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Une formation au rabais pour les futures infirmières?

Article publié par Le Devoir.com - Marco Bélair-Cirino et Marie-Michèle Sioui à Québec

 

21 avril 2020 - Les appels à l'aide du premier ministre pour obtenir des renforts en CHSLD demeurent largement ignorés, à la lumière des chiffres que Québec a présentés lundi. - Photo: Michael Monnier Le Devoir 

Le ministre de l'Éducation, Jean-François Roberge, fait miroiter un « accès direct » à la profession d'infirmière à tous les finissants qui s'enrôlent comme préposés aux bénéficiaires dans un centre d'hébergement de soins de longue durée (CHSLD). Sa proposition a fait bondir l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (OIIQ).

Le gouvernement québécois multiplie les méthodes pour attirer les renforts dans les milieux pour aînés, vu « l'urgence nationale » qui s'y déroule. M. Roberge a invité, dans une lettre dont Le Devoir a obtenu copie, des milliers d'étudiants à « prêter main-forte au personnel infirmier et aux préposés aux bénéficiaires qui oeuvrent dans le réseau de la santé ». Pour les inciter à joindre les rangs du personnel des CHSLD, l'élu souligne aux finissants des programmes de soins infirmiers, d'inhalothérapie, de radiodiagnostic et de travail social que « s'il vous reste au plus l'équivalent d'une session à temps plein pour terminer votre formation, un accès direct à votre profession est possible, sous certaines conditions ». « Le réseau de la santé a besoin de vous », écrit-il dans le document de deux pages.

Pour faire cette offre, M. Roberge s'appuie sur un arrêté ministériel signé quelques heures auparavant par sa consoeur Danielle McCann.

Le président de l'OIIQ, Luc Mathieu, s'est dit « surpris » lundi par la « teneur » de cet arrêté bousculant le processus normal d'obtention d'un permis d'exercice au Québec. « C'est un peu inquiétant de donner un permis de pratique plein et entier à des étudiants qui non seulement n'ont pas complété leur formation, mais n'ont pas passé l'examen du droit de pratique. […] C'est assez particulier », affirme-t-il dans un entretien téléphonique avec Le Devoir. Il prend par la suite soin de rappeler la mission de l'OIIQ, soit « s'assurer de la protection du public et de la compétence de ses membres ».

Dans sa forme actuelle, l'arrêté de la ministre Danielle McCann met-il en danger la sécurité de la population ? « Ça dépend [de ce que] les établissements de santé vont faire avec ces étudiants-là », répond M. Mathieu.

Une lettre qui prête à confusion

La lettre du ministre Roberge a semé la confusion à un point tel que certains cégeps ont décidé de l'accompagner d'un préambule, dans lequel ils précisent que le déploiement en CHSLD « n'est pas nécessairement une voie rapide » à l'accès à une profession réglementée. Après la crise, les étudiants devront terminer leur formation afin d'obtenir leur diplôme d'études collégiales (DEC) et ensuite subir leur examen de l'Ordre, indique la Fédération des cégeps au Devoir. Certains cégeps situés dans des régions épargnées par la COVID-19 n'ont, quant à eux, tout simplement pas transmis la missive à leurs étudiants.

Virginie Pelletier, étudiante en technique de radiodiagnostic au cégep de Sainte-Foy, a reçu la lettre du ministre jeudi dernier. Elle est disposée à contribuer à l'effort de guerre dans les CHSLD « en échange » des crédits manquants pour obtenir son DEC. Le cégep, le ministère et l'Ordre des technologues en imagerie médicale, en radio-oncologie et en électrophysiologie médicale du Québec ne s'entendent pas sur la marche à suivre. « Nous sommes plusieurs étudiants dans cette situation, qui sont prêts à agir pour aider, mais, malheureusement, nous sommes coincés, car l'école, notre ordre professionnel et le ministère ne communiquent pas entre eux et nous en empêchent », déplore-t-elle dans un échange avec Le Devoir. « Ils se lancent tous la balle. C'est frustrant. »

Les renforts manquent à l'appel

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