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Forces AVENIR — Personnel engagé

Pierre Turcotte fait bouger les lignes

Par Thérèse Lafleur, rédactrice

Pierre Turcotte, professeur de science politique, Cégep de Jonquière

Il n’est pas barré mais il débarre des portes ! Pierre Turcotte enseigne en science politique au Cégep de Jonquière, mais pas que… Forces AVENIR 2025 met en lumière son engagement exceptionnel envers les jeunes et pour le Bien commun. Pédagogue, vulgarisateur et mentor, ce professeur contribue à faire comprendre le monde et à former les leaders de demain.

J’investis mon temps dans les projets que je trouve importants. Un cégep, c’est un écosystème qui travaille pour que les étudiants puissent s’épanouir et grandir à travers ces projets. Source : ForcesAvenir

Tout en étant conscient que bien des contraintes peuvent freiner les meilleures intentions, monsieur Turcotte prêche pour que les initiatives prometteuses ne reposent pas sur une seule personne. C’est la condition pour qu’elles soient pérennes selon lui. « Et quand le Cégep décide d’être le cégep qui va agir, je sais bien que le bénévolat sera de la partie. » constate-t-il.

Voir grand pour le Club Politique

C’est en encadrant le petit groupe de participants au Forum étudiant de l’Assemblée nationale du Québec que monsieur Turcotte a pensé que le Club Politique devait avoir une plus grande portée. D'abord les élections municipales lui ont servi de prétexte pour que s’organisent des débats politiques au cégep. Devant le peu d’intérêt soulevé par les traditionnels kiosques, la formule de débats a rallié ses étudiants décidés à encourager le vote des jeunes.

Une première présence à cette rencontre internationale pour un cégep.

Ses ambitions pour le Club Politique ont même mené à la conférence de Dubaï 2023 sur les changements climatiques lors de la COP28. Une étudiante a réussi à y obtenir une accréditation virtuelle. Dans cette foulée, le Club Politique a créé un événement en direct animé par l’étudiante et deux étudiants universitaires présentsà Dubaï. Près de 500 personnes y ont assisté.

« Ce direct a bien marché, mais je me suis demandé pourquoi ce ne serait pas nos étudiants qui seraient là-bas. Gros projet ! Nous avons travaillé fort, sélectionné des étudiants et fait du financement. Finalement, je suis parti en Azerbaïdjan, à Baku, avec deux étudiantes pour observer les négociations climatiques des Nations Unies à la COP29. J’ai vu une de mes étudiantes prendre la parole, en anglais, après un journaliste du New York Times et devant une salle de 300 négociateurs. »

En revenant de la COP29, déjà, la COP30 au Brésil était dans la mire du directeur général, Sylvain Gaudreault. Mais, fidèle à ses convictions, Pierre Turcotte a passé le flambeau à une collègue qui s’y est rendue, question de partager l'expertise. Une jeune autochtone de La Romaine et un étudiant en journalisme étaient avec les négociateurs à titre d’observateurs.

Quant aux Midis politiques, ils ont été créés à la suite du déclenchement de la guerre en Ukraine. « C’est la première guerre des jeunes, nous sentions leur fébrilité. Mon expertise en science politique, c’était la guerre froide. J’étais allé en Ukraine et en Russie. Avec mon collègue Éric Arsenault et l’ancien directeur général, monsieur Thibault, nous souhaitions aider les étudiants à comprendre afin de les apaiser. Ce Midi politique a duré deux heures et réuni 300 personnes. » explique monsieur Turcotte.

Depuis, les Midis politiques rassemblent régulièrement des dizaines ou des centaines de personnes. L’Ukraine, les élections américaines, la Chine ou les droits des femmes, plusieurs enjeux actuels sont à l’ordre du jour.

Expérimenter la pédagogie transdisciplinaire

Le programme de Sciences humaines du Cégep de Jonquière offre un profil Ouverture sur le monde. Des cours de science politique, de géographie et de sociologie sont associés à ce profil par le ministère de l’Enseignement supérieur (MES).

« Mais qu’est-ce que cela voulait dire “associés” ? Donc, nous avons développé une approche pédagogique transdisciplinaire. Au lieu que les étudiants suivent trois cours distincts, trois professeurs donnent dix heures de cours en deux jours.Trois spécialistes qui vont aborder un même sujet selon différentes perspectives. Les étudiants en voient alors la complexité. Les apprentissages deviennent plus cohérents, parce que des liens se font dans les cours. »

J’ai l’impression qu’on veut la perfection, je dis arrêtons.
Essayons, puis nous allons voir ce qui va se passer.

Monsieur Turcotte mentionne aussi les projets d’espace muséal, de sorties et de capsules temporelles. Des projets qui s’étendent normalement sur un mois peuvent se réaliser rapidement grâce à cette approche transdisciplinaire sur deux jours.

Créer des liens dans le temps

Monsieur Turcotte a lancé l’idée de capsules temporelles comme projet de fin de session du cours transdisciplinaire. Ce projet a pris forme et se déploie sur 15 ans. Les capsules sont exposées dans le laboratoire de Sciences humaines.

Chaque cohorte du profil Ouverture sur le monde place dans la capsule un objet qui symbolise son époque. Quelque chose qui ne sera plus d’actualité dans 15 ans, par exemple les masques lors de la pandémie. Les étudiants y joignent quatre textes portant sur leur réalité et leurs valeurs; sur leur situation dans 15 ans; sur un enjeu social comme la pollution de l’eau et finalement sur ce qu'ils pensent que sera cet enjeu dans 15 ans.

Pourquoi une telle démarche ? « Parce qu’en Sciences humaines, nous sommes très bons pour expliquer le passé. Nous ne sommes pas mal pour organiser le présent. Mais, nous sommes très mauvais pour planifier l’avenir. Alors, la capsule temporelle sert à créer des liens dans le temps. En plus, elle nous permettra de revoir nos étudiants dans 15 ans, quand ils reviendront ouvrir leur capsule temporelle. » précise monsieur Turcotte.

La recherche étude en parascolaire

Pour faire comprendre l’aspect recherche aux étudiants, monsieur Turcotte et ses collègues ont développé un parcours recherche étude. « C’est du parascolaire. Nous proposons des activités de recherche, un colloque, des visites. » explique-t-il.

Au départ, les étudiants participent pour comprendre la recherche. Ensuite, ils deviennent assistants de recherche et peuvent être rémunérés. « Nous avons un projet de recherche en cours. Pour aborder les grands concepts de justice climatique, il faut d’abord faire de la recherche terrain. Donc, il faut des données locales et des chercheurs qui font avancer la recherche dans le cadre de leurs cours. »

Actuellement, les étudiants chercheurs cartographient les îlots de chaleur autour du Cégep de Jonquière, les zones où il y a le plus ou le moins d’étudiants, les parcs sécuritaires.

Un parcours qui en dit long

Après ses études universitaires, monsieur Turcotte passe de fonctionnaire à bourlingueur. Dix années de retraite anticipée qui l’ont mené dans 48 pays. De retour à 35 ans, riche d’expériences et d’amitiés, il ne lésine pas quand il s’agit de s’investir dans ce qui lui tient à cœur.

Je ne suis pas indispensable, mais je cherche à créer une dynamique où chacun peut contribuer.

Et il s’implique tant professionnellement que personnellement. Il partage son temps et son expertise auprès de sa communauté, de salle de spectacles ou d’un comité d’établissement. Père de trois enfants, il vit dans une maison ancestrale entourée d’une forêt nourricière qu’il développe.

À l’Université du Québec à Chicoutimi, il donne des cours dans le cadre de l’Université du troisième âge. Depuis plus de dix ans,il anime des émissions d’affaires publiques à la télévision communautaire. Son objectif est de susciter l’éveil citoyen par une meilleure compréhension de la vie politique.






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