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Comment vont les étudiants et étudiantes?
Un texte de Marie Lacoursière
Le Réseau de la réussite de Montréal en collaboration avec le Regroupement des collèges de Montréal organisait le 18 janvier dernier un webinaire sous le thème : Comment vont les étudiant-e-s qui ont débuté le cégep cet automne ? Les panélistes ont dressé un bilan de la session d’automne sous forme de constats, de mesures prises par les collèges et ont proposé des avenues d’amélioration pour la session d’hiver. Plus de 400 participants ont suivi l’activité.
Ont participé à la cette table ronde virtuelle :
Carole Lavallée, directrice des études, Cégep de Saint-Laurent
Alexandre Leroux, coordonnateur de Sciences de la nature, Collège de Rosemont
Claudie Lévesque, coordonnatrice aux affaires collégiales à la Fédération étudiante collégiale du Québec
Noémie Veilleux, présidente de la fédération étudiante collégiale du Québec
Des constats
La motivation et la réussite
Carole Lavallée indique que les directions des cégeps doivent maintenir l’équilibre entre les mesures imposées par la Santé publique, les consignes gouvernementales et les besoins des étudiants et étudiantes. Son collège a mené un sondage auprès des étudiants du Cégep de Saint-Laurent à la fin du mois d’octobre, 40 % de la population étudiante y a répondu et cela révèle plusieurs éléments intéressants :
- Environ le tiers des répondants.es ont affirmé être encouragé.es par leur session, ceux-ci ont connu un très bon taux de réussite (95 %) et ont peu demandé d’incomplets (3 % de leurs groupes cours). Les deux autres tiers se sentent soit découragés.es soit démotivés.es par leur session ; ils se sont toutefois accrochés puisque le taux de cours réussis dépasse 90 %. Ils sont cependant beaucoup plus nombreux à avoir demandé des incomplets (14 % d’incomplets pour les deux groupes).
Les répondants au sondage ont donc mieux réussi que la population générale (88 %). Ce taux global est semblable à celui des dernières années : (A- 2019 : 86 % ; A-2018: 88 %).
- Après analyse, on constate que les étudiants et étudiantes de première année ont un peu moins bien réussi que les étudiants de deuxième année ou plus. Il faudra avoir une attention particulière pour ceux-là.
Au Collège de Rosemont, dans un sondage où les étudiants.es devaient exprimer leur niveau de satisfaction (très satisfait, satisfait, insatisfait ou très insatisfait) sur une foule de paramètres portant sur les services, la pédagogie, la dimension technologique, la dimension personnelle, etc., 60 % des étudiants.es se sont dit satisfaits ou très satisfaits de la session. De plus, dans la section des commentaires libres sur l’ensemble de la session, sur 477 commentaires, 299 démontraient l’appréciation de la session dans son ensemble.
L’état de santé psychologique s’est détérioré
Dans son Enquête nationale sur la condition étudiante au collégial – Rapport préliminaire - Derrière ton écran, la Fédération étudiante collégiale du Québec (FÉCQ) constate ceci:
- L’état de santé psychologique s’est détérioré pour 64 % des étudiants.es depuis le début de la crise ;
- Les 2/3 des personnes (67 %) jugent que leur charge de travail liée aux études est plus grande depuis le début de la crise ;
- Le 1/4 des personnes (27 %) a indiqué ne pas avoir d’endroit calme et propice à la concentration pour étudier convenablement.
Les facteurs qui affectent la santé psychologique, par ordre d’importance décroissant :
L’isolement ; l’augmentation de la charge de travail ; les modalités et l’organisation de la formation à distance ; l’augmentation de la pression liée à la performance scolaire ; les tensions familiales ou conjugales plus fortes ; autres facteurs (impossibilité de faire des activités, travail, incertitudes).
Difficultés liées à la formation hybride
Le sondage du Cégep de Saint-Laurent révèle que pour 87,7 % des étudiant.es, la principale difficulté rencontrée est le problème de connexion. Plusieurs commentaires indiquent qu’utiliser plusieurs plateformes est une source de confusion. Les étudiant.es suggèrent de standardiser les méthodes et d’utiliser les mêmes plateformes.
Les raisons de préférer la formation hybride (question à choix multiples) : – Plus de temps pour étudier, car moins de transport (63,9 %),
– Être plus libres d’organiser leur temps (48,6 %),
– Être plus autonomes dans la formation (25,9 %).
Ce qui est moins apprécié de la formation hybride (question à choix multiples) :
- Se sentir surchargés.es par les rencontres et les travaux (51,9 %),
- Avoir moins d’occasions de socialiser en venant au cégep (45,4 %),
- – Être mêlés.es entre les différents outils (41,9 %).Ne pas rencontrer assez souvent leurs enseignant.es (39,1 %).
Finalement, 5,66 % des étudiants.es se sont prévalus du droit à avoir un incomplet (1,66 % A-19 et 7,92 % H-20).
Des mesures prises par les collèges
Parmi les mesures prises par les collèges pour assurer une meilleure transition, on peut retenir celles-ci :
Au Collège de Rosemont, l’accueil en présence a été une bonne occasion de créer des liens.
Le maintien d’activités parascolaires malgré la pandémie a permis de multiplier les possibilités de rencontres et de socialisation (ex. : Rosemont VIP et Festival Rosemont).
Le Collège de Rosemont a offert une trousse « étudier à distance » où sont regroupées en un seul clic toutes les ressources d’information pour favoriser la persévérance et réussir ses études en mode hybride.
La « Boussole » a permis aux étudiants.es d’avoir accès à un professionnel apte à répondre à l’ensemble de leurs questions.
Parmi les mesures d’aide, le tutorat par les pairs a été efficace malgré le contexte à distance et les périodes d’aide dédiée furent très appréciées. Pour les besoins particuliers, des services en présence et à distance ont été offerts.
Au Cégep de Saint-Laurent, tous les étudiants.es ont été appelés.es une ou deux fois par session. Certains.es ont été appelés.es toutes les semaines.
Des avenues d’amélioration
Les panélistes ont proposé plusieurs avenues d’amélioration :
Le Cégep de Saint-Laurent travaille à mettre en place un agenda virtuel commun pour les rendez-vous institutionnels, pédagogiques et privés à partir de toutes les plateformes.
Au Collège de Rosemont, on veut privilégier certaines plateformes et former à leur utilisation pour réduire les difficultés liées au grand nombre de plateformes,
Le Collège de Rosemont créera un bureau d’assistance technique de première ligne avec des étudiants salariés pour dépanner les étudiants.es.
La problématique de l’ouverture ou non des caméras (Webcam ) par les étudiants.es a été soulevé. Tous souhaitent que, par rapport au problème des étudiants invisibles et aux difficultés de gestion de classe en non-présentiel pour les professeurs, on doit encourager l’ouverture des caméras par les étudiants. Au Collège de Rosemont, une entente est intervenue avec l’Association étudiante pour une « nétiquette » demandant aux étudiant.es d’ouvrir leur caméra. Les deux représentantes de la FÉCQ ont souligné qu’elles avaient signé une déclaration commune à ce sujet avec la Fédération des cégeps et les associations syndicales d’enseignantes et d’enseignants : « Il nous apparaît important de demander d’une même voix à tous les utilisateurs et utilisatrices des plateformes de maintenir leur caméra ouverte durant les cours. Ce principe du maintien de la caméra en fonction comporte toutefois certaines exceptions qu’il est important de reconnaître, soit lorsque des problèmes associés à la connexion Internet rendent l’usage de la caméra difficile, voire impossible, et lorsque des enjeux de respect de la vie privée se présentent. »
Les représentantes de la FÉCQ ont précisé : « Il est important d’offrir des lieux où l’étudiant.e se sent à l’aise d’ouvrir sa caméra, mais également d’avoir les moyens efficaces pour le faire. Une bonne proportion de la population étudiante n’a pas accès à une connexion Internet suffisamment puissante pour supporter la visioconférence. Il faut conserver cette flexibilité. Ce n’est pas parce que la caméra n’est pas ouverte que l’étudiant n’est pas intéressé. »
Pour contrer l’isolement, Noémie Veilleux précise qu’il faut favoriser la socialisation sous toutes ses formes. « Il faut faire preuve de créativité, proposer des activités sociales à distance ou en présence dans le respect des règles de la santé publique. La formation de sous-groupes dans le cadre des périodes de travail en classe favorise les interactions. Il faut de plus encourager les activités parascolaires en ravivant par exemple le journal étudiant et les comités de la vie étudiante. Il importe de favoriser la participation non seulement aux activités de l’établissement, mais également à celles de l’Association étudiante. »
Au regard de la charge de travail, les représentantes de la FÉCQ indiquent qu’elle doit être adaptée à la formation à distance.
« 67.8 % de la population étudiante a vu sa charge de travail augmenter en raison de la formation à distance. Il importe que cette charge soit équivalente à la situation qui prévalait avant la crise. Les étudiants.es ne veulent pas moins travailler ; ils veulent le faire de la même manière qu’avant. Pour s’assurer que la charge de travail soit équivalente à celle d’avant la crise, la FECQ considère qu’il importe d’ouvrir le dialogue entre le corps enseignant et la population étudiante. Faire un suivi auprès de cette dernière pour savoir si la charge de travail est réaliste permet d’adapter la charge, au besoin ».
Sur les méthodes d’évaluation, les représentantes de la FÉCQ recommandent d’adapter ces méthodes à la situation actuelle.
« Nous pouvons faire migrer les examens vers des travaux d’équipes ou un portfolio. Il existe toutes sortes de manières de sonder l’acquisition de connaissances. L’évaluation n’est pas une finalité. La finalité, c’est de vérifier si l’étudiant a bien acquis les compétences visées. La situation exige que tous fassent preuve de créativité et de flexibilité pour optimiser la formation à distance. C’est exigeant pour tous, autant pour les étudiants.es que pour les enseignants.es. Il faut diversifier ses pratiques pour s’adapter à la nouvelle réalité. »
Laissons le mot de la fin à Carole Lavallée du Cégep de Saint-Laurent : « Il faut se dire que nos étudiants.es sont forts.es. Ils sont résilients. Ils vivent ce qu’ils ont à vivre comme tous les jeunes de toutes les générations. Je ne banalise pas la situation difficile qu’ils vivent comme nous tous ; mais, moi, j’ai confiance en la condition humaine. J’ai confiance aux jeunes. J’ai confiance comme institution, même si nous ne sommes pas parfaits. Nous réussissons bien à les accompagner et à leur faire vivre toutes sortes d’activités, toutes sortes d’expériences qui sont l’essence même du collégial. »
On peut retrouver les présentations et le webinaire sur le site de Réseau réussite Montréal : Comment vont les étudiant-e-s qui ont débuté le cégep cet automne? - Réseau réussite Montréal (reseaureussitemontreal.ca)