Articles

Gestion des données de recherche (GDR)

Pour une culture de la recherche au collégial

D’ici le 1er mars 2023, les cégeps, collèges et écoles gouvernementales doivent se doter d’une stratégie institutionnelle de gestion des données de recherche (GDR). Une exigence pour obtenir le financement de la recherche par les trois grands organismes du gouvernement fédéral.

Thérèse Lafleur, Portail du réseau collégial

La politique GDR donne des balises pour mener la recherche avec rigueur, éthique et accessibilité aux résultats tout en sécurisant les données. La gestion performante des données de recherche s’avère ainsi l’élément clé de l’essor d’une culture de la recherche au collégial.

Ce n’est pas d’hier que le travail a été amorcé en ce sens. L’Association pour la recherche au collégial (ARC) et le Centre de documentation collégiale (CDC) s’y penchent depuis 2018. En 2022, le Groupe de travail sur la gestion des données de recherche, animé par l’ARC, a présenté une vue d’ensemble de la politique fédérale:

https://eduq.info/xmlui/bitstream/handle/11515/38318/ARC-CDC_Schema-gestion-donnees-2022.pdf (pdf)

Ce schéma réfère à l’Alliance de recherche numérique du Canada pour préciser que la gestion des données concerne l’ensemble des processus relatifs à un projet. Ainsi l’orientation de la collecte, la consignation, le stockage, le partage et la préservation des données sont faits afin que les données soient repérables à la publication des résultats du projet de recherche.

Une stratégie

La directrice générale de l’ARC, Lynn Lapostolle, explique qu’il n’y a pas de modèle unique. « Tout établissement qui veut obtenir un financement du fédéral doit élaborer puis rendre publique cette stratégie de gestion des données. C’est une stratégie et non une politique qui est demandée. Un type de document encore peu présent dans le réseau collégial. Cela implique que le collège lui-même se dote de cette stratégie, selon ses ressources et son organisation. »

Bien que la gestion des données de recherche demeure un enjeu majeur, la question des ressources paraît capitale. Aux dimensions de l’éthique et de la conduite responsable se sont ajoutées la gestion des données de recherche, la diversité, l’inclusion, la formation d’étudiants. « Et cela sans que les ressources humaines et financières suivent nécessairement. C’est à considérer » souligne Mme Lapostolle.

« La stratégie de gestion des données de recherche est l’un des trois piliers de la politique des organismes subventionnaires, son adoption constitue la première des trois étapes à franchir. Les plans de gestion des données sont également un pilier, et leur production représentera la deuxième phase. L’entreposage des données, qu’elles soient partagées ou non, constitue le troisième pilier et, de plus, la troisième étape. »

Lynn Lapostolle, directrice générale de l’ARC

Dans la foulée de cette politique, les principes PCAP de Propriété, de Contrôle, d’Accès et de Possession des Premières Nations doivent aussi être pris en compte. Le respect des communautés autochtones, tant sur la recherche faite par eux que celle faite avec eux, est énoncé dans la politique. De plus, des principes CARE pour la gouvernance des données autochtones entrent en jeu sur le plan international.

« C’est une stratégie et non une politique qui est demandée. »
Lynn Lapostolle, directrice générale de l’ARC

La bibliothécaire responsable du CDC qui suit le dossier depuis 2017, Isabelle Laplante, note aussi que chaque établissement prend un chemin différent à partir du gabarit proposé pour rédiger une stratégie. « Les grandes lignes sont établies. Les gens partent de cela pour l’appliquer à leur situation locale. L’élaboration d’une stratégie de gestion des données de recherche est une obligation qui laisse une certaine marge de manœuvre. » Sur le site web de l’ARC, des stratégies institutionnelles de gestion des données de recherche seront d’ailleurs référencées.

Ultérieurement, ce seront les plans de gestion des données de recherche qui seront à l’ordre du jour. Afin d’aider les chercheurs à souscrire à cette obligation, le groupe de travail de la Communauté de pratique des conseillers-ères à la recherche, animé par l’ARC et auquel participe le CDC, a rédigé deux exemples de plans de gestion de données. Ces plans ont été produits à partir de projets réels de recherche collégiale, l’un en sciences naturelles et génie et l’autre en sciences sociales et humaines. Acceptés et salués comme exemplaires par l’Alliance numérique de recherche du Canada, ils serviront de modèles tant en français qu’en anglais.

Accéder, conserver, sensibiliser

Madame Laplante mentionne un autre défi soulevé par la politique fédérale. Le défi de bien faire comprendre que libre accès et transparence ne se traduisent pas forcément par une accessibilité tous azimuts aux données. « Le principe d’une plus grande accessibilité signifie, à tout le moins, de faire savoir que le jeu de données existe. C’est un défi d’information. Il s’agit de faire connaître et comprendre la nuance entre faire savoir que les données existent et donner accès aux données. Il semble que cette dimension de l’accessibilité ne soit pas encore suffisamment intégrée. »

Selon le principe FAIR, rendre les données Faciles à trouver, Accessibles, Interopérables et Réutilisables est une orientation majeure de la politique. Cependant, cela ne signifie pas qu’il sera possible de les obtenir si ce sont des données sensibles. La justification de la préservation, du partage et de la conservation des données doit être définie dans le plan de chaque projet. C’est ce que précise la déclaration de principes des trois organismes subventionnaires. Il y a là un enjeu de transparence, de conduite responsable qui se traduit dans la stratégie de gestion des données de recherche.

« Tout le monde est concerné. Même les étudiants, éventuellement.»
Isabelle Laplante, bibliothécaire responsable du CDC

Si le jeu de données est partagé, quels seront les lieux de diffusion ? Les universités se sont dotées de dépôts de jeux de données, principalement via leurs bibliothèques. Le Canada dispose d’un Dépôt fédéré de données de recherche, le DFDR, pour les dépôts volumineux.

Dans le réseau collégial, chaque établissement n’a pas les ressources pour disposer d’un tel outil. À la Fédération des cégeps, le directeur adjoint de la Commission de la recherche, Sylvain Poirier, se fait rassurant. « La Fédération travaille justement à réserver un lieu de dépôt commun pour les cégeps. »

Les collèges ont accès à des outils et à de l’accompagnement. Ainsi ils pourront répondre aux exigences de la politique des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC), du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG), et du Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH). Trois organismes qui encouragent et appuient la recherche, la formation en recherche, le transfert de connaissances et l’innovation au Canada.

Un grand travail de sensibilisation doit être fait pour expliquer pourquoi une stratégie de gestion des données de recherche est nécessaire, comme le souligne Mme Laplante. «Même les bailleurs de fonds doivent être sensibilisés à valoriser la réutilisation des jeux de données lors de l’évaluation des demandes de financement. C’est un changement de culture. En fait, il est question du développement d’une culture de saine gestion de données de recherche et tout le monde est concerné. Même les étudiants, éventuellement.»