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Se regrouper pour économiser et se développer

Entrevue avec Gilles Pouliot, directeur général du Centre collégial des services regroupés (CCSR)

Admis au Barreau en 1971, Gilles Pouliot a fait sa carrière en droit du travail. En 1990, il a été nommé directeur des relations de travail au ministère de l’Éducation. En janvier 2001, il devient directeur général du Centre collégial des services regroupés.

Pourquoi un centre de services regroupés?
Gilles Pouliot nous explique le contexte de la création du Centre collégial des services regroupés : « rappelons-nous que le Centre des services regroupés a été créé en 1997. À l’époque, la situation financière du Québec faisait en sorte que les établissements publics connaissaient des compressions fortes, les budgets étaient serrés. Les collèges s’interrogeaient alors sur le panier de services de la Fédération. Une vingtaine de collèges y participaient, mais tous les collèges devaient payer. La Fédération a procédé à une révision de son panier de services en se centrant sur ses missions : rôle politique, les communications, les finances, les dossiers pédagogiques, la recherche. Pour les autres activités, on a décidé de créer une corporation en parallèle qui elle allait fonctionner sur une base d’utilisateur -payeur. Ainsi les rôles étaient mieux départagés ». 

Les premiers services regroupés
Au départ, les achats regroupés vont constituer le premier chantier compte tenu de ce qui existait déjà à la Fédération. Les services documentaires (RESDOC) vont aussi être transférés. Rapidement s’est ajoutée à la mission la notion du perfectionnement, plus particulièrement l’accueil des nouveaux gestionnaires pour mieux les préparer à assumer leurs nouvelles tâches. Les problèmes rencontrés par les collèges sur le plan de remplacement de cadres pour congés maladie ou congé maternité vont favoriser le développement des services-conseil. Les collèges recherchaient des ressources en mesure de venir appuyer les collèges dans leur déroulement quotidien. Le CCSR a constitué une banque de consultants qui ad hoc allaient dans les établissements sur la base de l’utilisateur-payeur.
À la fin des années 1990, le CCSR a ajouté la mutuelle en santé et sécurité. Les coûts de santé et sécurité sont galopants. Les collèges ont vu l’avantage de se regrouper pour mutualiser les coûts.

Des résultats probants
Cet organisme indépendant de la Fédération des cégeps est géré par une assemblée générale composée des 48 cégeps, plus 12 commissions scolaires et un collège privé. Le Conseil d’administration est composé de 10 représentants de cégeps.
En 2011, au Service d’achats regroupés, le volume d’achats a été de plus de 50 millions de $, alors qu’il y a 5 ans, on était autour de 10M$. Un développement exceptionnel. « Quand l’État a revu autour de 2007-2008 sa législation concernant les appels d’offres pour obliger les commissions scolaires et les cégeps à avoir des approches plus rigoureuses, plus transparentes, les gens ont senti le besoin d’appliquer les règles de façon plus stricte. Ça devenait plus difficile pour un établissement seul d’assumer ces tâches compte tenu de l’expertise nécessaire. Les manufacturiers ont aussi vu un intérêt à faire affaire avec un interlocuteur plutôt qu’avec 48 » explique Gilles Pouliot.

« Faire des achats représente des économies à plusieurs niveaux. “Il a une économie importante au niveau du processus lui-même. Pour l’établissement, c’est moins de temps et de ressources consacrées à faire des appels d’offres. Le fait d’avoir un marché plus grand amène forcément des prix plus bas. Les prix que nous avons sont très compétitifs au point où les commissions scolaires font affaire avec nous. De plus, à la fin de l’année, une fois les revenus inscrits, nous déduisons les charges et le résidu est retourné à la communauté selon le niveau de participation. Cette année nous allons avoir un reliquat aux établissements participants près d’un million de dollars”. 
 
Une première communauté libre au Québec dans le domaine des bibliothèques
Il y a quelques années, les cégeps étaient en partenariat avec l’UQAM et la firme TÉLUS avec le logiciel Manitou pour les services documentaires des bibliothèques. La technologie était vieillissante. Les collèges souhaitaient un système plus à jour. Gilles Pouliot explique le cheminement de ce dossier : “Le CCSR  a procédé au nom des 23 collèges à un appel d’offres pour trouver un nouveau produit plus adapté à la réalité des collèges. Nous avons réussi à inviter pour l’appel d’offres autant les entreprises de logiciels propriétaires que celles des logiciels libres. Le processus a nolisé plusieurs personnes du réseau pendant plus d’une année. En développant le nouveau système KOHA, les collèges sont devenus la première communauté libre au Québec dans le domaine. Avec cet outil de développement d’avenir, nous pouvons entrevoir que des universités pourraient se joindre à nous. Un des avantages : nous sommes maîtres de notre développement. Le système a été implanté en juillet 2011. Un exploit : le CCSR a respecté le budget initial et la date prévue pour son implantation. Un résultat rendu possible grâce au regroupement des forces”.

Le perfectionnement
Pour Gilles Pouliot, le CCSR a performé dans deux types d’activités. Pour les nouveaux cadres, le CCSR a développé une formation sur mesure. Pendant 2 à 3  jours, plusieurs spécialistes sont mis à contribution. En matière financière, des formations pointues permettent d’initier les nouveaux cadres au mode de financement des collèges : FABES.
Avec ce type de formation, le CCSR a bien performé et continue à bien performé. Il y a un autre volet qu’on appelle “les incidents de parcours”. Ex. : la pandémie de grippe H1N1. En quelques mois, le CCSR a mis sur pied une formation qui a rejoint la totalité des collèges.  La crise au Collège Dawson a appelé une demande pour des formations sur la gestion des situations de crise. Gilles Pouliot avoue que l’on a connu moins de succès, “quand on a voulu aller dans des créneaux déjà occupés par d’autres. Exemple : gérer les personnalités difficiles. Par contre, nous développons actuellement des partenariats avec les collèges, avec l’ÉNAP, avec les HEC, avec les universités pour arriver avec des coûts d’inscription plus bas”. Le CCSR a aussi développé une expertise pour accompagner les cégeps à offrir des perfectionnements sur mesure. 

La mutuelle de santé et de sécurité au travail
Même si les cégeps ne sont pas dans la même situation que le monde de la construction, la question de la santé et de la sécurité au travail est une préoccupation importante. La mutuelle permet de partager les coûts. C’est une économie réelle pour les collèges. Le regroupement permet de faire appel à des spécialistes qui appuient les établissements dans la préparation de leur plan de prévention qui est exigé par la loi.

Le ministère et la CSST ont ciblé la formation des étudiants dans les collèges pour la prévention en santé et sécurité. “En formation technique, il est important de former les futurs techniciens à cette dimension. Des visites d’inspection ont révélé des lacunes au niveau de la sécurité. Le CCSR a développé une offre de service pour faire l’état des lieux. On va dans chaque collège faire une photo des machines, voir l’ampleur du problème, lorsqu’il y a des problèmes. Un consortium de collèges fait le diagnostic qui va aider à préparer un plan. Par delà la sécurité des appareils, le CCSR travaille à la préparation d’un programme de formation qui s’adresserait aux employés et aux cadres. La santé-sécurité devrait être une préoccupation de tous, y compris des étudiants, pour qu’à leur arrivée sur le marché du travail, ils soient préparés à cette réalité”.

Adoption d’un plan de développement des affaires pour 2011-2014.
Gilles Pouliot est particulièrement fier de l’adoption récente d’un plan de développement pour 2011-2014 : “Nous avons fait une vaste consultation. La première chose que je note : de manière générale, l’intervention du CCSR est très hautement appréciée. Les gens sont maintenant habitués à nous. Autre élément : il faut continuer à étendre notre intervention. Au départ, nous étions une organisation de cégeps; nous travaillons maintenant avec les collèges privés et les commissions scolaires. La consultation nous a amenés à dire qu’il fallait aller de l’avant. Il faut poursuivre le développement, l’occupation du territoire, aller vers tous les organismes d’éducation. Il faudra peut-être même revoir nos lettres patentes pour déborder le milieu de l’enseignement. D’autres milieux comme les municipalités se montrent intéressés à nos achats regroupés. Autre conclusion de la démarche : il va falloir être encore plus proactifs dans nos développements futurs. Les restrictions budgétaires que l’on observe, c’est un drame pour les commissions scolaires et les cégeps. Mais, ça peut aussi être une occasion de requestionner certaines activités. Sans toucher à la mission, il y a peut-être d’autres activités qui pourraient être regroupées. Il faut considérer les champs où on peut regrouper les services pour préserver la mission première. Préserver la présence des cégeps dans toutes les régions du Québec, ça veut peut-être dire que l’on va devoir mettre en commun des services”.

Une occasion d’énoncer nos valeurs et de clarifier la vision
Le dernier exercice de planification stratégique a été l’occasion préciser les valeurs qui fondent les interventions de CCSR : Rigueur, Transparence, Respect, Équité, Fierté, Engagement. Gilles Pouliot insiste : “Il faut lire aussi notre vision où on parle d’innovation. Il ne faut pas rester dans les sentiers battus. Il faut être imaginatif dans nos façons de voir. Ce qui nous aide de ce point de vue, c’est la composition de l’équipe majoritairement dans la jeune trentaine”. 

Des projets en gestation
Parmi les priorités des prochaines années, le directeur du CCSR retient les activités de veille. “Dans un contexte d’innovation, il faut veiller. Le mot est à la mode, mais il faut l’adapter pour nous. Ça doit être une préoccupation dès cette année. Il faut identifier des responsables”.
L’autre préoccupation : aller dans les commissions scolaires. “Nous avons 12 commissions scolaires membres du CCSR. Dès l’automne, nous allons rencontrer des cadres et des directeurs généraux afin de mieux cibler les attentes que les commissions scolaires pourraient avoir”.
Au niveau du perfectionnement, le CCSR va mettre en place un comité aviseur pour mieux cerner les besoins et assurer une meilleure adéquation.

Gilles Pouliot conclut : “les perspectives financières font en sorte que de plus en plus les préoccupations des établissements devront se tourner vers la mission première des collèges, des commissions scolaires : la réussite scolaire, les jeunes, les étudiants et de faire en sorte que les coûts administratifs diminuent. En tant qu’organisme à but non lucratif, notre objectif, ce n’est pas de faire de l’argent, mais de permettre aux collèges d’atteindre leurs objectifs”.

Entrevue réalisée par Alain Lallier, le 31 août 2011.






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