Nouvelles
Texte gagnant du concours Philosopher
Le Soi, l’Autre et le Refuge
Tristan Lamoureux
L'auteur a étudié au Collège Ahuntsic. Il est actuellement au baccalauréat en philosophie à l’Université de Montréal.
Dans la rubrique Le Devoir de philo, nous publions annuellement une version abrégée du texte gagnant du concours Philosopher, qui se tient dans le réseau collégial. Pour l’édition 2024, la question était « Quel refuge pour l’humanité ? ».
Soirée paisible. On peut distinguer le bruit discret du lave-vaisselle en marche et quelques cris d’oiseaux qui s’invitent à l’intérieur par la porte patio entrouverte. Une douce brise caresse la pièce : la journée est enfin terminée. Dans le salon, un bon livre et une tasse d’eau chaude en main, les lumières tamisées et sa douce moitié de l’autre côté du canapé, on pourrait presque oublier…
On pourrait presque oublier que les cris d’oiseaux ne sont que des enregistrements, que la brise n’est que le système de ventilation et que la porte patio ne s’ouvre que sur du papier peint aux couleurs d’un dehors d’autrefois, tapissé sur quatre murs de béton six pieds sous terre. Là est un exemple de refuge ancré dans l’imaginaire collectif : le bunker nucléaire, paradigme du lieu où l’on se met à l’abri d’un danger.
Aujourd’hui, cette préoccupation du refuge est plus présente que jamais, mais aussi plus abstraite : est-il possible de se réfugier face au réchauffement climatique ? Qu’en est-il de la surpopulation, ou même de la polarisation sociopolitique ? Il n’est plus seulement question d’une guerre nucléaire — bien qu’elle demeure une possibilité —, mais de plusieurs problèmes majeurs, des problèmes qui justifient de se poser cette question : quel sera notre bunker ? Quel sera le refuge de l’humanité ?
Certes, la question est justement posée, mais elle semble tout de même contenir un important a priori pouvant potentiellement limiter le discours. En effet, chercher un refuge pour l’humanité implique nécessairement de rejeter, ne serait-ce qu’inconsciemment, la possibilité que nous soyons déjà dans un refuge, et que celui-ci, contrairement à sa nature, soit néfaste.
