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Donc Socrate est mortel, un film sur la place de la pensée critique au cégep


Par Élise Prioleau

Alexandre Isabelle, professeur de philosophie au Cégep de Lévis (Crédit: Llamaryon)

Réalisé par le professeur de philosophie Alexandre Isabelle, le court métrage Donc Socrate est mortel propose une réflexion sur les transformations récentes du métier d’enseignant. Le cégep est-il encore le lieu privilégié de la pensée critique ? Est-il encore aujourd’hui un vecteur de transformation sociale ?

En avril dernier, le court métrage d’Alexandre Isabelle a été présenté au festival Aspen Shortsfest au Colorado, un événement important dans le monde du 7e art. Le film raconte l’histoire d’une professeure de philosophie qui se fait questionner par la direction de son cégep à la suite d’une action militante posée contre un projet d’oléoduc. Un scénario qui pose la question du rôle des enseignants dans un monde en crise.

« L’idée du film part de constats sur les changements qui affectent aujourd’hui le métier d’enseignant », explique Alexandre Isabelle. Le réalisateur est inquiet pour la profession d’enseignant. Un métier qui se confronte aujourd’hui aux enjeux pressants du clientélisme en éducation et de la liberté académique. Le court métrage d’Alexandre Isabelle donne corps à ces enjeux actuels. Il invite à ouvrir un dialogue et une réflexion sur la mission fondamentale des cégeps.

« On a tourné une scène avec des vrais étudiants dans la classe. Ça a été un moment magique », comme en a témoigné Alexandre Isabelle. (Crédit : Catherine Kirouac)

Des mutations qui laissent songeur
Le réalisateur et prof de philo Alexandre Isabelle se dit inquiet pour la profession d’enseignant. Un métier auquel il croit et qui lui tient à cœur. « On sent qu’on est moins à l’abri qu’autrefois des influences sociales. Ça peut s’expliquer par l’ère du numérique et la place que prennent les médias sociaux », mentionne le réalisateur.

Dans sa classe, Alexandre Isabelle a observé des changements de comportements chez ses élèves depuis l’arrivée des médias sociaux et des téléphones intelligents. « Autrefois, mes étudiants sortaient de la classe pour se parler pendant les pauses. L’arrivée des cellulaires fait en sorte qu’aujourd’hui, mes étudiants restent assis pour parler avec leurs amis à distance. Les étudiants sont plus sédentaires. Ils vont moins entrer en communication directe avec les autres. C’est fou comment un simple appareil a pu modifier à ce point les comportements. »

La liberté académique, un préalable à l’éducation citoyenne 
« Je vois ce film comme une réactualisation de l’histoire de Socrate. Est-ce que Socrate peut vivre encore dans notre société ? Est-il appelé à être condamné comme il l’a été en son temps ? », questionne le réalisateur. En d’autres mots, l’éducation à la citoyenneté, à la culture générale et à la pensée critique, est-elle encore au cœur de la mission éducative des cégeps ?

Alexandre Isabelle observe une pression exercée sur les enseignants par rapport à ce qu’ils peuvent dire et ne pas dire dans leurs cours, mais aussi à l’extérieur des cours.« Je vois les cégeps qui se livrent une compétition entre eux. Les cégeps sont aujourd’hui des images de marque. Ils sont très frileux de perdre cette image-là. Cette logique-là de compétition met une pression sur les administrations pour intervenir quand les professeurs et professeures vont trop loin à leur goût dans certaines prises de position », explique l’enseignant et réalisateur. « Est-ce que l’institution publique devrait avoir une image de marque telle que dans le privé ? Auquel cas, je pense qu’on se tire dans le pied du point de vue de l’éducation. »

Le cinéma comme prétexte philosophique
Alexandre Isabelle fait des allers-retours entre ses deux passions, l’enseignement et le cinéma. Son métier d’enseignant lui a inspiré son dernier court métrage. En revanche, il utilise le cinéma comme prétexte pour initier la réflexion en classe avec ses étudiants.

En 2007, l’enseignant a mis sur pied Cinéphilo avec un collègue de son département de philosophie, Benoît D’Amours. Cinéphilo est une activité parascolaire de diffusion de films et de discussions autour des œuvres visionnées. Une activité très populaire au Cégep de Lévis. « On se regroupe autour d’une histoire qui nous chavire, qui nous fait vivre des émotions. On part ensuite de nos intuitions pour formuler une question philosophique qui nous rejoint », explique Alexandre Isabelle. « C’est un projet axé sur la recherche de la question authentique qui nous habite. Ça permet d’entamer une réflexion commune autour d’une œuvre. »
Une réflexion riche, qui pourra aussi être menée autour du court métrage d’Alexandre Isabelle, qui se veut aussi un outil pédagogique. « J’ai hâte que le film soit présenté dans les cégeps et que les enseignants s’approprient le film. Je pense que ça va provoquer de belles réflexions », conclut-il. 

Pour en savoir plus sur la diffusion de la première québécoise, rendez-vous sur la page Facebook du court métrage.






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