t'attends tes poumons.

Ça ne se commande pas sur Amazon, des poumons. Ça vient d'une banque de donneurs d'organes. C'est quelque chose comme une loterie. Certains, Odile, meurent en attendant des poumons qui ne sont pas venus à temps.

***

T'as 15 ans. Les deuils, tu les enfiles. Une vie « normale », les amours, les partys. Rêver ? L'avenir ? C'est dur d'imaginer ça, quand la mort te guette. L'école aussi fut un deuil : les forces vives ont fini par te quitter, tu n'iras plus à l'école, du moins pour un bout de temps. T'avais déjà été dans le programme enrichi.

Un bout de temps, à 15 ans, c'est quoi ?

L'éternité.

T'as 15 ans, tu rates tout. Les amours, les partys. Tes amis te désertent, forcément.

Tes amis vivent leur vie d'ado. Toi, t'es branchée à des tubes reliés à des machines, gavée, t'as multiplié les allers-retours à Sainte-Justine. Tes amis disparaissent. Ce n'est ni leur faute ni la tienne.

T'as 15 ans, t'as plus d'amis.

Tu t'appelles Odile Lefrançois.

T'as deux choses, dans la vie, à part la maladie.

Ta famille : papa, maman, tes deux petites soeurs.

Et les mots. Les mots que tu écris, puis ceux que tu dévores dans les livres. Tu t'accroches aux mots : « Les mots contre mes maux. »

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