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La trahison de l’école publique

Christophe Allaire Sévigny a reçu cette semaine le prix Pierre-Vadeboncœur remis par la CSN pour son premier essai, Séparés mais égaux – Enquête sur la ségrégation scolaire au Québec.

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Chantal Guy La Presse

« J’ai écrit ce livre parce que je voulais engager une discussion et un examen de conscience sur notre rapport à l’éducation et l’école québécoise », explique l’auteur, aussi professeur de sociologie au cégep de Sherbrooke. « Recevoir ce prix-là, c’est comme si ça venait valider la démarche. C’est une reconnaissance de l’importance de l’enjeu. »

Quand on n’a pas d’enfant, comme moi, on n’a pas vraiment vu de l’intérieur l’évolution ou la régression de notre système d’éducation. Ce qui ne m’empêche pas de me sentir très concernée par cet aspect fondamental de notre société. J’ai donc été fâchée tout le long de ma lecture de cet essai où j’ai découvert un système d’éducation devenu un champ de bataille, où l’obsession de la performance (et des foutus palmarès) fait grimper l’anxiété chez les enfants dès le primaire, en plus d’être injuste envers les moins privilégiés. Une véritable trahison des idéaux de l’éducation publique voulue par le rapport Parent, ce que confirme l’un de ses architectes, Guy Rocher, que Sévigny a pu interroger avant sa mort. « On revient à une société qui accepte les inégalités, comme c’était le cas en 1950, affirme-t-il dans le livre. Une société qui accepte qu’une partie de la population moins favorisée, qu’elle soit “de souche” ou immigrante, n’ait pas les mêmes chances. »

Séparés mais égaux commence par une scène aberrante : des élèves du programme dit régulier regardent ceux du programme sport-études s’amuser dans des installations d’hébertisme auxquelles ils n’ont pas droit. Deux catégories d’élèves dans une même école, donc. « Les élèves en sports-études et les autres, qui sont “en rien”, résume l’essayiste. Aux premiers, l’école offre des infrastructures sportives, des horaires souples, des trophées, des tournois, des fêtes ; aux seconds, des classes, des toilettes et une tape dans le dos une fois de temps en temps. »

Ce que l’auteur illustre ainsi est la séparation des élèves selon leurs parcours scolaires au secondaire, dans un système où « 60 % des élèves fréquentent l’école publique ordinaire, 21 % l’école privée et 19 % les programmes pédagogiques particuliers (PPP) de l’école publique ». Cette fameuse « école à trois vitesses », expression que Christophe n’aime pas utiliser, lui préférant le terme ségrégation. Car c’est bien de cela qu’il s’agit, puisque les élèves du « régulier » et les élèves des PPP peuvent faire tout leur secondaire sans jamais se fréquenter.

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Extrait

« L’étiquette “élève du régulier” n’est pas neutre. Elle vous colle à la peau comme un stigmate, dirait le sociologue Ervin Goffman. Être un “régulier”, c’est avoir une identité sociale négative dans l’école. C’est être un ou une élève “ordinaire”, au contraire des autres qui, eux, ont le sentiment d’être extraordinaires. Être “en rien” est un verdict que la société pose sur vous. C’est aussi l’aperçu d’un destin. »

Qui est Christophe Allaire Sévigny ?

  • Christophe Allaire Sévigny est sociologue et professeur au cégep de Sherbrooke.
  • Il est le créateur du balado Distances sociales.
  • Séparés mais égaux est son premier livre, qui vient de recevoir le prix de l’essai Pierre-Vadeboncœur.

Séparés mais égaux

Séparés mais égaux

Christophe Allaire Sévigny

Lux

178 pag

14 décembre 2025