Articles
Nomie
Briser la glace dès le début de l’année
Nomie, c’est un programme web qui facilite les rencontres en classe, notamment à travers une série de jeux brise-glace. Depuis son lancement à l’automne 2023, Nomie a gagné les faveurs d’un nombre croissant d’enseignants.es qui souhaitent briser la solitude et soutenir la persévérance de leurs étudiants.es.
Par Élise Prioleau, rédactrice
En début de session dans la classe de Sonia Hudon, enseignante en techniques administratives et cofondatrice de Nomie, les étudiants.es créent leur profil sur la classe virtuelle de Nomie en répondant à des questions ludiques qu’ils et elles sélectionnent pour se présenter. « À quoi ressemble ton endroit préféré au monde ? » est l'une de ces questions. Les profils ainsi créés sont par la suite accessibles aux étudiants.es de la classe et à leur professeure, ce qui permet à tout le monde d’apprendre à mieux se connaître.
À plusieurs reprises pendant la session, Mme Hudon invite ses étudiants.es à participer aux jeux brise-glace de Nomie. Le programme permet à l’enseignante de créer des groupes aléatoires de trois à cinq personnes. Par la suite, les étudiants.es suivent les instructions du jeu sur un support numérique et entament une discussion, en temps réel et de vive voix. Le jeu du menteur, par exemple, propose à chaque étudiant.e une question à laquelle il ou elle doit donner une réponse. Les autres étudiants.es doivent alors tenter de découvrir si la proposition est vraie ou fausse.
Ces activités ludiques pour apprendre à se connaître améliorent considérablement le bien-être en classe, selon Sonia Hudon : « Quand on utilise Nomie, le climat de classe est tellement plus agréable. Il n’y a plus de malaise pendant les pauses. Les étudiants.es se parlent plutôt que de se réfugier sur leur cellulaire. Maintenant, il y a une belle cohésion dans mes classes. »
La solitude chez les étudiants.es, un frein à la réussite
« Le fait d’échanger en petits groupes, ça aide les personnes introverties à s’exprimer », explique Mme Hudon, qui a imaginé la plateforme Nomie dans le cadre de sa maîtrise en enseignement au collégial à l’Université de Sherbrooke.
En discutant avec mes étudiants.es, certaines personnes m’ont dit qu’elles souffraient de solitude et qu’elles craignaient de se parler entre elles, décrit Sonia Hudon.
C’est ainsi que Sonia Hudon a imaginé l’application Nomie, conçue pour permettre aux étudiants.es d’apprendre à se connaître, et aux professeurs.es de tisser plus facilement un lien de confiance avec la classe. L’objectif est de créer une atmosphère d’ouverture à l’autre, où personne n’est laissé pour compte, pas même les étudiants.es qui ont le plus de difficulté à s’intégrer.
« Au cégep, il y a des activités sociales pour les étudiants.es qui veulent participer, mais il y a toujours un quart des élèves qui ont plus de difficulté à aller vers les autres. Avec Nomie, on va chercher ces personnes-là et on tente de faciliter leur inclusion dans la classe », précise Mme Hudon. Parmi ces étudiants.es à risque d’isolement, il y a notamment la population étudiante internationale ou délocalisée.
« Cette année au département de techniques administratives, nous avons une cinquantaine d’étudiants.es français.es, qui tendent à rester entre eux. Le but de Nomie, c’est de briser ces silos-là et de faire en sorte que les étudiants.es arrivent à se mêler davantage », ajoute l’enseignante.
Développer un lien de confiance par le jeu
Alice[1] est étudiante en techniques administratives au Cégep de Rosemont. Elle a testé Nomie la première fois à l’automne 2023 dans la classe de Sonia Hudon. « Je suis une personne un peu timide. Si je vois dans le corridor un camarade à qui je n’ai jamais parlé, je ne vais pas aller vers lui spontanément. Grâce à Nomie, j’ai rencontré plus de monde, ça m’a ouvert un champ de possibilités. Ça m’a aidée à rencontrer des personnes qui étaient assises à côté de moi depuis deux ans, mais à qui je n’avais jamais parlé », confie-t-elle.
Alice dit aimer discuter en petits groupes, car c’est plus facile pour apprendre à se connaître. Elle confie aussi apprécier le type de sujets inclusifs proposés par l’outil web.
Grâce à Nomie, j’ai rencontré plus de monde, ça m’a ouvert un champ de possibilités. Ça m’a aidée à rencontrer des personnes qui étaient assises à côté de moi depuis deux ans, mais à qui je n’avais jamais parlé.
« Au jeu du menteur, j’ai eu la question : “Quel plat pourrais-tu manger tous les jours ?”. C’est pas super personnel comme sujet, mais ça nous a amenés à avoir des discussions qu’on n’aurait jamais eues autrement et qui nous rapprochent tout de suite. Parler de choses de la vie quotidienne qui concernent tout le monde, c’est idéal pour apprendre à se connaître. Ni trop scolaire, ni trop personnel, c’est le juste milieu qui permet de créer un lien », observe-t-elle.
Cet automne, Alice a joué au jeu du menteur avec ses futures coéquipières de travail. Elle dit avoir été rassurée de pouvoir mieux connaître ses collègues avant d’entamer le travail scolaire : « Ça nous a permis de nous découvrir et de voir si on se sent bien dans notre équipe. Là, ça a vraiment brisé la glace. On a eu tout de suite un lien plus personnel, plus proche ».
Différentes fonctionnalités pour créer du lien
Le Collège de Rosemont s’est doté d’un abonnement institutionnel à Nomie. Cet automne, plusieurs enseignants.es testent l’outil dans leurs classes. C’est le cas de Marianne St-Denis, enseignante en biologie, qui utilise Nomie dans tous ses cours.
Elle aussi constate qu’au début de la session, les jeux brise-glace sont précieux pour créer une dynamique décontractée dans la classe. « Les questions qui ont rapport à la nourriture, c’est là où je vois les étudiants.es s’animer le plus. Par exemple, à la question “Ta poutine, tu la prends avec ou sans ketchup ?”, les étudiants.es réagissent et se mettent à discuter de leurs goûts, et à se taquiner. C’est à ce moment-là que souvent ça dégèle et que ça se met à se parler », évoque-t-elle.
Si les jeux brise-glace nécessitent entre 15 à 20 minutes du temps de cours, d’autres fonctionnalités de Nomie permettent de créer du lien autrement. « Plus tard dans la session, je vais utiliser un formulaire qui permet d’envoyer des questions aux étudiants.es. Par exemple, “Comment te sens-tu aujourd’hui ? ” ou “Comment entrevois-tu le cours ? ”. Plusieurs répondent, de manière anonyme ou non, et ça permet d’ouvrir la communication et de leur montrer que je m’intéresse à eux », estime Marianne St-Denis.
Ça permet d’ouvrir la communication et de leur montrer que je m’intéresse à eux.
À travers la classe virtuelle, l’enseignante peut également prendre les présences à l’aide des noms et pronoms inscrits par les étudiants.es eux-mêmes. La classe virtuelle générée par Nomie permet donc à l’enseignante de nommer tout de suite adéquatement les étudiants.es, ce qui contribue à créer un lien de confiance.
Depuis son lancement en 2023, Nomie semble conquérir le cœur des enseignants.es et des étudiants.es qui en font l’expérience. Cet automne, l’outil sera utilisé dans huit cégeps, à l’Université du Québec à Montréal (UQAM) et à l’Université de Montréal. Ce mois-ci, Nomie traversera même l’Atlantique et fera ses premiers pas à l’IUT Nord Franche-Comté en France.
[1]L’étudiante qui a témoigné préférait conserver l’anonymat en ne divulguant pas son nom au complet.