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L’alternance travail-études

Un déploiement porteur

Être payé pour étudier est attirant, et aussi profitable aux employeurs. Les stages peuvent le permettre. L’apprentissage rémunéré en milieu de travail a la cote en formation technique.

Thérèse Lafleur, Portail du réseau collégial

La formule de l’alternance travail-études (ATE) a été proposée, en 2021-2022, par 51 établissements (46 cégeps et 5 collèges privés). Elle a été offerte dans 109 programmes (100 DEC et 9 AEC). Une approche dont la popularité croît d’année en année. Cette stratégie d’optimisation des apprentissages et de l’insertion professionnelle, c’est du sérieux.

À la rentrée 2023, le Cégep de Trois-Rivières ajoute huit nouveaux programmes à son offre en ATE. Une avancée majeure qui profite tant aux étudiants stagiaires qu’aux entreprises de la région. Précurseur de cette approche collège-entreprise, le Cégep Limoilou se démarque en ATE. Depuis 1990, ses professionnels ont accompagné quelque 15 000 étudiants en ATE, soit en moyenne 450 par année. Une équipe dédiée aux relations avec les entreprises, les programmes et les stagiaires, au Québec et dans le monde. Leur message « Concentrez-vous sur vos travaux pratiques et vos laboratoires, nous nous occupons du reste ! »

L’alternance travail-études permet aux étudiants en formation technique de réaliser au moins deux stages en entreprise. Les stages sont d’une durée variant de 8 à 32 semaines consécutives. Les stages sont rémunérés et se font sous la supervision d’une personne compétente dans le domaine étudié. L’étudiant obtient une mention « Programme complété en alternance travail-études » sur son relevé de notes.  

Comme le présente Pascal Fournier, responsable de stages, l’équipe veille à l’intégration des stagiaires, du début à la fin. « Notre philosophie est de tout mettre en place pour faciliter la diplomation. Nous rencontrons les étudiants dès qu’ils sont admissibles et nous les accompagnons jusqu’à leur dernier stage. Le cours complémentaire Stratégie pour trouver et intégrer un emploi les prépare. La recherche d’offres de stages, les relations avec les employeurs, les propositions des entreprises, sont l’affaire des responsables de stages. Notre portail OSE Limoilou, nous permet de traiter en ligne le processus, de l’admissibilité de l’étudiant au placement en entreprise. »

Les entreprises s’engagent à respecter le mandat pour lequel elles ont engagé les stagiaires. Elles ne les incitent surtout pas à abandonner leurs études.

Le Cégep Limoilou est l’un des rares, sinon le seul collège, à s’être doté d’une équipe qui se consacre entièrement à l’ATE. « C’est une position institutionnelle », mentionne Mélanie Martel, directrice adjointe des études. « Nos responsables de stages travaillent avec un professeur désigné dans chaque département. Ils participent au comité programme et font des suivis lors de l’évaluation des stages. Ainsi, la formation technique se colle à la réalité du marché du travail où nos étudiants s’intégreront. »

C’est grâce à l’important bassin d’étudiants en technique et aux nombreux programmes en ATE, que le Cégep Limoilou peut d’offrir ce service spécialisé. Tous programmes en ATE confondus, 70 % de ses étudiants optent pour ce cheminement. Dans la majorité des établissements, c’est habituellement le corps professoral qui porte l’ATE. « Un collège qui a 60 stagiaires par année dégage plutôt un conseiller pédagogique ou un professeur pour superviser l’ATE », mentionne M. Fournier.

M. Fournier souligne une nuance importante. « En ATE, le stage n’est pas obligatoire pour obtenir le diplôme. C’est un stage d’intégration de compétences. De véritables mandats sont confiés aux étudiants pour mettre en pratique des concepts théoriques vus en classe. Légalement parlant, ces stagiaires sont des employés. »

De retour de stage

Et ces étudiants sont de retour de stage avec du bagage. « De retour en classe, l’étudiant parle avant tout des logiciels utilisés, des installations ou de la méthodologie de travail. C’est positif et constructif. Et les professeurs apprécient cet arrimage entre la formation et la réalité des entreprises. Cela permet une mise à jour continue de l’enseignement », ajoute Pascal Fournier.

Par ailleurs, les entreprises s’engagent à respecter le mandat pour lequel elles ont engagé les stagiaires. Elles ne les incitent surtout pas à abandonner leurs études. D’ailleurs, des entreprises proposent du temps partiel, entre les stages, pour conserver les liens et encourager les stagiaires à poursuivre leur formation. « Et les milieux sont de plus en ouverts à voir leurs stagiaires poursuivre des études universitaires tout en travaillant. Certaines vont jusqu’à rembourser les frais de scolarité. Même en pénurie de main-d’œuvre, le réflexe des organisations n’est pas de pousser les stagiaires à lâcher l’école », affirme M. Fournier.

Pour l’ATE Monde offert dans les programmes de tourisme, de gestion hôtelière et de gestion de la restauration, l’accompagnement se fait davantage en ligne, explique Mme Martel. « Les stages se font dans l’Ouest canadien, en Allemagne ou au Mexique. Cependant, ces étudiants doivent être capables de réaliser un stage d’intégration de leurs compétences dans la langue du pays. Ils bénéficient de certains incitatifs sous forme de bourses pour payer leur transport et leur hébergement à l’étranger. »

Une tendance aux stages rémunérés

Depuis quelques années, les responsables constatent qu’un nombre croissant de stages sont rémunérés sans être nécessairement en alternance travail-études. Le parcours développé pour les Attestations d’études collégiales (AEC) par la Formation continue en est une bonne illustration. « Dans les récentes AEC, tous les stages sont rémunérés via une nouvelle formule, le Parcours Formation Emploi (PFE). Et ce n’est pas parce que nous l’obligeons, mais bien parce que les employeurs y voient une mesure d’attraction. Une approche qui leur permet d’aller chercher des candidats intéressants et de les fidéliser pour qu’ils deviennent des employés », explique Guillaume Perron, conseiller pédagogique au Service aux entreprises et à la Formation continue au Cégep Limoilou.

« Nos étudiants en AEC avaient besoin de lousse pour persévérer et diplômer. » Guillaume Perron

Il précise « La clientèle est différente. Ces étudiants en formation continue n’ont pas accès à l’ATE. Pour bien comprendre le développement du Parcours Formation Emploi, il faut regarder en amont. Nous avions trois sphères d’intérêts soit les besoins de l’étudiant, les besoins des entreprises et les besoins du cégep. Pour suivre leur formation, nos étudiants doivent arrêter de travailler. Cela crée souvent des pressions financières assez importantes et affecte leur persévérance scolaire. Parfois, ils décident de prendre une pause ou abandonnent complètement leur projet d’études. Nous perdions des étudiants. Les entreprises perdaient des employés potentiels. Nos étudiants en AEC avaient besoin de lousse pour persévérer et diplômer. »

« C’est pourquoi l’équipe de la Formation continue a mis en place un horaire allégé. Les premiers huit à douze mois de la formation, l’étudiant est au cégep cinq jours par semaine. Après avoir acquis les compétences essentielles à l’emploi, l’horaire est allégé. L’étudiant est trois jours en formation et deux jours en stage. Donc nos étudiants profitent encore du financement public, parce que considérés à temps plein, et bénéficient de deux jours de stage rémunéré. Une formule qui diminue la pression financière et favorise la persévérance. »

« Une approche qui leur permet d’aller chercher des candidats intéressants et de les fidéliser pour qu’ils deviennent des employés » Guillaume Perron

Parallèlement, ce Parcours Formation Emploi est très attrayant pour les étudiants internationaux. La formule leur permet de s’intégrer en douceur au marché du travail québécois. Du coup, ils peuvent aussi bénéficier de conditions inhérentes à leur permis d’études soit de travailler jusqu’à 20 heures par semaine.

Mme Martel souligne la réelle complémentarité entre le régulier et la formation continue pour répondre aux besoins des étudiants. « Pour élargir l’éventail des possibilités d’intégration au marché du travail, nous participons aux activités du Réseau Apprentissage intégré au travail (RAIT). » La Fédération des cégeps soutient aussi la formule via un comité mixte qui se penche sur la question. Ce comité est mandaté pour identifier et agir sur les facteurs qui favorisent ou freinent l’évolution des apprentissages en milieu de travail.

Ce Parcours Formation Emploi est très attrayant pour les étudiants internationaux. La formule leur permet de s’intégrer en douceur au marché du travail québécois.

Dominique Bouteiller, professeur aux HEC Montréal, a mené de 2001 à 2004 une solide étude de cas de l’alternance travail-études avec le Cégep Limoilou. Dans un premier temps, les conclusions de cette recherche qualitative confirmaient l’effet structurant de l’ATE sur l’apprentissage du métier, l’apprentissage du milieu et l’orientation professionnelle des étudiants. La seconde phase a permis de valider l’effet structurant de l’ATE sur la pédagogie, la professionnalisation et le champ relationnel des professeurs. Au final, l’étude du professeur Bouteiller constatait que l’alternance travail-études est un réel processus de transformation.

Le déploiement réussi du modèle d’alternance travail-études au collégial est porteur. L’ATE est une stratégie par excellence pour optimiser les apprentissages, l’insertion professionnelle, la carrière et les études supérieures.