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Le personnel de soutien, ces travailleuses et travailleurs de l’ombre

Par Marie Lacoursière

Pendant ces neuf mois de crise sanitaire, nous avons beaucoup parlé des difficultés des enseignant.e.s et des étudiant.e.s. Mais avez-vous entendu parler des impacts de la pandémie sur les employé.e.s de soutien ? Ils sont pourtant aux premières loges des nombreuses adaptations réalisées dans le réseau. Nous en discutons avec Valérie Fontaine, présidente de la Fédération du personnel de soutien à l’enseignement supérieur (CSQ) et Martine Moreau, présidente du secteur soutien-cégeps de la Fédération des employées et employés des services publics (FEESP-CSN).

                

Valérie Fontaine, FPSES-CSQ     Martine Moreau, FEESP-CSN

« Ne pas entendre parler du personnel de soutien pendant cette crise, ce n’est pas nécessairement une surprise pour nous, constatent d’une même voix Valérie Fontaine et Martine Moreau, car nous sommes en quelque sorte des travailleuses et des travailleurs de l’ombre et d’arrière-scène dans les établissements collégiaux. C’est décevant, mais malheureusement, pas réellement surprenant, ajoute Valérie Fontaine. C’est pourquoi nous travaillons d’arrache-pied pour faire connaître et reconnaître le travail essentiel de nos membres, particulièrement en situation de pandémie. »

Des impacts majeurs

« Le plus grand des impacts du confinement chez les syndiqués, est sans aucun doute la surcharge de travail. Il fallait que tout roule rondement pour les étudiantes et les étudiants et pour les enseignantes et les enseignants. Et pour ce faire, nous devions entre autres préparer les nouvelles configurations des locaux et assurer le soutien informatique pour l’enseignement à distance. Il ne faut pas non plus oublier le nombre de courriels et de téléphones auxquels a dû répondre le personnel administratif qui a augmenté de façon exponentielle. »

        Agente de soutien administratif

Martine Moreau confirme de plus la surcharge de travail du personnel de soutien pendant la pandémie : « Nous calculons que la charge de travail a augmenté substantiellement. Dès le 13 mars, les opérations administratives, dont les services financiers et les admissions étudiantes, n’ont pas ralenti malgré toutes les difficultés engendrées par la crise sanitaire. Lors de la réouverture graduelle en septembre, on a dû se réinventer chaque jour. C’était comme une éternelle renaissance. En vue d’offrir des cours majoritairement à distance, les techniciennes et les techniciens en informatique ont dû travailler fort pour équiper l’ensemble du personnel ainsi que les étudiant.es. La mise en place du télétravail ne s’est également pas faite sans difficulté. Ce mode de fonctionnement n’avait rien d’habituel. »

Réagir promptement
Valérie Fontaine et Martine Moreau précisent que le personnel de soutien a dû se retourner promptement pour accueillir les étudiantes et les étudiants. Valérie énumère ici quelques-unes des actions accomplies avec diligence : « Modifications à apporter dans les locaux autant pour les enseignantes et les enseignants que pour les autres membres du personnel ; installation de Plexiglas partout ; s’assurer que tout est correct sur le plan sanitaire, que les collègues en télétravail sont bien installés et que toute l’arrière-scène pour mettre les choses en place fonctionne afin que les milieux soient sécuritaires. Le personnel de soutien a dû réagir efficacement. La décision de faire les laboratoires en présence avec de plus petits groupes a alourdi la tâche en multipliant le nombre de laboratoires à préparer dans une même journée, et ce, afin de réduire le nombre de jours où il y aurait des étudiantes et des étudiants en présentiel. Nous avons fait de grosses journées qui se sont allongées pour préparer en double et en triple le nombre de laboratoires requis. »« Les ouvriers spécialisés ont fait un travail colossal durant l’été pour aménager les locaux et installer des mesures physiques de protection » ajoute Martine Moreau.

Le soutien informatique largement sollicité
Dans le contexte où les collèges sont devenus principalement virtuels, il est évident que celles et ceux qui sont attachés au soutien technologique et informatique ont été largement sollicités. « C’est une des classes d’emploi qui a connu la plus grande surcharge, et ce, sans ajout de ressources dans les collèges, affirme Valérie Fontaine. Vous comprendrez que le nombre de demandé soutien informatique de la part du personnel et de la population étudiante a décuplé, car on devait s’assurer que tout le monde est bien équipé et ait accès aux plateformes. Le nombre de demandes a littéralement explosé. Les intervenantes et les intervenants ont travaillé très fort du début de la pandémie à ce jour afin que tout soit mis en œuvre et fonctionne, que les cours puissent se donner au bon moment, que les corps étudiant et professoral aient accès aux plateformes ; bref, que tout roule rondement. Et dans bien des cas, ils ont dû se familiariser eux-mêmes avec les plateformes nouvellement acquises afin de devenir des références auprès de la future communauté d’utilisatrices et d’utilisateurs. »
Télétravail et travail en présentiel

Quel a été le pourcentage du personnel de soutien en télétravail ?

Martine Moreau évalue qu’environ 25 % d’entre eux travaillent à domicile, alors qu’un autre 20 % partage leur temps de travail entre le cégep et la maison. « On ne peut pas dire qu’il y a un collège où le personnel de soutien est à 100 % en télétravail, car plusieurs classes d’emploi, notamment le personnel d’entretien des bâtiments n’ont pas eu accès à cette option. Dès le début de la crise, ils ont dû effectuer du travail en présentiel pour assurer la santé et la sécurité des lieux et des étudiant.es en résidence qui étaient toujours sur place, ce qui est toujours le cas. Considérant les exigences ministérielles d’assurer un minimum de présences, en particulier dans les laboratoires toutes les techniciennes et tous les techniciens affectés aux laboratoires, sont actuellement en présentiel, et ce, depuis le retour au mois d’août. »

Technicienne de travaux pratiques en soins infirmiers

Attraper le virus
La crainte d’attraper le virus est bien présente. « Au mois de mars, de nombreux employé.e.s de soutien ont dû se présenter au travail, parce que considérés comme du personnel essentiel, explique Valérie Fontaine. Les agentes et les agents de sécurité ainsi que les techniciennes et les techniciens de laboratoire étaient craintifs à l’idée d’être exposés. C’était aussi une préoccupation majeure au mois d’août, à l’annonce de la rentrée, alors qu’il y avait plus de gens en présentiel. La crainte d’être exposé au virus était perceptible. Nous avons fait beaucoup de revendications auprès des établissements en matière de prévention. Nous avons suivi les guides de la CNESST pour nous assurer que les milieux étaient très sains et sécuritaires. » La mise en place des mesures de protection sanitaire du personnel s’est avérée souvent difficile, ajoute Martine Moreau : « La mise en place s’est faite partout à géométrie variable et avec des différences importantes. Nous avons reçu de nombreux appels concernant le manque d’équipements de protection individuelle, ainsi que l’absence ou la quantité insuffisante de solutions hydroalcooliques et désinfectantes. Nous avons travaillé avec nos syndicats pour nous assurer que les employées qui entraient dans les bâtiments étaient bien protégés sur le plan sanitaire. Mais pour ceux et celles qui n’avaient pas le choix d’être à l’intérieur, c’était difficile. » 

Technicienne de travaux pratiques en biologie

Et le retour d’ascenseur ?
Puisque ce n’est pas tout le monde qui a accès au télétravail, Valérie Fontaine recommande aux établissements de prêter une attention particulière pour s’assurer que les mesures prises sont équitables pour tous. « Il est souvent  demandé au personnel de soutien d’assumer des responsabilités qui ne sont pas dans leur catégorie d’emploi pour aider et mettre la main à la pâte. Évidemment, ils acceptent de le faire dans la majorité des cas, car ils sont fiers de travailler pour les cégeps. Ils souhaiteraient parfois  un petit retour d’ascenseur. Par exemple, nous avons reçu une lettre de la ministre de l’Enseignement supérieur cette semaine qui indiquait que la nouvelle enveloppe de 25 millions pour l’aide aux étudiantes et aux étudiants serait offerte seulement aux enseignantes et aux enseignants. Pourquoi ne pas prévoir des sommes pour les personnels de soutien ? Pire, nous avons appris que la ministre recommandait que les 10 M$ additionnels octroyés pour des services directs de soutien psycho soient utilisés pour recourir à des firmes externes. Pourquoi les collèges ne feraient-ils pas appel aux éducatrices spécialisées et techniciennes et techniciens en travail social qui sont déjà compétents et formés pour assumer ces tâches ? »

En terminant, Martine Moreau demande que la contribution du personnel de soutien dans la crise actuelle soit pleinement reconnue et que cela se reflète par des actions concrètes de la ministre McCann.