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Cégeps touchés par la grève: les professeurs exigent du renfort

 

26 juillet 2012-  Gabrielle Duchaine -La Presse

La rentrée scolaire sous le signe de la loi spéciale (78) s'annonce mal. Après les revendications étudiantes, au tour des professeurs de brandir le spectre des moyens de pression. Forcés de travailler beaucoup plus d'heures qu'à l'habitude pour rattraper le temps perdu durant la grève, ils exigent de l'aide pour enseigner... et souffler un peu.

À moins d'un mois de la reprise des classes, les enseignants des cégeps touchés par la grève étudiante estiment qu'il manque toujours 300 enseignants supplémentaires dans le plan prévu par Québec pour assurer le bon déroulement des trimestres intensifs de l'automne, a appris La Presse. Le syndicat affirme que la qualité de l'enseignement souffrira du manque d'effectifs.

«Ce qu'on nous offre est nettement insuffisant pour assurer un suivi et un encadrement adéquats aux élèves», déplore Micheline Thibodeau, vice-présidente de la Fédération nationale des enseignants du Québec-CSN, qui représente 13 des 14 cégeps dont le trimestre d'hiver a dû être reporté à cause du conflit. Après des mois de piquets de grève tenus par les élèves, voici que leurs enseignants envisagent à leur tour de faire des moyens de pression.

«Que ce soit clair: nous serons là pour nos élèves. Nous ne ferons pas la grève, mais nous réfléchissons à d'autres moyens de faire valoir notre point de vue au gouvernement», dit Mme Thibodeau. Sans aide supplémentaire, elle craint que des membres souffrent d'épuisement ou qu'ils n'arrivent pas à donner tout l'encadrement et la qualité d'enseignement que méritent les élèves.

Selon la Fédération des cégeps, qui participe aux négociations avec les enseignants, Québec propose l'ajout de 94 postes équivalents à temps complet pour appuyer les enseignants qui verront leur charge de travail augmenter de façon importante. Le syndicat en demanderait 400. Un écart de 306 postes et de quelque 15 millions.

Les nouveaux enseignants, quel que soit leur nombre, prendront en charge des groupes afin de combler des congés de maternité ou des départs à la retraite, mais surtout, d'alléger la tâche des permanents, qui devront assumer deux trimestres condensés avant Noël. Le premier, si la grève ne reprend pas, débutera à la mi-août, le second en octobre. Dans certains cégeps, des cours seront donnés les soirs et les week-ends. Dans d'autres, le congé des Fêtes sera écourté.

«Il nous faut de l'aide si on veut faire un travail de qualité. C'est ça qui nous inquiète le plus. Beaucoup d'élèves ont des difficultés et ça va aller très vite en classe. Nous ne voudrions pas en échapper en cours de route, en voir abandonner leur trimestre parce que nous ne les avons pas repérés à temps», dit Micheline Thibodeau.

Selon la Fédération des cégeps, les 94 nouveaux postes devraient suffire aux enseignants pour prévenir de telles situations. «Et si on constate qu'il manque d'effectifs, on pourra accorder des heures supplémentaires à ceux qui sont déjà en poste», indique le président-directeur général, Jean Beauregard. Selon lui, les 400 postes demandés par les enseignants sont exagérés. «C'est difficile de recruter autant de monde, dit-il. Prenez par exemple une technique en génie. La plupart des ingénieurs sont déjà sur le marché du travail. Ils n'attendent pas à côté de leur téléphone pour recevoir une offre d'enseignement dans un cégep.»

La discussion achoppe aussi sur le plan des coûts: 25 millions au lieu de 8 ou 9, rappelle M. Beauregard. Une somme exagérée, selon lui. Le collège de Bois-de-Boulogne, seul des 14 cégeps ciblés par le remaniement de trimestre à être affilié à la CSQ, a d'ailleurs conclu une entente qui engendrera des coûts supplémentaires de 500 000$, soit quatre fois moins que le coût moyen par cégep qu'entraînerait l'embauche de 400 enseignants. Le président du syndicat, Mario Beauchemin, en est pleinement satisfait. «Nous avons pu réengager les enseignants à statut précaire qui étaient avec nous l'an dernier pour remplacer des congés sans solde ou de maternité. Ils aideront notamment à l'encadrement des élèves», dit-il. Notons toutefois que le collège de Bois-de-Boulogne est l'un des cégeps touchés par la grève qui comptent le moins d'élèves à l'enseignement général.