Nouvelles

L’électrochoc de l’IA

Une véritable révolution

Dave Anctil, professeur de philosophie au collège Jean-de-Brébeuf et chercheur affilié à l’Observatoire international sur les impacts de l’intelligence artificielle et du numérique

« En éducation, l’arrivée de l’IA sera aussi déstabilisante que l’arrivée de l’internet dans les domiciles. »

Dave Anctil sait de quoi il parle. Ce professeur de philosophie au collège Jean-de-Brébeuf est chercheur affilié à l’Observatoire international sur les impacts de l’intelligence artificielle et du numérique. Pour lui, il est évident que l’IA va complètement changer la donne en éducation.

« Une quantité hallucinante de nouveaux outils vont être disponibles, qui vont permettre de rendre la matière vivante, d’étudier d’une autre façon, explique-t-il. C’est carrément une révolution, et ça fait longtemps que je la vois venir. »

Un exemple ? Un étudiant pourrait utiliser un agent conversationnel pour « jaser avec Socrate », afin de réviser la matière pour un examen. « Ça va rassurer les étudiants : ils vont pouvoir poser leurs questions, qu’ils n’oseraient peut-être pas poser en classe parce qu’ils ont peur d’avoir l’air ridicules. Ça va les stimuler. »

Les jeunes vont également pouvoir avoir accès à des concepts et à de la matière beaucoup plus avancés que leur niveau scolaire grâce à la capacité de vulgarisation de l’IA.

Un robot comme ChatGPT vulgarise l’information technique ou médicale qu’autrement, nous ne pourrions jamais comprendre. Ils sont vraiment bons pour vulgariser, pour nous aider à comprendre. Mais au bout du compte, le prof doit garder les buts. Le robot a-t-il fait une erreur ? Est-ce que c’est de la bullshit ?

Dave Anctil, professeur de philosophie au collège Jean-de-Brébeuf et chercheur affilié à l’Observatoire international sur les impacts de l’intelligence artificielle et du numérique

Car oui, les robots conversationnels déclament parfois des foutaises. Les élèves devront donc rester alertes avant d’utiliser ces informations. « Il faut qu’on forme les étudiants à la techno à l’école, il faut développer la pensée computationnelle, la pensée critique face à ça. Il va falloir apprendre à être critique, à contre-vérifier », souligne Patrick Giroux, professeur de technologies éducatives à l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC).

Les robots ont aussi des biais : ChatGPT, par exemple, est plutôt eurocentriste, souligne M. Giroux. « D’un point de vue africain, par exemple, il manque tout un volet de l’histoire. » Les élèves devront apprendre à repérer ces biais et à les contourner.

On devra aussi former les jeunes à interagir avec les machines : plus que jamais, l’art de la question posée sera crucial pour obtenir une bonne réponse. « C’est tout l’art de la ligne de commande. »

Tout récemment, Open AI a sorti la version 4 de ChatGPT, aux possibilités encore plus grandes. D’autres géants du numérique ont également présenté leur propre robot conversationnel : Bard pour Google et Bing pour Microsoft.

Des têtes bien faites plutôt que bien pleines

Le changement en éducation sera profond, prévoit aussi M. Giroux. « L’école aurait dû réaliser que le savoir déclaratif – en quelle année la Constitution a été signée, en quelle année Jacques Cartier a découvert le Canada –, on ne devrait plus évaluer ça depuis l’apparition de Google. Si c’est googlable, ça ne devrait pas être dans l’examen. Ces informations sont dans toutes les poches et on peut les trouver en 30 secondes. »

Avant, valoriser la connaissance, ça avait du sens. En 2023, plus autant. Plus que jamais, on veut des têtes bien faites plutôt que des têtes bien pleines. Il faut favoriser les tâches complexes. Analyser, créer, comparer… Ça n’a jamais été si important qu’aujourd’hui !

Patrick Giroux, professeur de technologies éducatives à l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC)

Lire la suite

Source: La Presse.ca