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Les bourses d'études Perspective Québec : une fausse bonne idée?
Article publié par Ici.Radio-Canada - Fannie Bussières McNicoll -
Aude Garachon
26 février 2022 - Près de trois mois après la création d'un programme de bourses de 1,7 milliard de dollars destiné à contrer la pénurie de main-d'oeuvre, bien des étudiants sur le point de faire leur choix en ignorent l'existence. Des intervenants doutent par ailleurs que le fait de brandir de l'argent pour les attirer dans des domaines précis soit la meilleure solution.
L'air satisfaite et sereine, Nydia Fuentes-Cuevas s'assoit dans le bureau de sa conseillère d'orientation, Madeleine St-Germain. C'est décidé : elle s'inscrira à la technique en soins infirmiers. Il ne lui reste plus qu'à choisir son cégep avant le 1er mars, date limite des inscriptions.
Elle a opté pour un des programmes ciblés par les bourses Perspective Québec, qui ont pour objectif d'attirer davantage d'étudiants dans des secteurs qui souffrent d'un cruel manque de main-d'oeuvre.
Elle a toutefois pris cette décision sans savoir qu'elle serait admissible à cette aide financière. "Je n'étais pas au courant, non. On ne m'en avait pas parlé", affirme Nydia.
Le ministère de l'Enseignement supérieur affirme pourtant qu'il mène une campagne de promotion sur les médias sociaux et dans les médias traditionnels depuis la mi-décembre. Toutefois, vu le peu d'échos qui lui sont parvenus, Madeleine St-Germain doute de l'efficacité de cette campagne.
« Aucun étudiant ne m'a posé de questions à propos de ces bourses-là. Il y a un manque au chapitre de l'information transmise. »
— Une citation de Madeleine St-Germain, conseillère d'orientation au Collège Ahuntsic
Elle-même affirme avoir reçu trop peu d'information au sujet de ces bourses. "Comment ça va fonctionner? Est-ce qu'il faut faire une demande [pour en obtenir une]? On ne le sait pas."
Le site du gouvernement du Québec n'est d'ailleurs pas plus précis : les détails, y lit-on, seront "précisés ultérieurement".
Les réseaux collégial et universitaire sous pression
La conseillère d'orientation Madeleine St-Germain ne pense pas que les nouvelles bourses d'études Perspective Québec constituent l'approche qui permettra d'atteindre les objectifs ambitieux du gouvernement.
"Il y a beaucoup d'étudiants très motivés qui ont le profil pour être travailleur social, psychologue ou encore psychoéducateur et qui s'intéressent à ces programmes, fait-elle valoir. Mais les critères d'admissibilité sont très élevés et on n'a pas eu d'information selon laquelle il y aura plus de places dans les programmes ciblés par les bourses."
L'Université de Montréal confirme par exemple avoir ajouté des places uniquement dans ses cohortes en informatique, du moins pour le moment. Elle se dit toutefois prête à le faire dans d'autres secteurs, malgré les défis que poserait une hausse soudaine du nombre d'étudiants dans certains programmes. Il faudra alors accroître le nombre d'enseignants, souligne la porte-parole Geneviève O'Meara, ce qui est difficile par les temps qui courent, et aussi s'assurer qu'il y aura suffisamment de stages pour tous.
Le défi posé par l'"opération Main-d'oeuvre" de Québec, avec ses objectifs en matière de diplomation, est tout aussi grand pour le niveau collégial, affirme le président-directeur généralPDG de la Fédération des cégeps. Déjà, l'embauche de personnel enseignant dans des secteurs en situation de pénurie de main-d'oeuvre est complexe.
"En plus, il faut organiser les programmes, les déployer de manière à ce qu'ils atteignent les objectifs. Et il faut le faire partout au Québec, poursuit Bernard Tremblay. Il faut donc une coordination de l'ensemble du réseau pour faire en sorte que l'offre soit accessible et réponde à la demande."
« C'est un gros effort qui est demandé dans un délai assez court. Tout le monde essaie de déployer des actions pour avoir un effet concret sur le terrain rapidement, mais c'est plus facile à dire qu'à faire! »
— Une citation de Bernard Tremblay, président-directeur général de la Fédération des cégeps