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Mme Alice Havel, lauréate 2015 du Prix Gérald-Sigouin

Mme Alice Havel se dit très surprise et honorée à la fois d’avoir été choisie pour ce prix. À la retraite depuis un an, après 42 ans de service au Collège Dawson, elle demeure toujours active dans le domaine de la recherche et de la pratique au niveau des services aux personnes vivant avec des handicaps.

Détentrice d’un baccalauréat en éducation physique, elle a commencé sa carrière en 1972 comme professeur dans cette discipline à Dawson. En même temps, elle a poursuivi des études de maîtrise en orientation et a travaillé plusieurs années à titre d’orienteur, toujours au Collège Dawson. Plus tard, elle retourne aux études pour compléter un doctorat en psychologie. Sa thèse porte sur les approches diverses en vue de réduire la tergiversation (procrastination) en milieu scolaire. En 1992, elle commence à travailler aux services adaptés pour les étudiants vivant avec des handicaps.

Pour l’accessibilité universelle en pédagogie
L’accessibilité universelle en pédagogie demeure au cœur de ses recherches et de ses pratiques. Dans un article publié dans la Revue de pédagogie collégiale, elle la présente ainsi : « Cette approche se définit comme étant le fait de concevoir du matériel et des activités pédagogiques qui permettent à des personnes présentant une gamme variée d’habiletés et de capacités de réaliser les apprentissages requis. Ces activités sont alors dès le début créées en tenant compte de l’inclusion de tous les étudiants (Burgstahler, 2005). L’accessibilité universelle repose sur le principe que, si un concept fonctionne bien pour les personnes en situation de handicap, il fonctionne aussi pour la plupart des gens. Par exemple, les grands écrans d’ordinateur ont au départ été conçus pour les personnes en situation de handicap visuel, mais ils sont au fil du temps devenus des outils importants pour d’autres personnes, notamment celles qui travaillent avec des tableurs (logiciels qui affichent des feuilles de calcul). Le concept d’accessibilité universelle en pédagogie repose sur l’idée qu’il est préférable de fournir aux étudiants plusieurs façons d’apprendre la matière et de démontrer leurs acquis. Il est important de comprendre que ce concept ne prône aucunement l’idée qu’une seule solution puisse s’appliquer à tous les étudiants. » (1)

« Je valorise cette approche. C’est celle qui me rejoint le plus. Elle me semble la plus utile et je veux la partager avec tout le monde, à tout moment. Je travaille avec le réseau de recherche Adaptech et la chercheuse Catherine S. Fichten. Nous essayons de faire le lien entre les technologies, la conception universelle de l’apprentissage et les pratiques pédagogiques. Quand j’ai commencé à travailler avec les étudiants en situation de handicap, nous faisions surtout appel à des preneurs de notes pour les étudiants ayant des déficits sensoriels. Maintenant, la plupart des professeurs mettent leurs notes de cours en ligne. Les étudiants peuvent ainsi écouter et participer. Cela constitue un des changements importants dans ma pratique. Au début, on parlait beaucoup d’accommodements pour tel handicap et pour tel élève. Maintenant, on se questionne plus sur les façons de changer l’environnement de la classe et des services pour être les plus inclusifs possible pour n’importe quel étudiant. Ainsi, l’accent est moins mis sur le handicap et davantage centré sur la personne et son environnement. C’est comme les rampes d’accès ou les portes automatiques que l’on retrouve maintenant presque partout. »

Une coéquipière appréciée
Alice Havel précise qu’elle publie souvent en collaboration avec plusieurs auteurs : « Je travaille avec des équipes de recherche, mais je me définis plus comme une praticienne. Je suis davantage préoccupée par le transfert des connaissances. Je crois en une relation symbiotique entre les chercheurs et les praticiens. Quand je travaille avec Catherine Fichten, ma contribution porte souvent sur les recommandations et les applications pratiques de ses recherches théoriques. Je m’intéresse à ce qui se passe en classe, à ce qui se passe avec nos étudiants. C’est vraiment un travail de complémentarité. »

Alice Havel a toujours travaillé en équipe. Pour elle, c’est très enrichissant. Dans un congrès récent sur la conception universelle de l’apprentissage à l’Université McGill, une présentation a été faite par quatre personnes de son équipe. « J’ai invité deux nouvelles collègues parmi les professionnels du Collège. Le travail en équipe favorise le développement d’un grand niveau de synergie par rapport au travail individuel. Le partage des perspectives différentes est toujours porteur. »

Encore des défis à relever pour une meilleure inclusion au travail
Mme Havel figure parmi les fondateurs du Centre de recherche pour l’inclusion scolaire des étudiantes et des étudiants en situation de handicap (CRISPESH). L’accessibilité de ces personnes à l’enseignement supérieur a toujours été au cœur de ses préoccupations. Alice Havel croit que cette accessibilité s’est accrue au fil des ans. « Mais, je crois qu’il reste encore plusieurs défis à relever. Nous avons commencé à travailler sur une meilleure inclusion de nos élèves dans certains stages des cours professionnels. La frontière à franchir maintenant reste l’inclusion au travail. C’est bien d’être préparé par de bons résultats scolaires, mais encore faut-il trouver un emploi. Sinon, c’est non seulement une perte pour eux, mais pour la société aussi. Il faut assurer le plein emploi aux personnes handicapées ainsi que leur inclusion au travail. De nouvelles technologies facilitent cette inclusion. Mais, par-delà la technologie, c’est l’attitude. Si les gens ne sont pas ouverts ou ne comprennent pas vraiment l’inclusion, on n’y arrive pas. L’inclusion, c’est plus que l’intégration. L’inclusion assure une participation complète. »

Continuer à améliorer les services
Même si elle est retraitée après 42 ans de travail à Dawson, Alice Havel a l’intention de demeurer active en recherche et comme praticienne. Elle travaille encore avec les services d’aide du Collège. Elle demeure toujours soucieuse de la qualité des services offerts aux étudiants. « Il faut remettre en question nos pratiques et se demander comment mieux communiquer avec nos étudiants et les professeurs. Nous pouvons communiquer par courriel avec eux, mais comme ils en reçoivent tellement, je ne suis pas sûre qu’ils les lisent tous. C’est à nous de trouver de meilleurs moyens de communiquer. »

Vivre sa retraite tout en demeurant active
La flexibilité de la retraite lui permet de consacrer plus de temps au ski de fond, à la randonnée, au vélo, au théâtre et à la lecture. Mère de deux enfants dans la vingtaine, elle considère qu’ils ont encore besoin d’un peu « d’encadrement »… Elle nous confie que ces deux enfants ont des troubles d’apprentissage et, malgré certains défis académiques, ils ont réussi leurs études postsecondaires. Son choix professionnel étant fixé bien avant ce constat, cette expérience contribue cependant à accentuer sa sensibilité à la situation des personnes vivant avec des handicaps.

Pour souligner ce prix octroyé à Mme Havel par l’AQPC, le Portail du réseau collégial ajoute son nom à la galerie des personnalités marquantes en pédagogie.

(1) Voir article dans la Revue de pédagogie collégiale intitulé : « L’ACCESSIBILITÉ UNIVERSELLE EN PÉDAGOGIE : DES AVANTAGES POUR TOUTES ET POUR TOUS ! »


Témoignages de personnes qui ont travaillé avec Alice Havel

Impressions et souvenirs d’Alice Havel, par Daniel Fiset

Au milieu de la décennie 1980, l’enseignante et pédagogue était déjà stimulée par le défi de l’adaptation des cours d’éducation physique destinés à une population grandissante d’étudiants en situation de handicap, d’abord celle ayant une incapacité physique ou sensorielle, puis celle vivant avec un handicap moins visible, tel un trouble du déficit de l’attention.

C’est à cette époque qu’elle entre en contact avec Dre Joan Wolford, qui fut responsable du développement des services aux étudiants handicapés au Cégep Dawson. À l’occasion du départ de celle-ci pour l’Université McGill, Alice est appelée à la remplacer dans cette fonction. Elle ne ménage ni son temps, ni son énergie pour développer ses connaissances et sa compétence sur l’enseignement à cette population ayant des caractéristiques et des besoins particuliers. Elle s’intéresse à tout ce qui concerne les différents troubles de l’apprentissage, les troubles du spectre de l’autisme et les problèmes de santé mentale. Sa quête de savoir l’amène fréquemment à s’inscrire à des formations à l'extérieur du Québec. Elle devient ainsi une valeur sûre en matière d’adaptation de l’enseignement. Les limites de la mise en œuvre de ce concept d’adaptation l’incitent à adopter des approches plus inclusives qui s’incarnent ultimement dans le modèle du processus de production du handicap, qu’elle s’efforce d’appliquer dans son travail au quotidien, ainsi que dans le concept de design universel, dont elle sera la tenante et la promotrice en matière de pédagogie.

En dépit de ses nombreuses tâches administratives, Alice trouve les ressources pour être de presque tous les projets de recherche menés par le groupe Adaptec sous la direction de Dre Catherine Fichten. Alice s’intéresse particulièrement à tout ce qui concerne les facteurs de réussite et l’utilisation des technologies dites adaptatives.
Comme responsable administrative de l’intégration dans son établissement et, plus largement comme gestionnaire et pédagogue associée au développement de ces questions à l’Enseignement supérieur, Alice est souvent en porte-à-faux avec les définitions et les orientations bureaucratiques. Les besoins des étudiants sont sa priorité première. Ses convictions profondes et ses capacités de persuasion ont fait en sorte que son établissement se dote des ressources requises pour organiser l’inclusion des clientèles ayant des besoins spéciaux, et ce, bien au-delà des budgets particuliers consentis par le MEQ. Ses efforts ont fait en sorte que Dawson soit reconnu comme un des chefs de file en la matière.

Daniel Fiset, ex-responsable  du Service d'aide à l'intégration des élèves (SAIDE) au Cégep du Vieux Montréal


Témoignage de Susie Wileman, M.Ed. c.o. du Collège Dawson

Alice Havel has been my colleague and close collaborator since 2007.  We co-coordinated the Student Accessibility Centre together until her retirement last June.  Alice’s contribution to the field of disabilities in post-secondary education is quite impressive.  Alice Havel is a leader in the field of disabilities and inclusive education here in Québec. She has been a tireless contributor to a number of research projects, she has served on the governing boards of organizations committed to advancing the cause of inclusion and in committees both within the College and in the external community.  Throughout her career and her commitment to promoting the principles of Universal Design in education, Alice has consistently shared her vision and beliefs about inclusion in the post-secondary milieu with faculty and management at Dawson College and throughout the post-secondary educational community.  It has been an honour to work alongside Alice and it is a great pleasure to see her being honoured by the AQPC with this prestigious award.

Susie Wileman, M.Ed. c.o.
Counsellor / Coordinator
Student Accessibility Centre


Témoignage de Mme Catherine Fichten, Dr, codirectrice d’Adaptech Research Network

Alice Havel has been a research associate with the Adaptech Research Network for close to a decade, and it is in this context that I have come to know her. She recently retired from Dawson’s Accessibility Centre, but this has not interfered with her work on behalf of Adaptech Research Network. Indeed, she has become more involved with research and with scholarly activities, giving talks and workshops to teachers, administrators, government representatives, and disability service providers. She has a way of making abstract concepts and research findings come alive in usable practical ways. Her focus has been on ways to change educational practices to be more inclusive of all students.

Alice’s main interest is in inclusive education and in promoting the principles of universal design in teaching. On a practical level, she has been interested in inclusive teaching practices that promote student success. She has also been influential in moving Dawson away from the medical model of disability to a social model, where handicap is seen as due to inhospitable social and physical environments rather than to specific impairments. Two major studies on universal design at Dawson are, in large part, a testament to Alice’s inspiration and leadership. Alice’s commitment to research and to promoting universal design has resulted in a variety of practical applications which benefit all students, including those with disabilities.


Dossier préparé par M. Alain Lallier, éditeur en chef, Portail du réseau collégial






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