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CÉEC : les « expert.e.s »

Réflexion sur le rôle d’expert.e des comités de visite

Les auteurs viennent de publier dans le numéro de février de la revue Pédagogie collégiale une réflexion sur le mandat de la Commission d’évaluation de l’enseignement collégial, à l’occasion de son trentième anniversaire. Ils poursuivent leur réflexion en ce qui a trait au Comité de visite constitué par la CÉEC qui, à la suite du dépôt du rapport d’autoévaluation d’un établissement collégial, se rend dans l’établissement afin de rencontrer les différent.e.s acteurs/actrices du collège dans le but de valider les constats et conclusions du rapport déposé.

Guy Côté, DG, Collège CDI
 
Marcel Côté, DG à la retraite
 
Claude Roy, DG à la retraite

La composition du comité est la suivante : un commissaire et un.e agent.e de recherche désigné.e.s par la CÉEC et normalement trois « expert.e.s » détenant une « certaine connaissance » en évaluation de qualité. Les membres du comité ont reçu au préalable le rapport et ont fait part de leurs observations qui sont consignées dans l’outil d’analyse préparé par la Commission. Après une première rencontre où les membres du comité font connaissance et partagent leurs commentaires, le comité va rencontrer successivement les différents.e.sintervenants.e.s du collège afin de valider le contenu du rapportau regard de ce qui est véritablement vécu dans le collège. À la fin de ces rencontres, le comité en arrivera à des conclusions communes et il pourra suggérer des invitations, des suggestions, voire des recommandations, qui devront être avalisées par la Commission dans des réunions subséquentes où siègent les commissaires afin d’assurer la justice et l’équité dans le traitement des dossiers d’évaluation des collèges.

Dans le bilan produit par le CÉEC, les experts mentionnent que les visites d’audit permettent de mieux comprendre la réalité des collèges et l’efficacité de leur systèmes d’AQ. Il importe donc que les visites soient conservées.Toutefois, il s’agit pour les personnes sollicitées comme expert.e.s d’un travail enrichissant mais exigeant.

Nous résumons ici ce qu’est un.eexpert.e pour la CÉEC avant de décrire la réalité terrain.

Les attentes de la Commission[1]

La CÉEC recherche idéalement des experts dont le profil répond aux caractéristiques suivantes :

  • possèdent une connaissance du milieu collégial de même qu’une expertise particulière en évaluation et en assurance qualité;
  • occupent diverses fonctions dans les collèges : administrateur au conseil d’administration, directeur général, membre de l’équipe de direction, professionnel, coordonnateur de programme ou de département et professeur;
  • pour celles qui proviennent des universités et du milieu socioéconomique, œuvrent à titre de spécialistes en assurance qualité en enseignement supérieur, de professeur, de consultant, être étudiantes aux cycles supérieurs en éducation et occuper toute autre fonction pertinente relative à l’objet évalué;
  • possèdent certaines qualités professionnelles et personnelles : un fort sens des attentes de la CÉEC l’analyse et de la synthèse ; font preuve d’objectivité et de rigueur pour appuyer leur jugement ; possèdent une capacité à travailler en équipe et à établir un consensus lors de la prise de décision ; sont dotées d’un bon sens de l’écoute ainsi qu’une ouverture à la diversité des réalités et des pratiques des établissements en matière d’assurance qualité.

La réalité terrain

L’implication exigée des personnes recrutées par la CÉEC pour agir à titre de membre des comités de visite est importante. Il faut dédier un nombre d’heures significatif afin de se familiariser avec la procédure, analyser le dossier d’autoévaluation -certains rapports peuvent compter plus de 1000 pages en incluant les annexes-, procéder à la visite et valider le rapport produit. Certains.e.sexperts.e.sacceptent cette tâche dans le but d’améliorer leur compréhension des attentes de la Commission et d’en faire profiter leur établissement. L’absence de rémunération est cependant peu attractive pour les gestionnaires émérites du réseau ainsi que les représentants des associations étudiantes, des universités ou du milieu socioéconomique.

De fait, des expert.e.s sont parvenus à développer leurs connaissances en participant à de nombreuses visites pour le réseau collégial. Toutefois, face à la difficulté de recrutement, la CÉEC doit souvent revoir ses exigences. Peu de membres des comités de visite peuvent prétendre posséder à une réelle une expertise en évaluation de la qualité. En outre, peu proviennent des universités et du milieu socioéconomique. Ainsi, les comités de visite sont plus souvent composés de pairs, d’observateurs ou d’auditeurs à l’exception évidemment des commissaires qui agissent à titre de président du comité.

Dès lors à l’aide d’une grille d’observation, les membres du comité sont appelés à porter un jugement et à suggérer des avis à la suite de l’analyse du rapport d’autoévaluation produit par l’établissement et des rencontres d’intervenants responsables de la mise en œuvre des mécanismes d’assurance qualité.

Ce jugement et ces avis portent essentiellement sur les caractéristiques (la qualité) des mécanismes internes d’assurance qualité. Toutefois, la force des personnes recrutées actuellement à titre d’expert par la Commission réside dans leur expertise en gestion de programmes d’études (les conseillers pédagogiques) et en gestion d’établissements en enseignement supérieur (personnel d’encadrement).

En fait, plutôt que de se limiter à identifier les lacunes, leur rôle pourrait être élargi pour inclure une discussion sur le partage de bonnes pratiques (mentorat), le but étant d’inspirer l’établissement (sans imposer, suggérer ou recommander des solutions) afin d’améliorer de façon continue ses mécanismes d’assurance qualité interne. Cela pourrait permettre de bonifier l’efficience des plans d’action proposés et éviter que chaque collègedoive réinventer la roue plutôt que d’en améliorer son fonctionnement.

Est-ce que les associations de collèges (privés et publics) peuvent servir de levier pour cet aspect ? Par exemple, dans le dossier de la réussite, la Fédération des cégeps propose en outre qu’un échange accru entre les établissements d’enseignement supérieur sur les résultats de l’évaluation des systèmes d’assurance qualité au regard de la planification liée à la réussite puisse accélérer le développement d’une expertise collective en la matière.

Par ailleurs, ne devrait-on pas revoir ce titre d’expert.e en considérant des fonctions associées qui seraient une valeur ajoutée et/ou utiliser une meilleure appellation pour la Commission en ce qui a trait à ces personnes qui participent à ces visites.

 Voici certaines de ces fonctions associées :

  • Auditeur/Auditrice : Personne qui participe à une activité indépendante et objective qui donne à une organisation une assurance sur le degré de maîtrise de ses opérations, lui apporte ses conseils pour les améliorer, et contribue à créer de la valeur ajoutée.
  • Expert.e : Personne ayant acquis une grande habileté par l'expérience ou par la pratique choisie pour ses connaissances éprouvées et chargées de faire des examens, constatations ou appréciations de fait.
  • Mentor.e : Personne ayant pour rôle d’en aider ou guider une autre à mieux se connaître, à développer sa confiance en ses capacités et à se développer professionnellement.
  • Observateur/Observatrice : Personne dont la mission est de regarder le déroulement de certains événements afin d'en rendre compte.
  • Pair.e : Personne de même titre, de même fonction qu'une autre personne.

C’est pourquoi nous estimons, par souci de transparence, que la prochaine opération d’autoévaluation SAQC 3déjà annoncée par la CÉEC- devrait revoir l’appellation « expert.e » pour la remplacer par un terme plus approprié selon leurs véritables compétences. Le comité de visite pourrait ainsi être composé d’expert.e.s, mais aussi de pair.e.s, d’observateurs/observatrives ou d’auditeurs/auditrices. Nous invitons également la Commission à faire évoluer le rôle du comité vers un rôle plus proche du mentorat ne serait-ce que sur une base ponctuelle, le temps d’une visiteet d’en témoigner dans le cadre du rapport qu’elle produit à la suite de la visite institutionnelle.

Enfin, il serait souhaitable que la CÉEC repense le rapport d’autoévaluation à la lumière de l’expérience de SAQC2 : alors qu’on promettait un rapport facile à produire, ce travail est, à chaque fois, une reddition de comptes lourde et onéreuse pour les collèges. Il y a certainement un autre moyen de témoigner de ce qui se fait.

Conclusion

Dans cet article, nous avons identifié deséléments qui pourraient permettre une meilleure compréhension du comité de visite et en améliorer l’efficacité.

Ainsi, la CÉEC a modifié son approche dans l’opération SAQC 2 en prenant une posture d’aide et de soutien dans la production des rapports d’auto-évaluation des SAQ des collèges. Elle indique à ce sujet qu’elle a comme préoccupation d’alléger le processus d’audit en s’appuyant d’abord sur l’expertise développée par les collèges lors du premier cycle. Afin de s’assurer d’une documentation allégée à lire pour les experts, elle pourrait encouragerd’une mise en forme plus précise, sous forme de tableau par exemple, le fait de témoigner qu’un mécanisme est bel et bien efficace.

Par ailleurs, nous avons mentionné que les experts proviennent en partie des collèges. Ces experts sont choisis sur la base de leur connaissance en conseil pédagogique ou de gestion d’établissement, qu’ils soient actifs ou à la retraite. À la lecture des différents bilans de la CÉEC, nous constatons cependant que la quasi-totalité des experts provient de notre réseau de l’enseignement supérieur. Le fait de s’adjoindre des experts étrangersou provenant du monde professionnel de façon régulière au processus viendrait donner un regard externe dans les activités des établissements.Nous invitons la CÉEC à poursuivre dans cette direction. Ce regard externe pourrait permettre d’identifier certains angles morts.

La CÉEC doit aussi poursuivre les formations offertes aux experts. En ce qui a trait aux connaissances touchant l’évaluation des SAQ, nous invitons la CÉEC à rendre les formations aux experts plus pratiques avec des cas transférables dans le milieu et à démystifier le vocabulaire entourant les opérations de la CÉEC, par exemple en expliquant la différence entre un audit et une évaluation ou en faisant la distinction entre ce qu’est une procédure, un processus et un mécanisme. Autrement dit, ajuster le lexique de la CÉEC en l’adaptant d’une logique d’entreprise à une réalité de collèges québécois.

Nous espérons que notre invitation à redéfinir le comité de visite de même que le rôle des personnes qui en font partie sera utile afin de bonifier dans les prochaines années la réalisation du mandat de la Commission.

Guy Côté cumule plus de 30 ans d’expérience en enseignement supérieur. Depuis 2018, il est directeur général du Collège CDI. Il agit également à titre de vice-président de l’Association des collèges privés non subventionnés. Depuis 2010, il a assumé régulièrement le rôle d’expert pour la CÉEC. Depuis 2019, il préside aussi des comités de visites pour le compte de l’Agence pour l’évaluation de la qualité de l’enseignement supérieur (AEQES) de Belgique dans le cadre des travaux d’évaluation institutionnelle.

Marcel Côté a été successivement professeur, conseiller pédagogique, responsable de la formation continue, registraire et directeur des études, avant d’être directeur général d’établissements collégiaux pendant 18 ans. Détenteur d’un doctorat et de deux maitrises, il a à son actif une certification universitaire en gouvernance des sociétés. Il a siégé sur plusieurs conseils d’administration. Il a vécu l’arrivée de la CÉEC au sein du réseau et a participé aux travaux de la commission à différents titres.

Claude Roy est détenteur d’un doctorat professionnel en éducation (D.Éd.). Ses travaux de recherches ont porté sur l’assurance qualité en enseignement supérieur. Il a été tour à tour professeur en techniques administratives, coordonnateur au service de la formation continue, adjoint au directeur des études, directeur des études, puis directeur général pendant 12 ans. À l’arrivée de la CÉEC, il était professeur et par la suite, à travers ses fonctions professionnelles, il a participé de près aux évaluations de programmes, des plans stratégiques institutionnels ainsi qu’à l’évaluation du SAQ


[1]https://www.ceec.gouv.qc.ca/documents/2021/10/evaluation-de-lefficacite-des-systemes-dassurance-qualite-des-colleges-quebecois-guide-des-experts.pdf