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L’éducation, une priorité économique

Un texte de Gérard Filion publié par Ici.Radio.Canada


Le journaliste Wilfrid Lemoine s'entretient avec Paul Gérin-Lajoie, candidat libéral élu, en 1960.  Photo : Radio-Canada/André Le Coz

ANALYSE - Économie et éducation vont de pair, disait Paul Gérin-Lajoie, et c'est son fils, François, qui nous l'a rappelé dans le discours qu'il a prononcé jeudi aux funérailles nationales de l'un des bâtisseurs du Québec moderne. Une société qui mise sur une amélioration des conditions de vie de son peuple s'appuie nécessairement sur des investissements importants dans son système d'éducation.

Un texte de Gérald Fillion

Malheureusement, le Québec ne considère pas l’éducation comme une « priorité nationale », disait le sociologue Guy Rocher au Téléjournal mercredi soir. « Nous avons reculé », concluait-il, visiblement déçu qu’on ait abandonné, selon lui, l’idéal de Paul Gérin-Lajoie. Nous pouvons être d’accord ou non avec son propos, il n’en demeure pas moins que les sociétés qui investissent largement en éducation sont les sociétés les plus prospères.

Le premier ministre du Québec, Philippe Couillard, a souligné combien Paul Gérin-Lajoie a participé à l’émancipation des Québécois. Ce mot exprime avec justesse l’essor et l’enrichissement économique du Québec depuis les années 1960, une avancée attribuable, en grande partie, à la réforme du système d’éducation.

Si le premier ministre Adélard Godbout est celui qui, en 1943, a rendu l’instruction obligatoire et gratuite au niveau primaire, Paul Gérin-Lajoie est celui qui est venu accélérer la transformation sociale du Québec avec la création du ministère de l’Éducation, dont il a été le premier titulaire.

Depuis, les Québécois ont rejoint les sociétés avancées pour ce qui est du taux d’obtention d’au moins un diplôme du secondaire chez les 25-34 ans. Ce taux avoisine les 90 %. Toutefois, du chemin demeure à parcourir pour ce qui est du taux de diplômés âgés de 15 à 18 ans ou de 16 à 19 ans, particulièrement dans les écoles publiques, et pour ce qui est du taux de diplômés universitaires.

L'effet économique d'un diplôme

Il faut dire que, depuis des années, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) publie des études sur l’éducation et les effets économiques. L’organisation milite en faveur de systèmes d’éducation qui répondent davantage aux attentes du marché du travail.

S’il est vrai qu’une telle adéquation peut faire croître davantage l’économie, une telle stratégie ne fait pas l’unanimité. Cela dit, le seul engagement d’une société en faveur d’une éducation de qualité, des garderies et de la maternelle jusqu’à l’université, représente déjà un gain économique.

Dans une étude publiée en juin 2012, l’OCDE écrit que les personnes qui poursuivent des études postsecondaires vont toucher des revenus plus élevés et vont rapporter davantage d’argent en taxes et en impôt à la société.

Ainsi, en s’appuyant sur les données tirées de 25 pays de l’OCDE, l’avantage économique à long terme pour une personne qui a un diplôme d’études secondaires s’établit à 77 000 $ US pour un homme et à 63 000 $ US pour une femme par rapport à celles et ceux qui ont un faible niveau de scolarité. L’avantage économique à long terme pour une personne qui a terminé des études supérieures s’établit à 175 000 $ US pour un homme et à 110 000 $ US pour une femme. Ce gain financier tient compte des coûts associés à des études prolongées.

De plus, une hausse du nombre de diplômés réduit les pressions sur les finances publiques. Un diplôme universitaire va rapporter à long terme de 55 000 $ US à 91 000 $ US supplémentaires à l’État.

Dans une autre étude, en 2017, l’OCDE écrit que « la relation entre le PIB par habitant et les dépenses unitaires des établissements d’enseignement est complexe. Il existe toutefois une relation positive manifeste entre les dépenses unitaires des établissements d’enseignement primaire et secondaire, et le PIB par habitant : les dépenses unitaires tendent à être plus faibles dans les pays plus pauvres que dans les pays plus riches. »

Au Québec, en avril 2016, l’économiste Pierre Fortin écrivait que l’acquisition d’un premier diplôme dans le temps habituel permet à un diplômé de pouvoir « entrevoir un gain cumulatif de 519 000 $ à 563 000 $ » sur une estimation de 50 années de vie active.

Éducation = mieux-être

La réalité, comme l’exprimait Paul Gérin-Lajoie, c’est que l’éducation ouvre de grandes portes et permet aux jeunes d’espérer une vie meilleure, un accès plus grand au marché du travail et un engagement plus profond et plus long dans les activités sociales et politiques.

Sur le plan individuel, on gagne des points bonheur en se donnant au moins un diplôme. Et sur le plan collectif, l’enrichissement est réel, mais aussi le bien-être de la population est plus grand.

Selon l’Indice du Mieux-Vivre de l’OCDE, les pays où la satisfaction face au système d’éducation est la plus élevée figurent parmi les pays les plus prospères. C’est le cas notamment de la Finlande, de l’Australie, du Danemark et de l’Allemagne. À l’autre bout du spectre, la faible satisfaction face à l’éducation se trouve essentiellement dans les pays qui ont des niveaux de PIB par habitant parmi les plus bas de l’OCDE, soit le Mexique, l’Afrique du Sud et le Brésil.

Alors que s’amorcera dans quelques jours la campagne électorale au Québec, il sera intéressant de voir jusqu’à quel point les partis en présence considèrent l’éducation comme une « priorité nationale », une priorité économique.