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Communautés de pratique
Structurer et animer une communauté apprenante
Par Thérèse Lafleur, rédactrice
Lancé en mai 2025, le guide Mise en place, animation, facilitation et évaluation de communautés de pratique et de communautés d’apprentissage au sein d’un collège se révèle un outil structurant. Il s’inscrit dans la foulée du rapport publié en 2021, par la Fédération des cégeps, pour accompagner le développement de ces communautés.
« Soulignons que les communautés de pratique en lien avec les pratiques à déployer ont été reconnues par des cégeps comme des leviers particulièrement prometteurs de développement professionnel, de mobilisation et d’engagement des professeurs, parce qu’elles facilitent le perfectionnement pédagogique, la coconstruction de savoirs d’expérience et la collaboration entre collègues qui se soutiennent mutuellement. »
Fédération des cégeps, La réussite au cégep : regards rétrospectifs et prospectifs, 2021, p. 131.
Le rapport de 2021 de la Fédération, mené par Carole Lavoie, recommande de soutenir le développement de communautés apprenantes dans les collèges. Pourquoi explique madame Prud’homme : « Parce qu’entre collègues, particulièrement chez le personnel enseignant, les conseils et les idées des pairs prennent une valeur particulière. Les défis sont grands et le milieu professionnel est en constante évolution. Les besoins de la population étudiante changent. Nous n’avons pas le choix de mettre nos cerveaux ensemble, nos savoirs expérientiels, pour essayer de résoudre les problèmes. »

L’étape suivante s’est imposée, soit la production d’un guide outillant les collèges.
Les conditions gagnantes
« Les recommandations contenues dans le guide tiennent compte de la structure et du calendrier scolaire des collèges. L’objectif étant de favoriser un déploiement optimal de ces communautés. » poursuit madame Prud’homme. « Parce que cela prend des ressources. Nous voulons que cela fonctionne et, parfois, mieux vaut attendre le bon moment si les conditions de succès n’y sont pas. Il ne faut surtout pas décourager les équipes. Cela demande aussi une vision de la part de la direction. »
Madame Prud’homme souligne la réflexion ayant inspiré le guide : « Nous trouvions vraiment important de consulter en mettant l’accent sur la diversité. Une consultante en développement organisationnel, Maïna Albert, a agi comme chargée de projet. Nous avons travaillé avec des collègues de la Fédération des cégeps,des membres du Carrefour de la réussite au collégial, des membres du Réseau des répondantes et répondants TIC (Réseau REPTIC), une direction des études et des partenaires qui animent des communautés. Nous voulions que le guide soit cohérent avec la vision des gens du terrain et de différents niveaux d’intervention. »
Sommairement, le guide comporte six sections. Il propose des étapes pour démarrer une communauté ou pour la rendre plus fonctionnelle. De plus, une attention particulière est accordée à la distinction entre les rôles d’animation et de facilitation. « Quand nous faisons face à des questions complexes, nous avons besoind’une personne en mesure d’aller au-delà de l’animation. Quelqu’unqui peut faciliter les échanges, faire émerger les idées et tolérer la divergence créative. Une personne qui, après cela, est capable de ramener le groupe vers la convergence et de guider la prise de décisions selon les visées du groupe. »
Donc, la réussite de telles communautés repose sur :
- l’alignement des objectifs du groupe sur les besoins, parce que les besoins sont nombreux ;
- une orientation claire, pour que les personnes qui embarquent comprennent bien ce qui est du ressort de la communauté apprenante ;
- le soutien de la direction, parce que la libération de temps est un facteur important de succès ;
- la fluidité de la communication, à plusieurs niveaux : dans le groupe, avec la direction, avec les départements pour faire rayonner ce qui a été appris dans le groupe dans l’ensemble du cégep.
Somme toute, le guide est un outil pratique et adaptable au contexte de chaque collège.
L’expérience terrain
C’est Isabelle Desbiens, conseillère pédagogique à la réussite, qui témoigne de l’expérience vécue au Cégep de St-Félicien. Une expérience qui, selon elle, a apporté une cohérence dans son organisation.
« Nous sommes partis d’un nouveau projet: l’instauration d’une communauté de pratique pour les enseignants pivots qui soutiennent l’intégration des étudiants. La première année, il fallait définir les rôles lors des rencontres. La deuxième année, nous avons formé officiellement la communauté de pratique. Comme je voulais faire les choses dans les règles de l’art, j’ai cherché si des balises existaient déjà. » Le guide, alors en élaboration à la Fédération, lui a été proposé. Ainsi, madame Desbiens a pu commenter la version préliminaire pour l’améliorer. Ce processus lui a aussi permis de structurer la mise en œuvre de sa propre communauté.
« Nous avons suivi le guide afin de nous doter d’une structure appuyée sur les meilleures pratiques pour son élaboration. Comme il s’agissait de notre première communauté, mais assurément pas de notre dernière, une certaine cohérence nous semblait essentielle. D’abord, nous avons élaboré notre charte de fonctionnement, ce qui fait une grande différence pour le déroulement des rencontres. »
Lors de l’élaboration de la charte, les membres ont précisé ce qui demeurerait confidentiel et ce qui pouvait être partagé. Ils ont convenu de leur objectif commun, de leurs valeurs, de leur mode de fonctionnement, de leurs attentes envers eux-mêmes et envers leurs collègues. Les attentes envers les personnes qui allaient agir comme facilitatrice dans cette communauté ont été clarifiées. C’est la communauté qui décide des sujets qui seront discutés à la rencontre suivante. La communauté a été définie par et pour les membres, c’est leur communauté.
« Nous sommes deux à jouer le rôle de facilitatrice des rencontres, ma collègue Anne Kafka et moi. Au départ, de l’adaptation est nécessaire pour passer du rôle d’animatrice d’un groupe à celui de facilitatrice. Même si les idées ne manquaient pas concernant les sujets qui pourraient alimenter la communauté, nous avons appris à nous centrer sur l’essentiel : les besoins des enseignants. Lors des rencontres, nous demandons aux membres, en fonction du sujet choisi, si elles souhaitent échanger entre elles ou inviter une ou des ressources de notre organisation. Le climat de confiance est fort dans ce groupe.»

Mais le temps est compté car les rencontres se tiennent pendant l’heure du dîner, une fois par mois. « Il faut être des ninjas du temps et utiliser judicieusement toutes les minutes. Nous clarifions les questions ou les besoins des membres et établissons des modalités pour optimiser l’apprentissage. Lorsqu’il y a des invités, nous précisons le besoin exprimé auprès de ces personnes au préalable afin qu’elles puissent bien répondre aux attentes. Nous informons aussi les invités du fonctionnement et des normes de confidentialité de la communauté. »
À chaque début d’année, la communauté revoit la charte pour s’assurer qu’elle corresponde encore à la communauté que les enseignants pivots veulent constituer. Cette communauté se déploie avec le soutien de la direction. « En respectant les règles de confidentialité convenues, nous demeurons en dialogue constant avec les membres de la Direction des études. Ils ont besoin des informations pertinentes pour prendre les décisions nécessaires pour optimiser ce projet des enseignants pivots selon les objectifs institutionnels. Dans les deux dernières années, nous avons réalisé un bilan des apprentissages et du fonctionnement de notre communauté. Nous sommes maintenant rendus à évaluer l’impact du projet. En effet, il faut que la communauté vive un peu et puisse se rajuster avant de faire l’objet d’une évaluation de ses impacts. Cette évaluation nous permettra de nous assurer que nous sommes bien alignés sur les besoins des étudiants qui vivent une intégration au collégial. »
Des organisations apprenantes
Nombre de publications expliquent comment créer une communauté de pratique ou d’apprentissage. Mais avant ce guide, aucune n’a été consacrée à ce qui peut se faire au sein d’un collège. Le guide Mise en place, animation, facilitation et évaluation de communautés d’apprentissage et decommunautés de pratique au sein d’un collège constitue un réel un mode d’emploi.
Il révèle les ingrédients clés ainsi que les différentes étapes pour l’essor de communautés d’apprentissage ou de pratique dans les collèges. De plus, il offre un référentiel commun permettant de partager les pratiques à l’échelle du réseau.
C’est une démarche de développement de l’intelligence collective au bénéfice de la réussite parce que les cégeps se veulent des organisations apprenantes.



