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Le privé menace le réseau public collégial
28 août 2020- La concurrence des établissements privés commence à se faire sentir dans le réseau collégial. Les cégeps craignent l'émergence d'un système à deux ou trois vitesses, comme au secondaire, qui mettrait en péril la vitalité de programmes cruciaux pour des cégeps en région.
Article publié par Le Devoir.com - Marco Fortier
Le cégep de Chicoutimi, qui offre en exclusivité depuis un demi-siècle la formation en pilotage, fait désormais face à deux concurrents privés.
Photo: iStock
28 août 2020- La concurrence des établissements privés commence à se faire sentir dans le réseau collégial. Les cégeps craignent l'émergence d'un système à deux ou trois vitesses, comme au secondaire, qui mettrait en péril la vitalité de programmes cruciaux pour des cégeps en région.
« La concurrence du privé s'accentue. Il faut se préoccuper de ne pas se retrouver avec les mêmes problèmes qu'on vit au secondaire, où on a un Québec à plusieurs vitesses », dit Bernard Tremblay, président-directeur général de la Fédération des cégeps, en entrevue au Devoir.
Le cégep de Chicoutimi, qui offre en exclusivité depuis un demi-siècle la formation en pilotage, fait face désormais à deux concurrents privés : le ministère de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur (MEES) vient d'autoriser le collège Mérici de Québec à former les futurs pilotes. Le collège Air Richelieu a obtenu la même autorisation ministérielle l'an dernier.
Le programme en art et technologie des médias du cégep de Jonquière a aussi des concurrents privés. Le collège Bart de Québec et le collège André-Grasset de Montréal ont eu le feu vert pour offrir des formations dans le même domaine.
Au moment où ces lignes étaient écrites, le MEES n'avait pas donné suite à nos questions. Il a toutefois fait valoir dans le passé que les collèges privés ne recevaient aucuns fonds publics pour lancer des programmes concurrents à ceux des cégeps. La formation en pilotage offerte par les écoles privées, par exemple, coûte entre 75 000 $ et 100 000 $ aux étudiants.
Le cégep de Chicoutimi rejette l'argument selon lequel la facture remise aux étudiants par les collèges privés protège le Centre québécois de formation aéronautique (CQFA, l'école de pilotage du cégep).
« La très grande majorité des étudiants du CQFA provient des grands centres du Québec, a réagi dans un communiqué le directeur général du cégep de Chicoutimi, André Gobeil. Il est vrai de dire que ces apprentis pilotes n'ont pas à payer le coût de leurs études, mais ils ont à investir plusieurs dizaines de milliers de dollars pour vivre pendant trois ans au Saguenay, argent qu'ils économisent évidemment s'ils demeurent à Québec ou à Montréal. »
Le feu vert donné aux collèges privés par le ministère de l'Enseignement supérieur « vient une fois de plus affaiblir le concept de programme exclusif de formation. Permettre que des collèges privés situés dans des grands centres viennent directement concurrencer une école nationale fragilise l'enseignement supérieur en région », ajoute le directeur du cégep de Chicoutimi.
L'école de pilotage attend avec impatience des investissements de Québec pour réviser son programme et acquérir de nouveaux équipements. L'établissement public a obtenu l'autorisation d'acheter trois nouveaux simulateurs de vol, mais n'a pas le financement pour construire les locaux.
La Fédération des cégeps craint une répétition au collégial du scénario qui fait du réseau public d'éducation du Québec un des plus inégalitaires au pays : 21,5 % des élèves fréquentent l'école privée, contre 7,8 % dans le reste du pays. Au secondaire, cette proportion atteint 39 % à Montréal et 42 % à Québec, a rappelé le Conseil supérieur de l'éducation dans un rapport en 2016.