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Immigration : Québec sourd aux demandes du milieu collégial et universitaire

Dans sa Planification pluriannuelle de l’immigration, Québec maintient les plafonds d’étudiants étrangers annoncés et abolit définitivement le Programme de l’expérience québécoise (PEQ), au grand désarroi de nombreux groupes en enseignement supérieur.

Fannie Bussières McNicoll - Radio-Canada

Les acteurs du milieu collégial et universitaire étaient plutôt craintifs à l’approche de l’annonce par Québec de son plan d’immigration 2026-2029. Ils avaient été si nombreux à vouloir se faire entendre qu’ils avaient constitué le quart des intervenants lors des consultations tenues plus tôt cet automne dans ce dossier.

Universités, cégeps et étudiants avaient essentiellement exprimé deux demandes : le retrait des nouveaux plafonds d’étudiants étrangers (ou, du moins, l’exclusion des étudiants des cycles supérieurs universitaires de ces quotas) et le redémarrage du Programme de l’expérience québécoise (PEQ).

Toutefois, dans son annonce de jeudi, le ministre de l’Immigration, Jean-François Roberge, a plutôt maintenu le cap. Il a confirmé son objectif de stabiliser le nombre d’étudiants étrangers au Québec à l’aide de quotas à la baisse et a annoncé l'abolition définitive du PEQ.

Ce programme avait été suspendu en juin 2025 et constituait jusqu’à récemment la voie rapide vers la résidence permanente pour des milliers d'étudiants étrangers diplômés au Québec.

Flora Dommanget dans le corridor d'une université.

La présidente de l'UEQ, Flora Dommanget. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / Gabriel Poirier

On ne devrait pas s’en surprendre, mais encore une fois, on constate que le gouvernement fait la sourde oreille aux acteurs du milieu de l’enseignement supérieur ainsi qu’aux étudiantes et aux étudiants.

Une citation de Flora Dommanget, présidente de l’Union étudiante du Québec

Des plafonds d’étudiants étrangers encore en baisse

Québec a annoncé une baisse de 14 % (par rapport à ù2024) du nombre maximal de permis d’études qui seront délivrés dans le cadre du Programme des étudiants étrangers d’ici 2029.

Cette diminution s'ajoute aux premiers quotas annoncés en février dernier à la suite de l’adoption du projet de loi 74, qui a donné à Québec le pouvoir de limiter et d'encadrer davantage la venue d’étudiants étrangers.

Bref, si le gouvernement respecte ses nouvelles cibles, on aura environ autant d’étudiants étrangers en 2029 qu’il y en avait en 2021.

Voilà qui est inquiétant, selon Christian Blanchette, président du Bureau de coopération interuniversitaire (BCI). Celui-ci rappelle que les récentes politiques, tant au niveau provincial qu'à l'échelon fédéral, ont refroidi l’intérêt des étudiants étrangers, si bien que les quotas imposés en février aux universités n’ont pas été comblés.

Christian Blanchette sourit.

Le recteur de l'UQTR, Christian Blanchette, estime qu'il faut ajuster le tir rapidement en ce qui concerne le message lancé à l'international afin de relancer le recrutement d'étudiants étrangers. (Photo d'archives)

Photo : Gracieuseté : UQTR

Essentiellement, on a eu à peu près moitié moins d’inscriptions par rapport aux dernières années, résume M. Blanchette. Il faut tout faire pour lancer le message à l’international que le Québec est prêt à accueillir des étudiants internationaux, insiste-t-il tout en rappelant que la période de recrutement international débute bientôt.

Nombre d'universités québécoises sont en situation de déséquilibre budgétaire, notamment en raison de la baisse de revenus provoquée par cette diminution du nombre d'étudiants étrangers, selon elles.

Du côté du Regroupement des cégeps de régions, Sylvain Gaudreault rappelle que le nombre d’étudiants étrangers est important pour le développement et le maintien d’une offre de programmes diversifiée.

Nombre de titulaires de permis d’études du Programme des étudiants étrangers

2023 2024 2025 (estimation) 2026 (maximum) 2029 (maximum)
118 710 128 090 105 200 106 400 110 000

Source : Ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration

Abolition définitive du PEQ malgré un appel groupé pour son redémarrage

Questionné jeudi sur la décision d’abolir le PEQ, le ministre Jean-François Roberge a répondu que ce programme n’était pas mauvais mais que la situation a changé.

Le [nouveau] programme de sélection des travailleurs qualifiés (PSTQ) nous donne beaucoup plus d'agilité gouvernementale et nous permet de sélectionner des gens qui ont un emploi d’abord. Le PSTQ accordera une priorité aux personnes qui ont acquis une expérience de travail ou qui ont réalisé des études au Québec.

La disparition du PEQ prive le Québec d’un levier efficace pour retenir des diplômés déjà intégrés, francisés et essentiels à la vitalité de nos régions.

Une citation de Marie Montpetit, présidente-directrice générale de la Fédération des cégeps

Les fédérations étudiantes collégiales et universitaires, tout comme la Fédération des cégeps et le Bureau de coopération interuniversitaire, avaient lancé un appel groupé à un redémarrage du PEQ, volet diplômés.

La suspension du PEQ a déjà eu un gros impact sur la population étudiante du réseau collégial, affirmait en octobre Christopher Zéphyr, président de la Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ).

L’abolition du PEQ suscite de sérieuses interrogations sur la vision du gouvernement à l’égard des personnes étudiantes, ajoute-t-il maintenant.

La disparition du PEQ ne fera qu’accroître la détresse des personnes étudiantes qui désiraient s’établir ici, renchérit Flora Dommanget, de l’UEQ.

Des zones d’ombre à éclaircir rapidement

Cégeps et universités se demandent maintenant quelle part des futurs quotas leur reviendra. Le président du Bureau de coopération interuniversitaire (BCI), Christian Blanchette, invite le ministre Roberge et la ministre de l’Enseignement supérieur, Martine Biron, à s’asseoir rapidement avec les représentants des universités pour éclaircir plusieurs zones d’ombre de ce plan d’immigration.

On savait que les quotas resteraient, on était résignés, explique M. Blanchette. Mais là, ils vont encore baisser.

Il demeure beaucoup de flou pour nous. Les chiffres annoncés ne sont pas cohérents avec les nôtres.

Une citation deChristian Blanchette, président du Bureau de coopération interuniversitaire (BCI)

Le gouvernement devra rapidement confirmer la marge de manœuvre des cégeps, renchérit Marie Montpetit. Le temps presse : nous sommes déjà en période de recrutement pour la prochaine rentrée collégiale.

Sylvain Gaudreault en entrevue.

 

Sylvain Gaudreault est le directeur général du Cégep de Jonquière en plus de représenter les cégeps des régions. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada

Sylvain Gaudreault se pose la même question pour les cégeps des régions. Il rappelle que le ministre Roberge serre ainsi la vis dans l’accueil des étudiants étrangers, notamment en raison de scandales récents dans des collèges privés ou dans des universités qui ont servi de portes d’entrée détournées pour des milliers de nouveaux arrivants.

Les débordements, les problèmes ne viennent pas des cégeps publics. Ils ont toujours très bien géré la situation, dit-il, espérant ne pas faire les frais de ces nouvelles baisses de quotas.

Les cégeps en région et les étudiants internationaux qui viennent nous rejoindre demeurent certainement la meilleure clé pour la régionalisation de l’immigration.

Une citation de Sylvain Gaudreault, président du Regroupement des cégeps de régions et directeur général du Cégep de Jonquière

7 novembre 2025