Le rôle stratégique de la formation continue

Par Thérèse Lafleur, rédactrice, Portail du réseau collégial

Au Québec, la démographie change. Les enjeux écologiques, numériques ou manufacturiers se multiplient dans le monde du travail. Stratégiquement, les cégeps se positionnent pour répondre aux besoins de qualification et de rehaussement des compétences de la main-d’œuvre. L’écosystème de la formation continue se révèle complexe. Beaucoup d’acteurs y interviennent. Les cégeps de Rimouski, Marie-Victorin et John Abbott en témoignent.

Les activités de formation continue, de services aux entreprises ou de reconnaissance des acquis (RAC), sont en constante croissance. Devant ce phénomène, la Fédération des cégeps a créé, en 2022, une Direction de la formation continue. « Nous travaillons étroitement avec les gestionnaires au sein de la Commission des affaires de la formation continue. Cette Commission regroupe plus de 120 membres. » mentionne sa directrice, Marie-Hélène Le Rossignol.

« Durant la pandémie, les cégeps ont été interpellés par les enjeux liés au chômage. Des programmes gouvernementaux ont permis à des personnes sans emploi d’étudier tout en recevant un soutien au revenu. Encore en vigueur, l’Opération main-d’œuvre avait alors été lancée. Le gouvernement visait la formation dans des secteurs clés pour le Québec. Très sollicitées, les équipes de formation continue ont su répondre rapidement et avec agilité. »

Le déploiement national de l’Attestation d’études collégiales (AEC) en éducation à l’enfance est un bel exemple de solutions novatrices. Le projet COUD en éducation à l’enfance propose un parcours travail-étude. Pour contrer la pénurie de main-d’œuvre, ce projet permet de demeurer en emploi tout en poursuivant l’AEC.

Les services aux entreprises jouent aussi un rôle capital dans l’écosystème de la formation continue. Selon les besoins des entreprises, des conseillers mettent en œuvre des formations sur mesure, non créditées. Madame Le Rossignol ajoute que « Depuis 2021, le Centre d’aide à la formation continue (CAFC) et la Fédération des cégeps ont pensé un nouveau véhicule de formation, la “certification collégiale”. Ainsi, lors de formations courtes et non créditées, le travailleur voit l’atteinte de compétences reconnue par cette nouvelle certification. Nous avons élaboré plusieurs outils communs pour créer ce sceau de qualité. Cela s’inscrit dans le cheminement d’apprentissage tout au long de la vie qui est dans la grande sphère de la formation continue. » souligne madame Le Rossignol.

Par ailleurs, la reconnaissance des acquis et des compétences (RAC) offre une opportunité différente aux travailleurs de voir leur expérience reconnue. Le processus RAC demeure dans la zone de la formation créditée.

Enfin, madame Le Rossignol insiste sur l’importance de l’intégration des étudiants de la formation continue à la communauté collégiale. Les cégeps ont un rôle à jouer pour contrer les difficultés rencontrées par les étudiants adultes au collégial comme le révèle l’étude d’Éric Richard, professeur de sociologie au Cégep Vieux-Montréal.

INTÉGRATION À LA PROFESSION INFIRMIÈRE
Le Cégep de Rimouski forme 20 infirmières et infirmiers recrutés à l’international

La Formation continue du Cégep de Rimouski a accueilli un premier groupe d’infirmières et d’infirmiers diplômés à l’étranger. Ces 11 femmes et 9 hommes âgés de 28 à 40 ans ont tous réussi la formation Intégration à la profession infirmière. Tous travaillent maintenant dans leur spécialité, au CISSS du Bas-Saint-Laurent.

Au départ, trois ministères (MSSS-MIFI-MES) ont approché les cégeps pour un ambitieux projet d’intégration à la profession infirmière au Québec. Leur objectif était de recruter 1 000 infirmiers à l’international. Chaque Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) avait recensé le personnel infirmier lui manquant. Santé Québec est ensuite allé en mission de recrutement dans la francophonie. De son côté, l’Ordre des infirmières et des infirmiers du Québec (OIIQ) a identifié les connaissances d’appoint nécessaires aux diplômés étrangers. Déjà qualifiés dans leur pays d’origine, le défi était de convaincre ces nouveaux arrivants de poursuivre leur carrière au Québec.

Les responsables ont travaillé avec les organismes d’accueil locaux pour que ces nouveaux arrivants puissent s’installer malgré leurs ressources limitées. C’est l’embauche d’un conseiller en adaptation scolaire qui a été la clé de leur intégration. À ce conseiller s’est joint une conseillère pédagogique, Nathalie Santerre, infirmière de formation. Un gain majeur dans l’équipe.

« Nous avons construit l’avion en plein vol. Nous avions nos comités cégep, nos comités locaux avec le MIFI régional, l’Accueil et intégration Bas-Saint-Laurent, et le CISSS pour veiller au bon déroulement du processus. L’expérience a été très prenante, mais tellement riche humainement parlant. Ce qui a fait la différence, c’est l’ouverture et la disponibilité des intervenants locaux. Toute la communauté s’est mobilisée. » souligne madame Ferguson.

MA PLACE DE CHOIX
La campagne inspirante du Cégep Marie-Victorin

Au Cégep Marie-Victorin, Julie Martin est à la barre des communications et de la promotion de la Formation continue et des Services aux entreprises. Souvent, les finissants lui confient à quel point la formation continue a changé leur vie personnelle et professionnelle. « Ces adultes ont des vies très occupées. Plusieurs concilient travail-famille avec leurs études. Retourner au cége présente un réel défi. Pour démontrer que c’est possible de l’envisager malgré tout, nous avons choisi de donner la parole aux personnes qui l’ont vécu. C’est de l’idée de départ de notre campagne. »

« J’ai trouvé cela important de participer à la réalisation de cette campagne, car la démarche de reconnaissance des acquis et des compétences a été marquante pour moi.Je veux tout simplement transmettre cet espoir aux gens et leur dire que c’est possible de jongler entre les études, la famille et le travail. Si mon parcours peut toucher quelqu’un, pourquoi pas ? » Marc-David Pierre, ambassadeur
 

« Notre objectif est de mettre en lumière le parcours de nos ambassadeurs. Ainsi ceux qui les écoutent se reconnaissent. Ils peuvent se dire que si cette personne est capable alors moi aussi je suis capable. Et nos ambassadeurs représentent bien la diversité de nos étudiants adultes. »

Sur le plan technique, nous avons d’abord trouvé des volontaires pour le tournage. Dans une vidéo plus concise, ils décrivent en un mot leur expérience. Six vidéos illustrent plus longuement l’ensemble des possibilités qu’offre la formation continue. Cette campagne numérique a été déployée sur les réseaux sociaux, sur YouTube et sur le site web. Un budget spécial a été réservé pour la campagne.

Le visuel de la campagne s’arrime à la nouvelle identité visuelle du Cégep Marie-Victorin. « Nous avons travaillé en équipe avec l’enseignement régulier. Le profil de la clientèle étudiante est différent, mais nous sommes dans la même institution. Comme la notoriété du Cégep Marie-Victorin est déjà établie, nous voulons en profiter. »

PROGRAMME DÉVELOPPEUR FULL STACK
Nouvelle Attestation de formation technique (AFT) au Cégep John Abbott

Développeur Full Stack ? Le mot Full Stack est bilingue, c’est le terme courant pour désigner un développeur, pas un programmeur. Depuis 2021, l’AEC Développeur Full Stack est une formation condensée offerte pendant treize mois intensifs. Plusieurs cohortes suivent actuellement cette AEC segmentée. Presque autant de femmes que d’hommes, des groupes d’une grande mixité de provenance et de formations préalables. Toute l’AEC est offerte en ligne, synchrone. De l’automne 2022 à l’hiver 2023, 131 étudiants ont obtenu leur diplôme.

« Tout en créant l’AEC Développeur Full Stack, nous envisagions déjà la segmenter en deux blocs de compétences. Par contre, les deux segments seraient exigés pour l’obtention du diplôme. » explique Julia Marcellus,Conseillère pédagogique, Service de la formation continue, Cégep John Abbott

 

 

La Fédération des cégeps en collaboration avec la Commission des partenaires du marché du travail (CPMT) et le ministère de l’Enseignement supérieur (MES) ont donc développé une Attestation de formation technique (AFT) avec le Cégep John Abbott. Après un premier segment de neuf cours, les étudiants obtiennent l’AFT Front and Web Development. Un module apprécié par les développeurs, les créatifs. Après la deuxième série de cours, ils reçoivent l’AFT Soft Ware Development, un segment axé sur la programmation. Le second module ne peut se faire sans avoir réussi le premier bloc de compétences. En complétant les deux segments, ils obtiennent l’AEC Développeur Full Stack.

Cette reconnaissance après un premier segment permet aux étudiants qui quittent à mi-parcours de ne pas partir les mains vides. S’ils visent à travailler en développement, ils auront une AFT spécialisée en Front and Web Development. Bien que ce soit une certification locale, cette AFT représente quand même une reconnaissance officielle portant le sceau du Cégep John Abbott.

Madame Marcellus précise que la majorité des étudiants persévèrent. « Même s’ils prévoient travailler en développement, ils gagnent à connaître la programmation qui est derrière. C’est pourquoi l’AEC Développeur Full Stack est si populaire. Le programme offre un portrait global qui les motive à poursuivre. »