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Les classes d’apprentissage actif : un univers pédagogique où l’étudiant est au cœur de l’action


Par Élise Prioleau

         Crédit photo Michel Michaud.

Le Cégep de Saint-Jean-sur-Richelieu a récemment inauguré deux nouvelles classes d’apprentissage actif dans ses locaux. Des classes qui favorisent les modes d’apprentissage collaboratifs et l’autonomie des étudiants. 

La classe d’apprentissage actif du Cégep de Saint-Jean-sur-Richelieu fait des heureux chez le personnel enseignant. Certains découvrent pour la première fois l’univers de l’apprentissage collaboratif. D’autres, plus habitués à ces méthodes d’enseignement, donneront l’ensemble de leurs cours dans ces locaux tout neufs.

Rachel Pelletier, technicienne en administration au Cégep de Saint-Jean-sur-Richelieu

« La classe est munie de sept écrans numériques tactiles, et de tableaux blancs sur tous les murs. Il y a de grandes tables pour le travail en équipe ou en sous-groupes. Tout le mobilier est muni de roues pour pouvoir reconfigurer la salle au besoin. L’enseignant a accès à un panneau de contrôle qui lui permet d’interagir en direct sur les tableaux interactifs assignés aux différentes équipes », explique Rachel Pelletier, technicienne en administration.

Dans ces classes, il n’y a ni avant, ni arrière de la classe. Tout gravite autour du centre de la classe. Les étudiants, assis en équipe autour de grandes tables, ne font pas nécessairement face au professeur, qui se déplace dans la classe.

        Laurence-Olivier Tardif, conseiller pédagogique TIC.

Cette configuration du mobilier permet aux enseignant(e)s d’explorer différentes méthodes pédagogiques, qui ont en commun de mettre à l’avant-plan l’étudiant et son processus d’apprentissage. « La force des classes d’apprentissage actif c’est de permettre une plus grande variation des approches pédagogiques, pour qu’elles puissent mieux répondre aux différents objectifs d’apprentissage et aux besoins des étudiants. Par exemple, on peut y explorer la résolution de problème en équipe, ou encore la stratégie de « l’étudiant enseignant », qui montre à ses coéquipiers une partie de la matière dans laquelle il s’est spécialisé », résume Laurence-Olivier Tardif, conseiller pédagogique TIC.

Les classes d’apprentissage actif ont fait leur apparition il y a quinze ans au Québec. Aujourd’hui, plus de trente de ces classes dédiées au travail collaboratif ont été mises sur pied dans le réseau.

Une rétroaction directe à l’étudiant
Bianka Pothier, enseignante en littérature, a contribué à la création des nouvelles salles. L’enseignante utilise l’apprentissage actif dans ses cours depuis plusieurs années. Cet automne, elle se réjouit de pouvoir enseigner exclusivement dans ces locaux au mobilier spécialement conçu.

Bianka Pothier, professeure de littérature au Cégep de Saint-Jean-sur-Richelieu

« Le mobilier est essentiel. On ne peut pas vraiment enseigner en apprentissage actif quand le mobilier n’est pas adéquat. C’est rare que j’enseigne en avant de la classe. Je vais expliquer une notion sur un tableau sur le côté, parfois sur un autre tableau, ou encore par l’intermédiaire du projecteur. Il y a des tableaux partout, ce qui fait qu’on enseigne en 360 degrés », relate-t-elle.

Les salles d’apprentissage actif permettent un enseignement plus efficace, car elles permettent d’offrir une rétroaction immédiate à l’étudiant, selon l’enseignante.
« On voit la même quantité de matière que dans un enseignement traditionnel. C’est le même apprentissage, mais qui est beaucoup plus efficace, parce qu’on a une rétroaction directe. On voit les étudiants travailler, on voit ce qui se passe dans toutes les équipes. On peut prendre le contrôle d’un écran et corriger au fur et à mesure où l’apprentissage est en train de se faire. Les étudiants reçoivent une rétroaction immédiate sur leur compréhension de la matière », fait valoir Bianka Pothier.

Une configuration de l’espace qui change les relations
Alexandre Tremblay enseigne la physique. Il constate que l’organisation physique de la classe d’apprentissage actif induit une relation plus horizontale avec les étudiants. «L’interaction entre l’enseignant et les étudiants se passe sur un niveau commun. L’enseignant se promène entre les équipes. Il y a moins l’impression que l’enseignant est sur un podium en avant. On perd la dimension de l’avant ou l’arrière de la classe. Tous les étudiants sont constamment disponibles pour l’enseignant. L’organisation de la classe change la relation entre l’enseignant et les étudiants. »

Alexandre Tremblay, professeur de physique au Cégep de Saint-Jean-sur-Richelieu

En plus de modifier la relation entre l’enseignant(e) et les étudiants, la classe d’apprentissage actif modifie également la relation qu’ont les étudiants entre eux. Car la classe est conçue pour l’apprentissage en cocréation. Par exemple, en physique, Alexandre Tremblay a découvert une autre manière de faire de la résolution de problème avec ses étudiants.

« Avant, je faisais des exemples sur le tableau en avant. Les étudiants écoutaient et prenaient en note ce que je faisais. Maintenant, ce que je fais le plus souvent, c’est de soumettre un problème aux étudiants, qui le travaillent en équipe sur leurs tableaux. » Un mode d’apprentissage collectif qui implique pour les étudiants d’apprendre à collaborer différemment.

« Quand les étudiants travaillent sur leur feuille de papier, ce qu’ils font est plus secret, plus personnel, même lorsqu’ils travaillent en équipe. Sur les grands tableaux blancs, ce qu’ils écrivent est visible par tous et par le prof. Ça les oblige à négocier entre eux. Si un étudiant tente d’écrire une proposition fausse sur le tableau, les autres étudiants vont plus facilement s’y opposer et proposer une autre réponse », décrit Alexandre Tremblay.

Les tableaux blancs incitent les étudiants à se corriger mutuellement, mais aussi à s’entraider, comme l’explique l’enseignant.« Quand les étudiants tentent de résoudre un problème de physique, on voit deux crayons sur chaque tableau. Les étudiants se montrent des trucs et s’entraident entre eux. Le fait que le tableau soit l’espace commun sur lequel ils écrivent joue pour beaucoup dans cette collaboration-là. »

Un nouveau paradigme pédagogique
Aujourd’hui, les classes d’apprentissage actif sont bien établies dans le réseau collégial québécois. Il y a 10 ans, les premiers cégeps à se doter de ces salles ont été le Collège Dawson et le Collège de Rosemont.

Nathalie Bastien, conseillère responsable du réseau des répondantes et répondants TIC à la Fédération des cégeps.

« Ce qui a permis le déploiement des salles d’apprentissage actif dans le réseau, c’est le financement. Le Plan d’action numérique du ministère de l’Éducation a permis de financer ces projets, qui requièrent une grande planification », explique Nathalie Bastien, conseillère responsable du réseau des répondantes et répondants TIC à la Fédération des cégeps.

Si les classes d’apprentissage actif relèvent de l’innovation technologique, elles sont également révolutionnaires sur le plan pédagogique. Il s’agit d’un changement de paradigme en enseignement, selon Nathalie Bastien. « L’aménagement de la classe traditionnelle, avec l’ensemble des bureaux face au bureau du prof et l’enseignement magistral, rentre dans le paradigme de l’enseignement. Un paradigme dans lequel le professeur et la matière à enseigner sont prépondérant dans le type d’activité proposé. Au contraire, avec la classe d’apprentissage actif on est dans un paradigme d’apprentissage. Ici, c’est le processus d’apprentissage de l’étudiant qui est au centre des activités pédagogiques. »