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Réalité virtuelle
Une banque intercollégiale de simulations pour les soins infirmiers
L’enseignant Jonathan Gordon et l’équipe des technologies de l’information du Cégep Édouard-Montpetit ont conçu une vingtaine de simulations virtuelles pour le programme de soins infirmiers. Un projet qui a donné naissance à un échange d’expertise et une banque de simulations partagée entre sept cégeps.
Par Élise Prioleau, rédactrice
Jonathan Gordon, enseignant en soins infirmiers, a commencé en 2021 à tester la réalité virtuelle comme outil pédagogique. Les résultats positifs obtenus en classe l’ont poussé à développer une banque de simulations pour ses étudiants, en collaboration avec la direction des systèmes et technologies de l’information du Cégep Édouard-Montpetit.
« On filme des acteurs bénévoles, qui jouent le rôle soit d’un patient ou d’un autre employé de l’hôpital. C’est une vidéo dans laquelle on présente une situation initiale à l’étudiant. On a mis plusieurs objets interactifs dans la scène. Par exemple, le soluté ou l’appareil à signes vitaux sur lesquels l’étudiant peut cliquer pour les voir de plus près et les analyser », explique Jonathan Gordon.
Après quelques minutes, l’étudiant est mis face à une péripétie, poursuit l’enseignant. « Dans l’une des situations d’apprentissage, un préposé arrive et demande s’il doit lever la patiente pour son repas ou non. L’étudiant-e doit alors donner une réponse. En fonction de la réponse donnée, la scène se poursuit. Si l’étudiant accepte que la patiente se lève, alors il va voir la patiente chuter. »

La réalité virtuelle offre aux étudiant-e-s la possibilité de développer leur jugement clinique à travers une expérience réaliste, où le patient est une vraie personne. « Ça permet d’apprendre à travers une scène interactive et vivante. L’étudiant voit le non verbal du patient et explore en temps réel les conséquences humaines de ses choix », souligne Jonathan Gordon.
L’enseignant considère que cette activité pédagogique lui permet de constater le niveau d’acquisition des compétences chez ses étudiants. « Ça me permet de regarder les interactions entre les étudiants placés en équipe, qui interagissent directement avec la scène virtuelle. Je me promène dans la classe et je peux voir mes étudiants dans l’action, sans qu’ils remarquent ma présence. »
C’est très formateur pour les étudiants de bénéficier d’activités où ils peuvent se permettre d’explorer et de faire des erreurs et d’apprendre de ces erreurs-là. Jonathan Gordon, enseignant en soins infirmiers au Cégep Édouard-Montpetit
Une préparation efficace aux stages
Jonathan Gordon a observé que les simulations en réalité virtuelle donnent confiance aux étudiants, qui sont moins stressés quand vient le temps d’entamer leur premier stage. « Ce qu’ils voient en réalité virtuelle, c’est exactement ce qu’ils vont voir en stage. Par exemple, dans nos simulations en santé mentale, on peut présenter aux étudiants un patient en colère, désorganisé, similaire à ce que les étudiants pourraient rencontrer dans un hôpital. Ce sont des expériences vécues par les étudiants transférables dans la pratique », souligne l’enseignant.
Les simulations offrent aussi aux étudiants un environnement clinique virtuel dans lequel ils peuvent avancer à leur rythme et faire des erreurs. « C’est très formateur pour les étudiants de bénéficier d’activités où ils peuvent se permettre d’explorer et de faire des erreurs et d’apprendre de ces erreurs-là », évoque Jonathan Gordon.
L’enseignant reconnaît par ailleurs que les scénarios virtuels présentés aux étudiant-e-s améliorent la rétention d’information, car c’est un contexte où l’erreur est permise, contrairement aux stages dans lesquels ils sont davantage sous pression.
« Les stages, c’est stressant pour les étudiants, car ils se retrouvent soudainement face à de vrais patients qui souffrent. On sait que plus le stress est élevé, moins c’est porteur sur le plan pédagogique. Les simulations vont leur permettre de se préparer à leur future expérience en milieu hospitalier, dans un environnement sécuritaire. Pour la plupart des étudiants, les simulations diminuent leur stress avant le stage », observe l’enseignant.
Réalisées en dyade, ces activités pédagogiques virtuelles permettent également aux étudiants de développer leur capacité à collaborer, une aptitude incontournable dans le métier d’infirmier. « La première personne porte le casque. Ce qu’elle voit dans le casque est projeté sur un écran. La deuxième personne a un dossier qui ressemble à un dossier de patient avec des renseignements médicaux. Les étudiants doivent donc communiquer pour résoudre la situation », relate Jonathan Gordon.

Uniformiser les apprentissages
La banque de simulations du Cégep Édouard-Montpetit compte près de vingt activités pédagogiques virtuelles. Ces ressources permettent aux enseignants d’uniformiser la formation offerte à leurs étudiant-e-s. Tous les semestres du parcours de soins infirmiers, les étudiant-e-s du Cégep Édouard-Montpetit explorent les mêmes situations cliniques grâce aux simulations.
« En début de parcours, les simulations sont plus simples et elles se complexifient. Au fil du temps, on ajoute différentes contraintes dans les scènes, comme un bruit, un dérangement, une situation inattendue. Des contraintes qui leur permettent de développer notamment leur sens des priorités et leur capacité de concentration », précise Nathalie L’Heureux, conseillère en pédagogie numérique au Cégep Édouard-Montpetit.
Par la suite, les simulations pourront également offrir un complément à la formation pratique reçue en stage. « Les milieux de stage offrent des situations d’apprentissages très variées aux étudiants. Les apprentissages ne sont pas les mêmes pour tout le monde. Les simulations permettent de nous assurer que tous les étudiants du programme auront tous vu les mêmes cas », explique Jonathan Gordon.
En reproduisant des contextes cliniques variés, incluant la chirurgie, la pédiatrie, la gériatrie et la santé mentale, les simulations permettent d’exposer chaque étudiant-e à des situations professionnelles qu’il ou elle n’aurait peut-être pas expérimentées en stage. Si les scénarios cliniques en réalité virtuelle uniformisent les apprentissages des étudiants du Cégep Édouard-Montpetit, le partage des simulations entre les différents cégeps permet également une uniformisation de la formation à travers le réseau collégial.
Le fait de partager des simulations entre les établissements permet un partage d’expertise clinique.
Nathalie L’Heureux, conseillère en pédagogie numérique auCégep Édouard-Montpetit
Un partage d’expertise entre les cégeps
Le projet de simulations en réalité virtuelle du Cégep Édouard-Montpetit a donné lieu à un partenariat qui regroupe à ce jour sept cégeps du réseau. « On a créé un modèle standard de simulation avec la plateforme 3D Vista. Une application qui n’engage pas de coûts récurrents. On a également voulu que ce soit facile à utiliser pour les étudiants. Nous offrons aux cégeps qui souhaitent intégrer le partenariat de leur partager l’entièreté de la banque de simulations créées, en échange de laquelle nous leur demandons de réaliser au moins une simulation de leur côté », explique Jonathan Gordon.
L’équipe du Cégep Édouard-Montpetit souhaite faciliter la création et le partage de scénarios pédagogiques virtuels en soins infirmiers, c’est pourquoi elle offre une aide technique aux cégeps qui en ont besoin, afin de les aider à créer leurs propres simulations. Les cégeps de Trois-Rivières, Joliette, Jonquière et Lévis participent au projet de banque de simulations partagées. Les cégeps de Saint-Hyacinthe et de Saint-Jean-sur-Richelieu, quant à eux, sont en cours de développement d'une ou de plusieurs simulations en vue de participer au projet.
« Le fait de partager des simulations entre les établissements permet un partage d’expertise clinique. Les simulations qui ont été créées jusqu’à maintenant sont complémentaires. D’un cégep à l’autre, en fonction des milieux hospitaliers partenaires, les étudiants sont en contact avec des technologies différentes, des cas différents, des situations différentes », explique Nathalie L’Heureux.
Le partage de simulations donne une occasion unique aux départements de soins infirmiers de partager leurs approches pédagogiques. « Cet échange permet de nous assurer que nos étudiants soient exposés à une variété de situations vécues dans différents milieux hospitaliers à travers la province. En ce sens, ça nous permet en tant qu’enseignant de diversifier nos contenus pédagogiques », conclut Jonathan Gordon.




