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Enseigner en génie mécanique par temps de COVID

Un texte de  Marie Lacoursière

   

Entretien monsieur David Laliberté, professeur en Techniques de maintenance industrielle au Cégep de l’Abitibi-Témiscamingue

Comment par temps de pandémie un professeur en Techniques de maintenance industrielle au Cégep de l’Abitibi-Témiscamingue réussit-il à conjuguer enseignement à distance, enseignement en présence et laboratoire, tout en gérant l’équilibre travail-famille? David Laliberté témoigne de son expérience.

Adapter son enseignement aux circonstances
Après douze ans d’expérience en gestion et en ingénierie dans l’industrie, David Laliberté a été engagé comme enseignant l’an dernier au Cégep de l’Abitibi-Témiscamingue. Il a donc connu le grand bouleversement du printemps dernier. L’enseignant amorce sa carrière l’automne dernier auprès d’étudiants de première et de troisième année. « C’est certain que tu arrives au cégep et qu’il y a à la base beaucoup de choses à assimiler. Les plateformes d’apprentissages sont tellement nombreuses et diversifiées que l’adaptation et l’appropriation aux particularités des unes et des autres sont importantes et exigeantes. Le fait de rencontrer les étudiants quotidiennement réduit en quelque sorte le niveau de difficulté. »

Une organisation du travail minutieuse

Cours à distance, utilisation de Moodle pour les travaux, tout cela n’a pas représenté un défi démesuré pour l’enseignant. « De fait, durant la première session, je n’utilisais pas Moodle; ce que j’ai cependant fait dès janvier durant la session d’hiver. Certaines bases étaient déjà établies avec les étudiants et un mode de fonctionnement avait été mis en place facilitant la réorientation requise lors du confinement. Après la mi-mars, j’ai transformé mon cours asynchrone, conçu des capsules et des activités d’accompagnement reliées. Je rencontrais les étudiants une fois semaine en formule ZOOM pour cerner le cheminement et la compréhension des uns et des autres. J’insistais sur l’importance du travail quotidien afin d’assurer un rythme d’apprentissage régulier et conséquent. En moitié de la session d’hiver 2020, j’ai fait de l’asynchrone. Actuellement, je suis toujours en mode direct soit sur ZOOM soit en présentiel.  Les étudiants s’adaptent relativement bien à la situation. »

 

 

Des mesures sanitaires strictes

Au Cégep de l’Abitibi-Témiscamingue, tous les enseignants, les étudiants et le personnel en général doivent remplir quotidiennement un formulaire sur téléphone avant d’entrer au cégep faisant état de leur condition de santé : symptômes, contacts avec une personne symptomatique, présence en dehors du Canada pendant les quatorze derniers jours, etc. Les gens dont la présence au cégep n’est pas requise par leur horaire, des étudiants qui n’ont pas de cours, doivent également remplir un second formulaire similaire afin que l’entrée soit approuvée à l’intérieur du cégep. « Tout le monde se déplace avec un masque, et ce, partout. Le seul moment où le masque peut être retiré demeure la salle de cours où tout le monde s’assoit à plus de deux mètres, comme l’enseignant d’ailleurs. À ce moment-là, le masque peut être retiré. Les étudiants ont reçu des petites bouteilles pour mettre de l’eau et du savon à vaisselle et des lingettes pour nettoyer leur place à l’arrivée et au départ. Chacun est ainsi responsable de son espace personnel. Les étudiants sont extrêmement respectueux des consignes et responsables quant aux exigences établies. »

Soutien exemplaire des collègues du département

« Ce type essentiel de soutien alimentait ma principale crainte dans mes débuts car, lors du processus d’embauche, il fallait préparer vingt minutes de cours sur un sujet imposé et le donner lors de l’entrevue. Ce faisant, ça m’a pris deux heures à préparer vingt minutes et j’ai pensé à la préparation requise pour enseigner quinze heures par semaine… Ma conjointe m’a rassuré : "Ne t’en fais pas, tes collègues vont t’aider… " Effectivement, les collègues ont été extrêmement généreux de leur matériel et de leur temps, je suis vraiment reconnaissant de cette collaboration. »

Soutien pédagogique ou autre technique

À titre de nouvel enseignant, il a aussi pu compter sur le soutien pédagogique du collège. « Au cégep, tous les nouveaux enseignants participent à des ateliers de pédagogie à la première et à la deuxième session, cela fait partie des éléments du processus de probation, ces éléments sont obligatoires. J’avoue que la première fois, c’était durant ma première semaine de cours, je me disais : "C’est la dernière affaire dont j’ai besoin actuellement, je suis déjà surpassé par les évènements, j’en ai plein la tête…" Alors, l’atelier pédagogique, j’y suis allé de reculons… J’ai trouvé le premier atelier très pertinent. Il m’a aidé à aligner mes choses correctement. Par la suite, j’ai adoré. La conseillère pédagogique qui animait la formation faisait également des suivis au niveau des éléments de probation. Elle évaluait nos enseignements et j’ai gardé un lien étroit avec elle. »

Composer avec une deuxième vague ?

L’évocation d’une deuxième vague de confinement préoccupe les enseignants. David semble toutefois serein : « Nous faisons ce qu’il faut pour affronter l’éventualité. Tout un chacun vivra la situation à sa façon. Nous tentons d’avancer rapidement dans la matière, d’aborder les éléments prioritaires et de respecter les échéances. Dans notre technique, la plupart des cours comprennent une heure de théorie pour une heure de laboratoire qui, elle, est difficile à combler à distance. Plusieurs disciplines obligent la présence en milieu. Il faut assurer à ce jour le meilleur apprentissage possible. »

Exposition au virus

Dans le cadre du programme qui le concerne, David Laliberté est quotidiennement exposé à onze personnes. Il a quand même une exposition limitée, sa peur d’être affecté réside dans le fait que sa conjointe travaille dans le milieu hospitalier, donc quotidiennement en contact avec des personnes vulnérables. La crainte familiale est de contracter le virus et de le transférer à l’hôpital. « Mon épouse est exposée et les enfants le sont aussi à l’école. Il faut cependant préciser qu’en Abitibi très peu de cas sont diagnostiqués. Ce n’est pas parce qu’il n’y en a pas beaucoup que ça ne peut pas changer rapidement. Mais la façon dont le Cégep gère actuellement la situation est très sécurisante. Tout un chacun fait ce qu’il faut pour que tout fonctionne. Le directeur général disait en début d’année que le Cégep allait tout faire pour que, s’il y avait des cas, la direction ne soit pas obligée de fermer l’établissement, mais soit en mesure de circonscrire la situation. »

Le grand défi

Le principal défi, ce n’est pas l’enseignement mais la conciliation travail-famille
Ce que David Laliberté trouve difficile demeure la conciliation travail-famille et ce n’est pas parce que le cégep est exigeant à ce niveau. Son garçon inscrit à la maternelle a, la semaine dernière, contracté un rhume, fait de la fièvre et a dû demeurer à la maison la semaine durant. Sa conjointe et lui ont ainsi alterné leur présence à la maison.         « Cette semaine, c’est la grève générale illimitée des garderies en milieu familial où va mon plus jeune, alors que mon plus vieux a dû rester à la maison toute la semaine dernière et nous n’en sommes qu’à la quatrième semaine de la session. Je fais partie des chanceux qui ont beaucoup de cours en présence. Pour les enseignants qui font de l’enseignement à distance – et je m’en rends compte pour la partie à distance que je donne – il est plus difficile de créer à la maison une ambiance de classe. J’ai beau dire aux étudiants "ouvrez vos micros", cinq minutes après, ils se referment. L’interaction est difficile. Nous sommes en type monologue qu’il faut briser avec des activités et des jeux-questionnaires. Le développement de ces éléments demande plus de temps qu’il en faut pour établir une belle ambiance dans une classe en présence, en faisant des blagues.

Est-ce que je suis à bout de souffle ? Je dirais non, mais est-ce que j’ai des défis à relever actuellement, je répondrai un gros oui. »






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