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Convention collective

Les professionnels des collèges persistent et signent

D’intenses négociations ont mené à la convention collective 2023-2025 des professionnels des cégeps. Plus de 90 % des votes ont été favorables à l’entente de principe. Les pourparlers visaient notamment la revalorisation et la rétention du personnel professionnel dans le réseau. L’expertise du personnel professionnel influence l’évolution des dossiers institutionnels. Un pouvoir qui, sans être décisionnel, a un impact certain sur la dynamique collégiale.

Par Thérèse Lafleur, rédactrice, Portail du réseau collégial

À la Fédération du personnel professionnel des collèges (FPPC-CSQ), qui représente 2 100 personnes réparties dans 38 syndicats, l’entente a été entérinée à 91,2 %. Les 760 professionnels représentés par le Syndicat de professionnels du gouvernement du Québec (SPGQ) ont approuvé l’entente à 92,7 %.

Éric Cyr, président de la Fédération du personnel professionnel des collèges (FPPC-CSQ)

« L’objectif de la négociation était d’arrêter que les professionnels quittent les cégeps. Les conditions de travail dans le réseau accusaient beaucoup de retard sur les universités, les municipalités ou le fédéral. » soutient Éric Cyr, président de la FPPC-CSQ. « Nous pensons qu’il y a des avancées qui vont ralentir cela. Les pertes d’expertise ne peuvent pas continuer. Les professionnels ont un rôle stratégique pour conserver et développer la culture collégiale. Malheureusement, il reste encore des gains à faire. Mais au moins, nous avons freiné la descente. »

Pour la première fois, la participation de professionnels est prévue aux comités de programme. Un conseiller pédagogique siégera à chaque comité de programme, dans chaque cégep. De plus, le comité de programme s’adjoindradu personnel professionnel dont l’expertise est pertinente au sujet traité. Des pratiques courantes,mais dorénavant enchâssées dans la convention collective.

En marge des négociations, monsieur Cyr mentionne la collaboration avec la partie patronale pour actualiser le plan de classification. « Le plan de classification datait des années 2000 et ne reflétait plus la réalité. La mise à jour du plan de classification compte maintenant 21 corps d’emploi professionnel. Nous finalisons actuellement les descriptifs des postes de chercheur principal, de chercheur, de conseiller en aide technique et accompagnement (associé aux centres collégiaux de transfert technologique (CCTT) et d’auxiliaire de recherche.

 

PLAN DE CLASSIFICATION 2024

Agente ou agent de la gestion financière

Agente ou agent de service social

Aide pédagogique individuel

Analyste

Analyste spécialisé en informatique

Attachée ou attaché d’administration

Conseillère ou conseiller à la vie étudiante

Conseillère ou conseiller d’orientation

Conseillère ou conseiller en adaptation scolaire

Conseillère ou conseiller en communication

Conseillère ou conseiller en information scolaire et professionnelle

Conseillère ou conseiller en ressources matérielles

Conseillère ou conseiller en services adaptés

Conseillère ou conseiller pédagogique

Psychologue

Spécialiste en sciences de l’information

Travailleuse ou travailler social

Chercheuse ou chercheur principal

Chercheuse ou chercheur

Conseillère ou conseiller en aide technique et accompagnement

Auxiliaire de recherche

Les conseillers pédagogiques comptent pour environ la moitié du personnel professionnel. Les aides pédagogiques ainsi que les conseillers d’orientation pèsent aussi dans la balance. La présence de psychologues et de conseillers en communication est croissante dans le personnel professionnel.

Dans la nouvelle convention, l’apport des professionnels se traduit entre autres par une meilleure reconnaissance de la scolarité dans le calcul des échelons. Monsieur Cyr explique que lors de l’embauche d’un professionnel, chaque année de scolarité supplémentaire au baccalauréat demandé est maintenant considérée. Par exemple, un professionnel détenant le baccalauréat en communication verra ses certificat/maîtrise/doctorat reconnus même s’ils ne sont pas liés directement à ses fonctions.Ce qui donne accès à un ou des échelons salariaux supérieurs. Une reconnaissance qui s’applique aussi aux professionnels en emploi qui n’ont pas atteint l’échelon maximal.

« Cette modification à la convention est avantageuse, chaque échelon correspondant à 2 000 $ environ. Ce changement vient contribuer à l’attraction et à la rétention,car les salaires ne sont pas très compétitifs dans notre réseau. » ajoute monsieur Cyr.

L’augmentation des budgets accordés au développement professionnel et la création d’un comité paritaire décisionnelconstituent des avancées significatives. « Assez rapidement dans la négociation, nous avons constaté que la partie patronale était intéressée à bonifier les montants pour le perfectionnement. » précise monsieur Cyr. « Cela faisait plus de 20 ans que ces montants n’avaient pas été indexés. Les sommes allouées passent donc de 170 $ à 300 $ par année, par professionnel. De plus, un montant additionnel par collège y est annexé. »

Tout en saluant cette indexation, les négociateurs syndicaux ont obtenu que les comités de perfectionnement soient décisionnels sur l’utilisation des sommes. Cela permet parfois de départager les investissements en perfectionnement individuel et collectif par exemple. Quant aux colloques, la participation des professionnels est habituellement défrayée par le service concerné, car il y va du développement institutionnel. Pour certains services c’étaitévident, mais pour d’autres cela devait relever du budget de perfectionnement. D’où l’importance d’un comité décisionnel pour éviter les tensions et opter pour une politique institutionnelle de perfectionnement.

Des gains ont été réalisés en matière d’autonomie professionnelle. Deux nouveaux aménagements ajoutent plus de flexibilité dans l’horaire de travail ou la prise de congé personnel. Depuis longtemps, trois horaires étaient possibles : temps plein à 4 jours ; temps plein en 9 jours ou lieu de 10 ; 42 semaines à 40 heures par semaine. Depuis la convention signée en 2021, ces aménagements temporaires ne peuvent plus être refusés par l’employeur sauf si cela empêche le fonctionnement du service.

Deux nouvelles possibilités ajoutent de la flexibilité. Par exemple, un professionnel peut travailler un ou deux soirs et faire quatre jours au lieu de cinq par semaine. L’autre nouveauté c’est l’horaire flexible. Chaque jour, cinq heures de présence sont obligatoires et deux heures sont flexibles. C’est possible de faire ces heures flexibles le matin ou le soir, la veille ou le lendemain. Ces heures flexibles sont comptabilisées dans une banque autogérée.

« Nous nous sommes inspirés du modèle des enseignants. » mentionne monsieur Cyr. « Un enseignant au collégial travaille fort, mais profite d’une flexibilité d’horaire. S’il n’a pas de cours le jeudi matin, il peut aller où bon lui semble. Nous avons cherché à amener cette autonomie chez les professionnels. »

La prise de congé personnel gagne aussi en latitude. Le personnel professionnel bénéficie de deux banques de congé. Une banque de six jours, non monnayables, donnée à l’embauche. Et une banque annuelle de sept jours monnayables, en vacances ou en maladie. Un professionnel pouvait prendre seulement deux journées de congé par année pour des raisons personnelles. Maintenant il peut utiliser à sa guise le nombre de journées selon ses besoins.

« Nous nous rendons compte que l’autonomie professionnelle diminue souvent la charge mentale. La possibilité d’être plus en contrôle de son horaire améliore la qualité de vie au travail. » souligne monsieur Cyr. « Il n’y aura pas moins d’ouvrage dans les cégeps. Le temps supplémentaire demeure un enjeu. Mais si le professionnel a une marge de manœuvre pour aménager son horaire, cela ne peut qu’avoir un impact positif. Et même si cette latitude peut être perçue comme une perte de pouvoir par certains gestionnaires. Cela amène un changement de culture. »

L’importante bonification salariale accordée aux psychologues du collégialest à souligner. Un rattrapage[i] tout à fait justifié. En effet, les psychologues du réseau de la santé avaient une prime de 9,6 % depuis 2012 et ceux du monde scolaire depuis 2015.

Dès 2020 des représentations ont été faites pour que les psychologues du collégial soient rémunérés équitablement. Le Conseil du trésor et la FPPC et la Centrale des syndicats du Québec (CSQ) ont formé un comité interordres pour démontrer la pertinence des psychologuesdans les cégeps ainsi que la problématique d’attraction/rétention vécue dans plusieurs collèges. « Un travail de longue haleine qui a permis de normaliser la situation. Ce gain est signifiant. Les psychologues à temps plein bénéficient tous d’une augmentation d’au moins 11,5 %. » se réjouit monsieur Cyr.

Globalement, le président de la FPPC-CSQ, Éric Cyr porte un regard positif sur la nouvelle convention collective. « Il faut garder à l’esprit l’importance cruciale d’attirer plus de professionnels dans le réseau collégial. Les enjeux d’attraction et de rétention du personnel professionnel interfèrent avec la persévérance et la réussite des étudiants. »


[i]Bussières-McNicoll, Fannie (2023, mars 31). « Vers la parité salariale pour les psychologues au cégep ». Radio-Canada Info. Consulté le 8 mars 2023.