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Le SPGQ prédit une rentrée «chaotique» dans les cégeps
Leïla Jolin-Dahel Le Devoir
Collaboration spéciale
Photo: iStock Alors que le réseau collégial devra subir des compressions budgétaires de 151 millions de dollars pour l’année 2025-2026, le SPGQ craint des répercussions sur les services aux élèves.
Ce texte fait partie du cahier spécial Syndicalisme
Un retour en classe très compliqué attend les employés des cégeps de la province, dénonce le Syndicat des professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec (SPGQ). L’organisation déplore les nombreuses abolitions de postes au sein de ces établissements.
Au sein de la dizaine d’établissements collégiaux dont le personnel est représenté par le SPGQ, plus de 40 emplois sont abolis, calcule Guillaume Bouvrette, président de l’organisation syndicale. « Certains sont plus touchés que d’autres. Le nombre de postes supprimés est proportionnel au nombre d’étudiants desservis », précise-t-il.
En mai dernier, le réseau collégial a appris qu’il devrait faire face à des coupes budgétaires de 151 millions de dollars pour l’année 2025-2026, du fait de l’écart entre les dépenses prévues et ce qu’il reçoit du gouvernement. Chaque année en effet, Québec octroie des subventions de fonctionnement afin de financer les activités des cégeps. Cette année, ces sommes connaîtront une hausse de 0,3 %, qui sera insuffisante pour pallier la hausse des coûts d’exploitation, qui variera entre 2 et 4 %.
Tant la p.-d.g. de la Fédération des cégeps, Marie Montpetit, que les organisations syndicales avaient déploré cette annonce, en mettant en garde sur les conséquences qu’une telle mesure aurait sur les services à la population étudiante. « L’ensemble des intervenants du milieu collégial sont sortis sur la place publique pour dire que c’était irréalisable comme coupes, rappelle M. Bouvrette. Il est rare que les syndicats et les employeurs soient d’accord sur une même chose. »
En juillet, le SPGQ avait déjà affirmé la « colère » de ses membres devant le « manque de sensibilité » du premier ministre, François Legault, à l’endroit des cégeps.
Des effets sur les services
Selon Guillaume Bouvrette, cette décision de la part de Québec traduit « l’incohérence dans le discours du gouvernement ». « On affirme que, derrière ces coupes, il n’y aura pas de répercussions sur les services aux élèves », rappelle-t-il. Or, le SPGQ observe déjà des postes supprimés parmi les sexologues, les psychologues ou les conseillers en orientation. « Ce sont des gens qui, souvent, se retrouvent en première ligne pour soutenir la population étudiante », fait-il valoir.
Le syndicaliste souligne que l’élimination de ces postes n’est pas attribuable à une attrition à la suite de départs à la retraite ou d’une décision d’abolir un poste vacant. « On met fin à des emplois et on a donc moins de ressources investies au service des étudiants », déplore-t-il.
Ainsi, la population cégépienne requérant ces services devra faire face à des délais d’attente plus longs ou à des séances plus courtes avec les professionnels. « On craint pour la réussite du parcours scolaire de ces jeunes », ajoute M. Bouvrette.
Une vision « électoraliste »
Pour le SPGQ, le gouvernement adopte une vision « à court terme et électoraliste ». M. Bouvrette ne croit pas que le remaniement ministériel prévu par le premier ministre changera la donne. « Une telle annonce, à un an du scrutin, confirme ma pensée, dit-il. Est-ce qu’il y aura de réelles évolutions dans l’approche qui a été la source d’une succession de mauvaises décisions de gestion ? On en doute. »
Le syndicaliste cite à titre d’exemple la création de Santé Québec et de Mobilité Infra Québec. « On multiplie la bureaucratie. On constitue de nouvelles structures administratives, alors qu’on réduit les services directs à la population », dénonce-t-il. M. Bouvrette épingle du même coup le comité promis en août par la ministre des Transports, Geneviève Guilbault, et visant à rétablir la confiance des Québécois envers la Société de l’assurance automobile du Québec, mise à mal suite au fiasco SAAQclic.
Il déplore parallèlement des abolitions de poste au sein de la fonction publique québécoise. « On met fin à des contrats, alors qu’on a investi dans la formation de ces personnes, explique-t-il. Elles sont spécialistes dans leurs domaines et contribuent aux décisions des organisations pour lesquelles elles travaillent. »
Selon le SPGQ, le gouvernement commet une erreur et risque d’en faire les frais à long terme. « On abolit les postes pour un retour à l’équilibre budgétaire, mais on aura besoin d’expertise dans les prochaines années avec les départs à la retraite prévus », prédit M. Bouvrette.
Une décision qui nécessitera le recours à la sous-traitance ou à des investissements supplémentaires afin de former de nouvelles recrues. « À plus long terme, l’État creuse sa tombe en dépendant de la sous-traitance », prévient Guillaume Bouvrette.
« La commission Charbonneau nous l’avait souligné il y a quelques années, et la commission Gallant risque d’arriver aux mêmes conclusions. On doit s’appuyer sur une expertise interne forte pour éviter des dérives comme on en a vu avec SAAQclic », avance-t-il.
« Les choix qu’on fait aujourd’hui vont créer des difficultés pour l’avenir. On est en droit de s’attendre à ce que des décisions soient prises à plus long terme, sans léguer aux prochains gouvernements des problèmes supplémentaires », conclut-il.