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Rapport final | Révision du modèle d’allocation des ressources à l’enseignement collégial public - Conforme, réaliste et réalisable

Un texte de Thérèse Lafleur, rédactrice

Le budget du Québec 2019-2020 présenté le 21 mars dernier, ajoute 103 M$ aux crédits budgétaires des cégeps. Une somme qui englobe les 68,2 M$ nécessaires à la mise en œuvre de la révision du modèle de financement des cégeps et ce, dès l’année scolaire 2019-2020, tel que le recommandé dans le rapport final de révision du modèle d’allocation des ressources à l’enseignement collégial public, déposé le 7 décembre 2018.

Le Québec vient de se donner les moyens de mener à bien les recommandations d’un rapport à la fois réaliste et ambitieux pour un nouveau modèle de financement des cégeps.

C’est dans la foulée de son Plan 2017-2022 que le ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur (MEES) a confié le mandat d’actualiser le modèle de financement des cégeps à un comité d’experts connaissant le financement des réseaux publics et/ou parapublics : Hélène P. Tremblay, Louis Lefebvre et Alain Brochier.

Le mandat de ce comité consistait essentiellement à actualiser le contenu des volets F (Fixe), A (Activités pédagogiques), B (fonctionnement des Bâtiments) et S (allocations Spécifiques) du modèle. Il excluait le financement des collèges privés, l’analyse du fonds d’investissement et la rémunération du personnel enseignant. Les conclusions attendues devaient reposer sur une consultation préalable des acteurs du milieu de même que sur de nouvelles études décrivant la structure existante, l’évolution du modèle depuis ses origines, ainsi que le traitement accordé à des établissements comparables situés hors Québec.

Une approche de concertation

La révision du modèle d’allocation des ressources aux collèges d’enseignement général et professionnel s’est donc amorcée en 2017.Le réseau collégial et ses partenaires ont fait connaître leurs idées en vue de permettre au comité de proposer un modèle de financement des cégeps qui réponde mieux aux besoins du réseau et de ses partenaires, tout en respectant les principes d’autonomie, d’équité, de transparence, de stabilité et de simplicité.

L’invitation faite à 70 organisations en octobre 2017 a donné lieu au dépôt de 27 mémoires. Vingt-cinq des 27 porteurs de mémoire ont sollicité une rencontre. Tenues entre le 15 janvier et le 2 février 2018, ces séances de travail ont permis d’apporter des précisions aux mémoires.


Un rapport de mi-parcours

Le rapport d’étape sur la révision du modèle d’allocation des ressources à l’enseignement collégial public a été présenté à mi-parcours. Il comportait entre autres trois études complémentaires : le portrait du modèle en cours, une description de son évolution depuis son implantation de même qu’une analyse comparative des établissements hors Québec dont la mission pouvait s’apparenter à celle des cégeps.

Le rapport final

Hélène P. Tremblay, Louis Lefebvre et Alain Brochier ont remis leur rapport final concernant l’allocation des ressources à l’enseignement collégial le 7 décembre 2018. Le document présenté par ce comité d’experts compte trois chapitres :
1. Un diagnostic, les orientations qui en découlent, les principes directeurs servant à baliser le futur modèle et le cadre financier qui sera utilisé;
2. L’évaluation, pour les volets F, A, B et S, de chacune des annexes ou mesures comprises dans les régimes budgétaires ainsi que des recommandations;
3. Les recommandations et un sommaire analytique de l’ensemble du rapport.

L’évaluation des règles et mesures contenues dans le Régime budgétaire a été faite à partir d’une d’un cadre d’analyse comprenant trois composantes : orientations, principes directeurs, cadre financier.

La définition des orientations

Pour guider l’analyse fine du modèle, le comité s’est basé sur un diagnostic issu d’une consultation auprès des acteurs du réseau, d’experts indépendants et de membres du personnel du Ministère. À la suite de ces avis, le survol de politiques de financement hors Québec et les prospectives tirées de la littérature ont aussi contribué à faire émerger des priorités suffisamment structurantes pour demeurer pertinentes à long terme. 

Quatre priorités se sont dégagées pour concevoir une allocation respectueuse des attentes du milieu. Les trois premières sont d’ailleurs au cœur de la mission même des cégeps :
1. Améliorer la persévérance et la réussite d’une population étudiante de plus en plus diversifiée, exigeant une approche adaptée aux besoins et aux attentes de chacun d’eux;
2. Accorder plus d’importance à la recherche;
3. Accorder plus d’importance aux services aux collectivités;
4. Internationaliser les établissements, dans une perspective transversale, pour appuyer les efforts du gouvernement en vue d’accroitre le rôle du Québec dans le système mondial d’éducation.

Le comité précise qu’il y aura aussi lieu de considérer l’impact budgétaire éventuel des décisions reportées :
• L’évaluation des besoins des écoles nationales, écoles, instituts et autres organismes ou programmes, qui sera effectuée par un comité ad hoc;
• La reconnaissance des futurs statuts du Champlain Regional College;
• La mise à jour de la grille de pondération des cours et programmes en vertu du Apondéré;
• La bonification de l’allocation pour les espaces en location des écoles-ateliers en métiers d’art et des écoles de formation en danse-interprétation.

Les principes directeurs

Pour respecter la culture et les valeurs du système collégial, six valeurs priment dans l’actualisation : l’équité (horizontale et verticale), la simplicité, la transparence, la stabilité (et la prévisibilité), l’autonomie et l’imputabilité. Ajoutons le réalisme afin qu’un rapide consensus s’en dégage et que le nouveau modèle soit mis en œuvre rapidement.

Le cadre financier

L’ampleur du réinvestissement à considérer pour financer le nouveau modèle d’allocation constitue le dernier élément de la grille d’analyse. Sans apriori, la nouvelle mesure de financement est établie en fonction des besoins déterminés, d’une part par le niveau de services de base que tous les cégeps doivent fournir, peu importe leur taille ou leur localisation et, d’autre part, par la couverture des besoins relatifs au fonctionnement des espaces.

Les changements recommandés

Correspondant à autant d’objectifs à poursuivre, les changements structurants que le comité recommande d’apporter concernent les quatre priorités qui ont orienté l’actualisation du modèle.

39,3 M$ 

Pour améliorer la persévérance et la réussite d’une population étudiante de plus en plus diversifiée, exigeant une approche adaptée aux besoins et aux attentes de chacun d’eux.Correspondant à plus de la moitié du réinvestissement demandé via le volet A (bonification des paramètres du Abrut et du Apondéré), ce montant global comprend aussi :
• 2 M$ en vue de mieux soutenir les interventions destinées aux étudiants en situation de handicap;
• 1 M$ pour améliorer les services à rendre aux étudiants détenant une moyenne générale au secondaire faible;
• 2 M$ pour le perfectionnement de tous les personnels afin de favoriser l’adoption des modèles pédagogiques les plus prometteurs et de permettre l’acquisition des compétences requises par un environnement de plus en plus complexe;
• 3,4 M$ dus à la répercussion de la bonification des paramètres sur la formation continue.
 
90 000 $ / cégep 

Pour accorder plus d’importance à la recherche.
• 5,1 M$ supplémentaires seront répartis entre la bonification des programmes PART et PAREA, l’octroi de frais indirects de recherche (FIR) et la relève.

16,23 M$ 

Pour accorder plus d’importance aux services aux collectivités.
  Ce tout  nouveau Fparticulier, est réparti à l’aide de cinq variables :
1. L’étendue du territoire à couvrir;
2. Le niveau relatif des besoins de la population à desservir par chacun des cégeps;
3. Les 90 000 $ annoncés pour soutenir la recherche;
4. Les 90 000 $ alloués à chacun des cégeps pour soutenir leur internationalisation;
5. Une variable « autres » incluant les sommes relatives aux activités de formation continue.

90 000 $ / cégep  

Pour l’internationalisation des établissements, dans une perspective transversale, pour appuyer les efforts du gouvernement en vue d’accroitre le rôle du Québec dans le système mondial d’éducation.
• 150 000 $ additionnels sont destinés à la mobilité internationale des enseignants et des professionnels

La révision du modèle demande aussi :
• Un nouveau mode de calcul pour le Fgénéral, autrement dit pour définir la hauteur des besoins exigés pour que tous les étudiants, peu importe la taille ou la localisation de leur collège, puissent obtenir des services comparables;
• La correction du facteur K en ce qui a trait aux allocations de fonctionnement liées aux bâtiments pour qu’il corresponde à 85 % du total estimé par le Ministère et de bonifier l’en-lieu B réservé aux espaces de la formation continue;
• La diminution d’au moins 12 % du nombre total de règles inscrites dans FABS dont l’annexe A007;
• Le versement du coût total des mesures (63,2 M$) dès 2019-2020 afin de protéger la cohérence interne du modèle;
• La révision du niveau de financement et la mission des organismes pour lesquels l’impact de certaines mesures n’a pu être calculé, estimé ou éventuellement bonifié.

Faire évoluer le statu quo

L’actualisation du modèle d’allocation des ressources à l’enseignement collégial public offre de nets avantages selon les auteurs du rapport final. Dans un premier temps, ce comité affirme que :
Le modèle est plus équitable grâce à la révision du mode de calcul des volets Fgénéral / Fparticuliers, à l’octroi de 180 000 $ à tous les cégeps pour la recherche et l’internationalisation ainsi qu’à la normalisation des paramètres du volet A;
Le modèle est plus simple et comptera une dizaine de règles de moins – les nouvelles mesures étant presque toutes distribuées lors de l’allocation initiale, en début d’année;
Le modèle est plus transparent grâce au regroupement thématique d’annexes et de règles similaires;
Le modèle sera plus stable et prévisible après le réinvestissement demandé, grâce à la méthode de calcul du volet F;
Le modèle offre une plus grande autonomie aux cégeps via l’enveloppe de services aux collectivités et au meilleur financement du volet A, de la formation continue et du volet B;
En matière de collaboration, et compte tenu que de la révision par le Ministère du rôle de tous les organismes de services aux membres du réseau, le comité recommande d’intégrer les priorités présentées dans le rapport dans une perspective de complémentarité. Par ailleurs, le comité a cherché à éviter de mettre les établissements en concurrence les uns envers les autres, notamment en maintenant fermée l’enveloppe régionale en formation continue et en balisant davantage les futures demandes de hausses de devis scolaires;
Le modèle est réaliste et ne suppose aucun bouleversement des modes de gestion et de répartition tout en respectant la culture en place. De plus il peut être implanté dès 2019-2020.

En conclusion, madame Tremblay et messieurs Lefebvre et Brochier, rappellent que leur rapport est à jour car ils ont cherché à intégrer toutes les décisions prises par le gouvernement ou au sein du réseau jusqu’en octobre 2018.

Le comité estime que ses recommandations accordent une place privilégiée à la formation des étudiants à l’enseignement ordinaire et à la formation continue. Elles assurent par ailleurs une couverture plus équilibrée aux deux autres volets de la mission, à savoir la recherche et les services aux collectivités.

Le comité d’experts affirme que « le résultat final est équilibré, respectueux des acquis actuels et plus cohérent que ce n’était le cas en 2018-2019 » (p. 127 du Rapport final). Il recommande en outre de verser la totalité de la somme dès 2019-2020. En effet, comme les mesures sont imbriquées les unes aux autres, le report de certaines d’entre elles menacerait l’équilibre et la cohérence d’ensemble visés malgré l’abolition de différentes annexes.
 

Récapitulatif des montants recommandés*

 

 

 

 

Allocation 2017-2018
(1)

 

 

Allocation 2018-2019
(2)

Allocation
« recommandée »
incluant
le transfert des annexes du « S » au « A »
(3)

 

 

Écart Allocation
« recommandée » vs 2018-2019
(4 – 3+2)

« F »

Fixes

127 833 900 $

143 187 900 $

164 877 331 $

21 689 431 $

« A »

Activités pédagogiques

269 757 600 $

274 424 900 $

355 558 970 $

81 134 070 $

« B »

Bâtiments

145 040 100 $

158 954 300 $

184 255 731 $

25 301 431 $

 

Sous-total « FAB »

542 631 600 $

576 567 100 $

704 692 032 $

128 124 932 $

« S »

Spécifiques

142 600 300 $

172 052 700 $

112 009 630 $

(60 043 070) $

 

Internationalisation

 

 

150 000 $

150 000 $

 

Total

685 231 900 $

748 619 800 $

816 851 662 $

68 231 862 $

*Tableau 22 – Récapitulatif des montants recommandés, page 138 du Rapport final


Défi relevé !

La Fédération des cégeps, dans son communiqué du 21 mars 2019, « applaudit le réinvestissement du gouvernement qui a répondu aux besoins exprimés par le réseau collégial. »

L’Association des cadres des collèges du Québec (ACCQ), dans son communiqué du 6 février 2019, « salue le travail colossal effectué parle comité attitré à la révision du modèle d’allocation des ressources à l’enseignement collégial public ».

La Centrale des syndicats du Québec (CSQ), dans son communiqué du 25 janvier 2019, exprime sa satisfaction de constater qu’ « un rapport d’un comité d’experts mandaté par le ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur confirme aujourd’hui le sous-financement du réseau collégial. »






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