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Fédération des cégeps

Nouvelle PDG, enjeux et priorités 2024-2025

Présidente-directrice générale de la Fédération des cégeps depuis juillet 2024, Marie Montpetit plonge avec élan, et lucidité, dans l’univers du collégial. « Toute ma carrière, je me suis investie pour contribuer à l’avancement de la société. Et j’ai toujours cru que l’éducation en est le moteur principal. »

Par Thérèse Lafleur, rédactrice

Marie Monpetit, Présidente-directrice générale de la Fédération des cégeps

Cet engagement de madame Montpetit est porteur, sachant qu’elle devra composer avec les enjeux cruciaux que sont la croissance de la population étudiante et l’investissement dans les infrastructures. Le réseau des cégeps est vital pour le développement du Québec — ses priorités 2024-2025 sont bien établies en ce sens : valoriser l’enseignement supérieur, miser sur la réussite et rehausser les compétences.

Infrastructures vétustes VS hausse des inscriptions

D’entrée de jeu, deux dossiers majeurs s’imposent. « Nous faisons face à une double variable. D’un côté, des infrastructures vétustes; de l’autre, une hausse pharaonique des inscriptions à venir. Les cégeps innovent, s’adaptent, font face à de nouveaux défis. La population étudiante se complexifie. Elle a des besoins particuliers. Mais serons-nous capables de soutenir cette croissance ? Quels moyens nous donnera le gouvernement ? » questionne madame Montpetit.

Au printemps 2024, le Rapport du Vérificateur général du Québec soulignait la vétusté du parc immobilier des cégeps[i]. Fin juillet, pendant les vacances, le gouvernement a plafonné les investissements dans les infrastructures[ii][iii][iv][v].

Pourtant, ces investissements ont un impact direct sur la qualité des programmes, la formation des étudiants.es et la réussite scolaire. Qui plus est, ces coupures affectent des infrastructures qui servent aussi la collectivité, comme les piscines, les plateaux sportifs et les salles de spectacle[vi].

Capacité d’accueil VS accessibilité

L’entrée en poste de madame Montpetit coïncide avec le début d’une vague d’entrées au collégial. Elle précise que « C’est la plus forte augmentation des 25 dernières années. Et elle se sera soutenue encore dans les 10 prochaines années. Le ministère de l’Enseignement supérieur (MES) parle de 20 % d’augmentation en 10 ans ».

Devant ce tsunami de jeunes nés.es dans les années 2000, un constat s’impose : le manque de places. Il n’y a pas de places dans les services de garde, on installe des modules dans les écoles primaires, les écoles secondaires débordent. Les cégeps doivent maintenant accueillir des cohortes d’une ampleur sans précédent[vii].

« Évidemment que les cégeps avaient vu venir cette courbe démographique. Ils font des représentations en ce sens depuis plusieurs années, ce qui explique l’onde de choc actuelle dans le réseau devant le plafonnement des investissements dans les infrastructures. Oui, le contexte budgétaire est difficile au gouvernement, mais le MES sait que cette hausse de la population étudiante arrive et qu’il faut investir. Il y a vraiment là une incohérence dans l’apport accordé aux cégeps pour soutenir cette augmentation de la clientèle étudiante, en plus des exigences liées au maintien des bâtiments », affirme madame Montpetit.

 

Priorités 2024-2025

Valoriser l’enseignement supérieur au-delà des programmes spécifiques

Miser sur la réussite pour l’avenir du Québec

Rehausser les compétences de la main-d’œuvre

 

PARCE QUE CHAQUE PERSONNE ÉTUDIANTE COMPTE

C’est sous ce thème que la Fédération des cégeps a identifié les priorités 2024-2025. « Nous sommes dans un contexte où le monde change rapidement. Les connaissances se renouvellent vite et de façon exponentielle. Donc, la thématique que tous les étudiants.es comptent invite à une certaine prudence dans la recherche d’une adéquation pour répondre aux besoins du marché du travail. Parce que le marché du travail évolue lui aussi rapidement. Il faut valoriser l’ensemble des programmes, la formation collégiale, les études supérieures. Parce que personne, à l’heure actuelle, n’est capable de prédire à quoi ressemblera le marché du travail dans dix ans. Les étudiants.es doivent apprendre à apprendre. C’est déjà le grand défi des travailleurs.ses en emploi; le contexte les amène à se renouveler professionnellement », soutient madame Montpetit.

Elle rappelle que d’ici 2031, 93 % des nouveaux emplois exigeront minimalement un DEC. La réussite du Québec est intimement liée à celle de sa population étudiante.

Valoriser l’enseignement supérieur au-delà des programmes spécifiques

Le Québec est en déficit de main-d’œuvre. Sur 516 professions répertoriées par la Classification nationale des professions (CNP), 67 sont en déficit et 193 en léger déficit. L’accroissement massif de l’effectif étudiant pourra éventuellement faire une différence. Cependant, il ne s’agit pas de promouvoir certains programmes au détriment d’autres programmes. Tous les talents méritent d’être valorisés. Tant les arts de la scène que les services sociaux, l’enseignement ou les technologies ont besoin d’une relève qualifiée.

Madame Montpetit insiste aussi sur la responsabilité qu’ont les cégeps de former des citoyens.es avertis.es : « Quel genre de personnes veut-on former sur les plans social, culturel, identitaire ? Ce sont les cours de la formation générale qui permettent de former des membres de la société. C’est au niveau collégial que se développe la pensée critique qui est, selon moi, le ciment de la formation générale. Apprendre à apprendre, faire preuve de curiosité, acquérir des savoirs, développer des passions. Il ne faut pas perdre de vue cet aspect et, surtout, éviter de tomber dans des dynamiques d’économicisation du système éducatif. »

Miser sur la réussite pour l’avenir du Québec

La réussite a fait l’objet d’un important chantier que la Fédération des cégeps a entrepris en 2018. Actuellement, 64 % des personnes étudiantes obtiennent leur diplôme au terme de la durée prévue. Et plusieurs ne terminent tout simplement pas. Par ailleurs, seulement 70 % des finissants.es du secondaire s’inscrivent au collégial.

La Fédération a su inspirer les plans d’actions pour la réussite en enseignement supérieur (PARES) et en santé mentale (PASME) du MES. Il n’en demeure pas moins que le financement n’est pas au rendez-vous.

Madame Montpetit rappelle les efforts du réseau collégial pour augmenter le taux de diplomation : « Il y a des écueils ciblés, des mesures mises en place, une deuxième date d’abandon, un accompagnement plus soutenu pendant la première session. La question de la précarité socioéconomique demeure dans la mire. De plus en plus d’étudiants.es travaillent. La population étudiante est beaucoup moins homogène. C’est un défi de bien accompagner chaque personne étudiante. »

Rehausser les compétences de la main-d’œuvre 

La formation continue est directement liée à l’évolution rapide du marché du travail. Madame Montpetit est convaincue que « Les cégeps sont des joueurs clés pour répondre aux besoins de formation des travailleurs.ses qui veulent progresser dans leur carrière. Il est souvent question de la productivité du Québec. Nous avons des données moindres que plusieurs endroits au monde. C’est donc un enjeu sociétal important d’augmenter la productivité. Et cela passe par la mise à niveau des compétences. En ce sens, les cégeps sont des incontournables et peuvent jouer un rôle encore plus grand ».

« Il faut soutenir l’accès à la formation continue, à des classes, etc. Cela nous ramène à l’enjeu des infrastructures. Comment accueillir des cohortes plus grosses ? Comment répondre à un besoin de formation continue qui va être de plus en plus marqué ? » constate madame Montpetit.

Un plan stratégique 2024-2029 en vue

Le dévoilement de la planification stratégique 2024-2029 de la Fédération est prévu à la fin de l’automne 2024. En ce sens, comme nouvelle présidente-directrice générale, Marie Montpetit dit saisir plus que jamais la portée du mot collégial : « La collaboration et la cohésion qui émergent des rencontres autour des différents dossiers sont incroyables. C’est ce qui fait la force du réseau des cégeps. »


 

[i] LALLIER, Alain. « Des infrastructures en déficit de maintien », Le Collégial, 10 avril 2024.

[ii] CARRIER, Léa. « Restrictions budgétaires pour les cégeps et les universités. C’est une onde de choc dit la Fédération des cégeps. » La Presse, 5 septembre 2024.

[iii] GOUDREAULT, Zacharie. « Québec impose une baisse drastique des dépenses aux cégeps » Le Devoir, 4 septembre 2024.

[iv] VAITHYANATHASARMA, Shophika. « La face cachée des coupes imposées aux cégeps : mauvais pour l’avenir du Québec », Journal de Montréal, 11 septembre 2024.

[v] DION-VIENS, Daphnée. « C’est le retour de l’austérité. Québec met aussi les freins dans les chantiers des cégeps », Journal de Montréal, 4 septembre 2024.

[vi] BÉLAND, Gabriel. « L’absence de piscine crée des remous », La Presse, 24 septembre 2024.

[vii] GOUDREAULT, Zacharie. « Des cégeps qui débordent et se dégradent à une vitesse préoccupante », Le Devoir, 23 août 2024.