Nouvelles
Enseignement du français : les devoirs du cégep
Environ 15 % des cégépiens échouent à l’épreuve uniforme de français, obligatoire pour obtenir son diplôme. Qu’est-ce qui cloche ? Entre autres le fait que les cégeps évaluent le français, mais ne l’enseignent pas.
Jean-Benoît Nadeau - L'Actualité
Depuis mars 2023, on jase beaucoup de « ça » dans les réunions de professeurs de cégep et dans les bureaux du ministère de l’Enseignement supérieur. Il s’agit du rapport La maîtrise du français au collégial : le temps d’agir, qui brosse un portrait sévère de la maîtrise du français dans les cégeps.
Ses signataires — les linguistes Marie-Claude Boivin, de l’Université de Montréal, Godelieve Debeurme, de l’Université de Sherbrooke, et Lison Chabot, du cégep Beauce-Appalaches — ne font pas dans la dentelle pour expliquer les raisons pour lesquelles le taux de réussite à l’épreuve uniforme de français, essentielle à l’obtention du diplôme collégial, tourne autour de 83 % : mauvais usage des technologies, pédagogie inadéquate, évaluation punitive, etc. Tout le monde en prend pour son grade, y compris le Ministère.
Le rapport, commandé par la ministre Danielle McCann et remis en janvier 2022, est resté « sur les tablettes » jusqu’au départ de celle-ci, neuf mois plus tard. Les choses ont commencé à bouger quand sa successeure, Pascale Déry, l’a lu en décembre 2022, trois mois avant sa publication, en mars 2023. « Les autrices ont mis le doigt sur le problème et il est important d’agir rapidement », dit la ministre en entrevue avec L’actualité.
Le français occupe une place énorme au cégep. La formation générale obligatoire impose trois cours de littérature (101, 102, 103) et un cours de communication (104). La qualité de l’écriture représente au moins 10 % de la note dans toutes les matières. Et la maîtrise de la langue proprement dite compte pour le tiers dans l’épreuve uniforme de français (EUF), une dissertation littéraire à écrire en quatre heures et demie. Si l’étudiant échoue, pas de diplôme, peu importe ses notes dans les autres matières.
Illustration : Sébastien Thibault pour L’actualité
Un instant : les cégeps n’enseignent-ils pas le français ? En fait, non. Le cégep évalue constamment le français de ses élèves, mais il n’enseigne pas la grammaire et la syntaxe.
C’est sans doute l’aspect le plus stupéfiant du rapport Le temps d’agir. Mis à part les cours de renforcement non crédités imposés aux étudiants jugés à risque (en deçà de 75 % de moyenne générale en 5e secondaire) et les centres d’aide en français (CAF) mis à la disposition de tous, il n’y a pas de français dans le programme. Le Ministère exige d’enseigner aux étudiants les techniques pour se réviser et se corriger, mais c’est selon le bon vouloir des professeurs, de manière très inégale en fonction des établissements, et en général très peu en dehors des cours de littérature et de communication. Alors que la maîtrise du français est obligatoire pour l’obtention du diplôme.