Nouvelles

Opinions

Renforcer la laïcité et l’universalisme pour éviter l’éclatement social

« Comme enseignants du réseau des cégeps, nous sommes témoins de la multiplication des manifestations de la pensée dogmatique, qui réfute la validité du doute critique et scientifique, ainsi que celles de la mixité et de l’égalité », affirment les cosignataires.- PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Plus de 60 professeurs de cégep signent cette lettre commune mettant en garde contre la montée de la pensée dogmatique

Soixante-trois professeurs et professeures de cégep*

Le Québec a connu un progrès social formidable depuis la Révolution tranquille. Ce progrès s’est fait sur la base de valeurs universalistes telles que l’égalité et le choix de la science comme preuve de ce qui est valable pour l’État de droit.

Cependant, ces valeurs sont aujourd’hui remises en question. Les cas des écoles Bedford et Saint-Maxime en sont de bons exemples. Or, cette remise en question est aussi vécue dans les cégeps.

Comme enseignants du réseau des cégeps, nous sommes témoins de la multiplication des manifestations de la pensée dogmatique, qui réfute la validité du doute critique et scientifique, ainsi que celles de la mixité et de l’égalité. Cela est encouragé par des accommodements qui compromettent la séparation laïque entre les cégeps et les organisations religieuses, tels que l’aménagement de locaux de prière, et par des pratiques qui favorisent l’effacement public de la femme, comme le port du niqab, dont l’accommodement contraint les enseignants masculins à demander à une collègue féminine d’identifier leurs étudiantes. Nombre d’étudiants appliquent désormais une discrimination sexuelle lors de la poignée de main à la cérémonie de remise des diplômes, et les demandes d’accommodements religieux, telles que la ségrégation sexuelle lors de la formation des équipes d’étudiants, sont en forte croissance.

Nos institutions vivent une poussée articulée pour y pratiquer des conceptions dogmatiques de ce qui est juste, et reculent sur l’égalité de fait et la laïcité en raison de notre manque d’organisation juridique et politique pour les défendre.

En plus du phénomène mondial de la montée des intégrismes religieux, plusieurs autres remises en question de l’universalisme gagnent en popularité auprès de nos jeunes, par l’entremise de visions racialistes, complotistes, suprémacistes ou masculinistes de ce qui est juste.

Nous sommes pleinement conscients de l’importance de sauvegarder le projet de société universaliste, car la création des cégeps et leur mission éducative égalitaire et scientifique en sont le fruit. Si nos jeunes s’en détachent, cela fait craindre pour leur capacité à appréhender la réalité du point de vue des faits scientifiques et du doute critique, comme pour leur désir de promouvoir l’égalité. Si nous voulons convaincre nos jeunes d’adhérer au projet de société universaliste, il faut davantage l’enseigner, l’incarner et le prioriser dans l’action politique.

Les risques d’une conception dogmatique du juste

Il est urgent de renforcer l’enseignement de l’universalisme au secondaire et au cégep et d’expliquer son importance pour le vivre-ensemble. Une société, même hautement éduquée, peut commettre les pires injustices si elle choisit une conception dogmatique du juste. Nos programmes doivent expliquer pourquoi, par des exemples concrets à travers le monde et dans l’histoire, les systèmes juridiques des grandes religions, du communisme et du fascisme cautionnent des inégalités en basant leur conception de ce qui est juste sur des dogmes imperméables à la critique et aux faits scientifiques.

Pour l’incarner, il faut davantage limiter les accommodements pour respecter l’universalisme, la laïcité et l’égalité.

Nous sommes devenus une société ouverte et tolérante grâce à l’adoption de l’universalisme. Pour pouvoir continuer à l’être, il faut limiter la capacité des dogmes religieux à contrôler nos interactions dans les institutions publiques.

Lire la suite

Liste des signataires