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Un observatoire sur la santé mentale étudiante
Mission de reconnaissance
Le ministère de l’Enseignement supérieur vient d’annoncer la création d’un Observatoire sur la santé mentale étudiante. Un organisme qui soutiendra la recherche et la diffusion des connaissances pour doter le réseau collégial des meilleures pratiques.
Élise Prioleau, Portail du réseau collégial
Déjà en 2014, la proportion de cégépiens-nes qui présentaient des niveaux de détresse psychologique significatifs s’élevait à 17 %, selon l’étude de Gosselin et Ducharme. Pendant la pandémie, ils étaient maintenant 30 % à manifester des symptômes associés à la dépression, selon une étude du centre de recherche ÉCOBES du Cégep de Jonquière.
160 chercheurs et professionnels sont déjà impliqués dans l’observatoire. Ceux-ci représentent six collèges et trois centres de recherche collégiaux.
C’est dans ce contexte que le gouvernement a annoncé la création de l’Observatoire sur le bien-être et la santé mentale étudiante en enseignement supérieur. L’organisme sera co-dirigé par M. Benjamin Gallais, chercheur au Centre d’Étude des COnditions de vie et des BESoins de la population (ÉCOBES) et Mme Julie Lane, professeure agrégée à l’Université de Sherbrooke. 160 chercheurs et professionnels sont déjà impliqués dans l’observatoire. Ceux-ci représentent six collèges et trois centres de recherche collégiaux. L’observatoire a été créé dans le cadre du Plan d’action sur la santé mentale étudiante en enseignement supérieur (PASME) 2021-2026. Il représente un investissement de 2,8 millions de dollars sur cinq ans.
Un travail de vigie
L’observatoire aura d’abord comme objectif de répertorier les connaissances récentes en santé mentale étudiante au Québec. « Notre première mission est de faire une veille de ce qui se fait au niveau de la santé mentale étudiante, aussi bien la recherche que les pratiques. On va travailler sur ce dossier avec l’Initiative sur la santé mentale étudiante en enseignement supérieur (ISMÉES) », explique Benjamin Gallais, co-directeur de l’Observatoire.
Dans le cadre du PASME, le ministère a donné aux établissements les moyens financiers d’embaucher des ressources en santé mentale. Il leur a toutefois aussi remis le mandat d’adopter des stratégies efficaces pour soutenir la santé mentale de leurs étudiants. L’observatoire a donc été créé notamment pour fournir aux cégeps des stratégies appuyées par la recherche.
« À ce titre, notre mandat c’est de faire le tour de ce qui se fait en recherche et de soutenir de nouveaux projets. Par exemple, des recherches qui porteront sur des pratiques prometteuses en santé mentale », précise Benjamin Gallais.
Évaluer et mobiliser
En plus de soutenir et de diffuser les connaissances les plus récentes sur la santé mentale au niveau postsecondaire, l’observatoire mettra en place des méthodes d’évaluation des pratiques mises en œuvre dans le réseau.
« Des stratégies en santé mentale, tout monde peut en faire dans son coin et ne jamais les évaluer et les partager. Donc, notre mandat c’est aussi de mettre en place une structure scientifique pour qu’il y ait une systématisation de l’évaluation des pratiques adoptées par les établissements. Ensuite, ces pratiques seront partagées dans le réseau collégial », soutient Benjamin Gallais.
Le mandat de l’observatoire ne s’arrête pas à la diffusion de recherches probantes. L’observatoire mettra en place une équipe de mobilisation qui permettra un transfert des connaissances en santé mentale jusque dans les plans d’action des établissements. « L’équipe de mobilisation sera composée de professionnels de recherche qui sont habileté à accompagner les établissements dans la mise en place de pratiques. L’observatoire va fournir une aide aux établissements qui en auront besoin pour implanter des mesures sur le terrain », précise le co-directeur.
« Nous allons surveiller les angles morts des recherches, en ce qui concerne les éléments de la réalité du terrain qui pourraient ne pas être pris en considération. » - Maya Labrosse
Une représentation étudiante
L’équipe de l’observatoire a tenu à impliquer des étudiants dans les activités de l’observatoire. « On travaille sous forme d’axes, qui vont diviser le travail. On a voulu nommer un étudiant co-responsable pour chacun des axes, au même titre qu’un chercheur universitaire. On va mettre en place une structure où on va encadrer plusieurs étudiants sur différents projets, par exemple sur la gouvernance de l’observatoire, pour participer à des projets de recherche ou encore à l’enquête périodique », explique Benjamin Gallais.
La Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ) participera activement aux recherches de l’observatoire. « On va être co-responsable du volet Formation et mobilisation des personnes étudiantes. On va aussi s’impliquer dans d’autres axes qui vont se construire, pour venir parler du point de vue d’étudiants qui connaissent les besoins réels. Nous allons aussi surveiller les angles morts des recherches, pour les éléments de la réalité du terrain qui pourraient ne pas être pris en considération », soutient Maya Labrosse, présidente de la Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ).
Une enquête périodique
L’observatoire a aussi le mandat de réaliser une enquête périodique sur la santé mentale étudiante en éducation supérieure. La première est prévue pour 2023-2024 et la seconde aura lieu en 2026-2027.
« Ces données vont nous permettre de voir si tout ce qui est mis en place autour du PASME a un impact positif sur les étudiants. Par exemple, on va suivre les données qui concernent les troubles de santé mentaux, la santé mentale positive, la capacité de résilience et l’utilisation des services », précise Benjamin Gallais.
Lancé en 2021, le PASME a déjà eu des retombées positives dans le réseau. « Il y a eu une augmentation de 23 % d’étudiants suivis par des intervenants, selon les données du ministère. L’augmentation de la demande veut dire que les services sont mieux connus et que les jeunes sont plus à même de faire des demandes », estime Benjamin Gallais.
Reste à savoir combien de cégépiens en détresse demeurent en marge des services d’aide. À ce titre, l’enjeu de l’accessibilité fait partie des trois grands chantiers du ministère dans le cadre du PASME. Les deux autres étant la mise en place d’environnements propices à une santé mentale positive et la prévention des troubles psychologiques.
Collaborer avec la santé et les services sociaux
Benjamin Gallais reconnaît qu’avant la COVID, « il y avait des files d’attente pour recevoir des services ». Parmi les pistes de solution pour accroître l’accessibilité des ressources d’aide figure la création de corridors de services entre les établissements d’enseignement supérieur, le réseau de la santé et des services sociaux et les organismes communautaires.
« En tant que chercheur, je pense que la collaboration avec le communautaire et le réseau hospitalier représente un levier merveilleux pour limiter les files d’attente et assurer un accompagnement optimal des étudiants et des étudiantes ». Benjamin Gallais a recommandé cette pratique dans un récent rapport sur les services psychosociaux des cégeps.
À ce titre, le premier axe d’intervention du PASME prévoit une « concertation nationale » autour de la santé mentale étudiante. Des représentants du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS), de la Fédération des cégeps, de l’Association des collèges privés du Québec, du Bureau de coopération interuniversitaire et d’autres partenaires pertinents seront appelés à se concerter.
« La Fédération participe déjà à un comité élargi du ministère de l’Enseignement supérieur sur les services de santé et les services sociaux offerts aux étudiantes et aux étudiants. Elle a aussi collaboré au comité scientifique d’un colloque aux prochaines Journées annuelles de la santé publique (JASP) », indique Geneviève Reed, coordonnatrice aux affaires étudiantes à la Fédération des cégeps.
Le colloque L’enseignement supérieur et la santé publique : ensemble pour la santé mentale positive des étudiant(e)s) se tiendra en mode hybride le 13 mars prochain.