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La réussite des collégiens se prépare dès la maternelle
« La réussite de la population étudiante au cégep se prépare dès son entrée à la maternelle, puis tout au long de son cheminement de 11 ans aux niveaux primaire et secondaire », soutient l'auteur. Photo: Adil Boukind Le Devoir
Par Yves de Repentigny
Vice-président, Fédération nationale des enseignantes et des enseignants du Québec (FNEEQ–CSN)
Il a récemment été question, dans les pages du Devoir, d’une possible inadéquation entre le mode d’organisation des cégeps, notamment en ce qui concerne la formation générale qu’ils offrent, et les élèves qu’ils accueillent maintenant. On pellette donc encore dans la cour du réseau collégial — qui a toujours le dos très large — la responsabilité de soulager tous les maux qui accablent le système d’éducation du Québec.
La réussite de la population étudiante au cégep se prépare pourtant dès son entrée à la maternelle, puis tout au long de son cheminement de 11 ans aux niveaux primaire et secondaire. Or, nulle part dans le cahier de consultation préparatoire aux rencontres d’échange interordres tenues en février 2021 dans le cadre des travaux du chantier gouvernemental sur la réussite en enseignement supérieur n’abordait-on cette question pourtant fondamentale. C’est d’ailleurs avec déception que nous avons constaté l’absence de personnes représentant ces ordres d’enseignement lors desdites rencontres.
On parle beaucoup, dans le cas du réseau collégial, de pédagogie de première session ou de première année et on met beaucoup de pression sur le personnel enseignant afin qu’il améliore les taux de réussite des cours suivis par les nouveaux étudiants. On oublie cependant que le problème existe déjà de manière importante en amont.
Prenons le temps de décortiquer les chiffres. Notons d’abord le bas taux de diplomation et de qualification au secondaire : pour la cohorte ayant commencé son parcours en 2012 — et l’ayant par conséquent terminé avant la pandémie —, ce taux s’élevait à 71,3 % après cinq ans, à 78,9 % après six ans et à 81,7 % après sept ans. C’est donc dire que près d’une personne sur cinq n’obtient jamais le diplôme nécessaire pour être admis au cégep.
Les statistiques s’avèrent encore moins reluisantes dans le cas des épreuves ministérielles uniques de 4e et de 5e secondaire, puisqu’environ un élève sur quatre y essuie un échec, y compris en français (pour cette matière, entre 2013 et 2018, dans le réseau public, le taux de réussite de l’épreuve de 5e secondaire a oscillé entre 74 % et 76 %, sauf en 2014, où il a été de 69 %).
Ce constat nous amène à considérer que le devoir de redresser la barre ne devrait pas incomber qu’aux établissements d’enseignement supérieur et que, par conséquent, des suggestions telles que la formation de groupes ne comportant que des étudiants d’un seul programme dans les cours de formation générale, et ce, au détriment du rôle que celle-ci joue dans la transmission du fonds culturel commun (préconisée par le rapport Parent), ne nous apparaissent pas pertinentes.
En outre, selon nous, les statistiques présentées ci-dessus, particulièrement celles qui ont trait aux épreuves ministérielles de français du secondaire, expliquent davantage les taux de réussite plus faibles observés dans les cours de la formation générale collégiale que l’hypothèse d’un enseignement mal adapté à la réalité des jeunes d’aujourd’hui, laquelle ne tient pas la route en regard du professionnalisme du corps enseignant et de l’autonomie dont celui-ci dispose pour répondre aux besoins de ces derniers.
Casser du sucre sur le dos des cégeps, un modèle unique au monde, qui fait ses preuves et qui suscite l’envie de plusieurs sociétés, constitue une solution trop facile quand vient le temps d’expliquer les difficultés vécues par les populations étudiantes. Il est temps d’entamer une réflexion globale ciblant l’ensemble du réseau éducatif québécois, de la petite enfance à l’université.
Source: Le Devoir