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Vaincre l’anxiété de performance

«C’est important, point»

61 % des étudiants du collégial vivront de l’anxiété de performance à un moment ou un autre de leur parcours, comme le révélait en 2014 une étude. Il existe toutefois une panoplie de stratégies que les enseignants peuvent utiliser pour diminuer le taux d’anxiété de leurs étudiants.

Élise Prioleau, Portail du réseau collégial

« On sait aujourd’hui que l’enseignant est la première personne vers qui se tournent les étudiants lorsqu’ils ressentent de l’anxiété en lien avec les évaluations. » Magalie Fournier Plouffe, conseillère pédagogique au Collège André-Grasset à Montréal, offre des formations pour outiller les enseignants face à la pression de performance que vivent leurs étudiants. « Comme enseignant et enseignante, je dois être capable d’identifier les manifestations de l’anxiété et de savoir quel est mon champ d’action dans tout ça », explique la formatrice.

Deux grands facteurs de risque peuvent induire ou aggraver l’anxiété de performance chez les étudiants. « Le premier est son sentiment d’efficacité personnelle et de compétence envers une tâche donnée. Le deuxième est la conception de la réussite de l’étudiant. La conception de la réussite en termes de performance, ou de notes, va induire plus d’anxiété de performance qu’une conception de la réussite en termes d’intérêt pour l’apprentissage », relève-t-elle.

Le sentiment de compétence

Il n’existe pas de remèdes miracles à l’anxiété de performance, nous prévient Magalie Fournier-Plouffe. Bien que les enseignants ne contrôlent pas ce qui se passe dans la tête de leurs étudiants, ils peuvent cependant mettre en place un climat d’apprentissage sain dans leur classe, à travers leurs stratégies d’enseignement et d’évaluation.

Pour favoriser le sentiment d’efficacité de leurs étudiants, les enseignants peuvent par exemple faire comprendre aux étudiants que l’erreur est un élément central de l’apprentissage, et non un signe d’échec. « C’est important d’offrir aux étudiants un contexte d’apprentissage où il y a une place pour l’erreur. Par exemple, offrir des évaluations formatives permet à l’étudiant de développer son sentiment de compétence dans la tâche, sans craindre l’échec », explique la conseillère pédagogique.

Bien préparer les étudiants aux évaluations permet aussi de réduire le stress. « Miser sur la transparence, être clair sur les consignes et donner des exemples de travaux sont des manières de donner confiance à l’étudiant en sa capacité à réaliser la tâche. Par la suite, au cours de la correction, aider l’étudiant à identifier ses forces, et non pas seulement ses erreurs, permet de soutenir le sentiment d’efficacité de l’étudiant », ajoute Magalie Fournier-Plouffe.

Réduire le nombre d’évaluations fait aussi partie de l’arsenal de moyens dont disposent les enseignants pour prendre soin du système nerveux de leurs étudiants. Autant de moyens, souligne la conseillère pédagogique, que l’enseignant pourra utiliser en fonction des différents contextes qu’il rencontrer en classe, mais aussi en fonction de ses propres limites.

Le désir d’apprendre

« Les enseignants vont souvent dire : ça c’est important pour l’examen. En réalité, ce n’est pas important strictement pour l’examen. C’est important point. On a tendance à tout ramener à l’évaluation, comme si l’évaluation était plus importante que le processus d’apprentissage en soi », évoque Magalie Fournier-Plouffe.

« C’est important d’offrir aux étudiants un contexte d’apprentissage où il y a une place pour l’erreur. » - M. Fournier Plouffe

Parfois, à son propre insu, l’enseignant véhicule une vision de l’éducation centrée sur la performance. A contrario, l’enseignant peut valoriser la motivation d’apprendre pour l’intérêt de l’apprentissage lui-même. « Prendre le temps de préciser en quoi les compétences développées dans le cours peuvent être utiles à l’étudiant est un premier pas », explique la conseillère pédagogique.

Valoriser le plaisir d’apprendre permet d’offrir aux étudiants une vision plus saine de leur parcours scolaire. « Ça peut être par de l’enseignement ludique, ça peut être par le fait de s’inspirer de ce qui intéresse les étudiants et alimenter leur curiosité », explique-t-elle. Par la suite, le fait de prêter attention dans la correction à l’effort de l’étudiant et de mettre l’accent sur les forces de l’étudiant sont des gestes qui vont avoir un impact positif sur le plaisir d’apprendre.

« Je comprends la raison d’être de la cote R, mais je pense qu’elle occupe une trop grande place dans le parcours des étudiants au cégep. » - M. Fournier-Plouffe

Pour Magalie Fournier-Plouffe, le fait de relativiser l’importance des résultats scolaires pourrait aussi donner un coup de pouce inestimable aux étudiants les plus anxieux. Selon la conseillère pédagogique, la cote R est devenue une source de préoccupation majeure chez de nombreux étudiants.

« Je comprends la raison d’être de la cote R, mais je pense qu’elle occupe une trop grande place dans le parcours des étudiants au cégep. Avec la cote R, c’est inévitable que les étudiants développent une motivation liée à la performance. Or, la motivation liée à l’intérêt de l’apprentissage est plus adaptée, parce qu’elle va amener l’étudiant à utiliser des stratégies d’études efficaces et durables. Par exemple, l’étudiant va être porté à vraiment entrer dans la matière et aller plus loin. Un étudiant qui veut juste une bonne note va faire le minimum possible pour décrocher la note visée », déplore-t-elle.

Journée de la santé mentale

Le 10 novembre dernier avait eu lieu la Journée de la santé mentale au collégial. Un événement organisé par le Réseau intercollégial de l’intervention psychosociale (RIIPSO), en partenariat avec le Mouvement santé mentale Québec. À l’occasion, le RIIPSO a créé une liste de ressources en santé mentaleMarie-Édith Vigneau, responsable du RIIPSO, souligne l’importance de sensibiliser la communauté collégiale à l’anxiété de performance afin d’en comprendre les causes.

« L’anxiété de performance, c’est le fait de percevoir une évaluation comme une situation dangereuse. On se dit que la réussite d’un examen va tout changer à ma vie, alors qu’en réalité ce n’est pas la fin du monde. Il s’agit d’une perception erronée qu’on peut démystifier avec les étudiants et étudiantes. Il y a de l’éducation à faire pour mieux comprendre ce que c’est que l’anxiété de performance, et offrir des outils qui aident à mieux vivre avec les situations stressantes », suggère-t-elle.

« On se dit que la réussite d’un examen va tout changer à ma vie, alors qu’en réalité ce n’est pas la fin du monde. Il s’agit d’une perception erronée qu’on peut démystifier avec les étudiants et étudiantes. » - Marie-Édith Vigneau

Comme le rappelle une récente étude du CAPRES, « l’anxiété de performance est l’un des troubles les plus faciles à traiter par l’entremise de la thérapie ». D’où l’importance de recommander les étudiants qui présentent des troubles anxieux aux ressources psychosociales qui s’offrent à eux.