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Les cégeps demandent une réflexion nationale sur l'enseignement supérieur

Article publié par La Presse - Kathleen Lévesque


Des étudiants entament leur année scolaire au Collège Rosemont.
Photo Patrick Sanfaon, La Presse

25 août 2018 - Les jeunes hommes québécois francophones dont les parents n'ont pas de diplôme postsecondaire en arrachent. Malgré la démocratisation de l'enseignement supérieur à travers tout le Québec, aucun gain en matière de scolarisation n'a été fait depuis 50 ans auprès de cette clientèle.

Pour le PDG de la Fédération des cégeps, Bernard Tremblay, il s'agit d'un drame auquel les partis politiques doivent chercher à remédier. « Il faut qu'on s'en occupe, de ces jeunes garçons-là ! », a-t-il plaidé hier en entrevue éditoriale avec La Presse, en renvoyant à une étude menée par des chercheurs de l'Université du Québec.

« Et le plus grand drame, c'est qu'on n'en parle pas. On tient pour acquis que tout est réglé, qu'on a fait la Révolution tranquille et qu'il n'y a plus de problème. [...] Les jeunes garçons québécois francophones de souche ne sont pas plus diplômés aujourd'hui qu'il y a 50 ans. »
- Bernard Tremblay, PDG de la Fédération des cégeps

 

 Ce dernier souligne toutefois que le taux de scolarisation de la population s'est amélioré en général, tout comme la diplomation. La situation s'explique grâce notamment aux femmes qui ont pris le chemin de l'école depuis les années 60. Les anglophones et les allophones, chez qui il y a une plus grande valorisation de l'instruction, dit M. Tremblay, ont également contribué à faire augmenter la diplomation au Québec. Il subsiste « peut-être encore un préjugé négatif face à l'enseignement supérieur » chez les francophones, estime Bernard Tremblay.

ACCÈS AUX ÉTUDES SUPÉRIEURES
Selon des données tirées de l'Enquête auprès des jeunes en transition (2011) de Statistique Canada, il existe une disparité d'accès au collège et à l'université au Québec selon l'appartenance socioculturelle. Les jeunes dont les parents n'ont pas fait d'études postsecondaires, ceux provenant d'un milieu rural ou d'une famille monoparentale ou encore les autochtones sont moins susceptibles de faire des études au niveau universitaire.

Dès le secondaire, on constate un écart de réussite entre les garçons et les filles dans les écoles publiques (57 % contre 71 %, selon les données compilées en 2017 par Statistique Canada). Il y a également plus de filles qui s'inscrivent au cégep, et à la fin des études collégiales, la même situation se produit, soit que le taux de réussite est plus important chez les filles, explique Bernard Tremblay. « On perd des garçons tout le long du parcours. Ce qui est alarmant, c'est de constater que c'est un phénomène québécois. »

Du coup, la Fédération des cégeps souhaite que le prochain gouvernement du Québec entame une réflexion nationale sur le thème de l'enseignement supérieur. L'exercice, qui n'est pas un appel à tenir des états généraux ni à lancer une deuxième Révolution tranquille, précise M. Tremblay, devrait mener à une stratégie commune et un plan d'action. Ce qui implique un investissement d'une ampleur qui n'est pas précisée.
Si l'accessibilité géographique est atteinte avec les 48 cégeps et 100 points de services à travers le Québec, il faut maintenant s'attaquer à l'« aspiration scolaire » des jeunes, veiller à leur offrir un environnement qui soit motivant. « Il y a un plafond de verre face auquel il faut réagir », croit-il.

IMPACT SUR LE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE
Selon la Fédération des cégeps, l'enjeu de la scolarisation est intimement lié au développement économique.

« L'économie du Québec se transforme, les besoins de main-d'oeuvre sont énormes et nos politiciens ne se sentent pas obligés d'investir en éducation alors qu'on a un problème de qualification. »
- Bernard Tremblay, PDG de la Fédération des cégeps

 

En début de semaine, la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) rendait public son Bilan économique du Grand Montréal 2017. On y notait notamment que la sous-scolarisation historique du Québec affecte la croissance de la productivité.
Alors qu'il est de plus en plus question de développer une économie du savoir, les régions de Montréal et de Québec continuent d'avoir un taux de grades universitaires inférieur à la moyenne des métropoles américaines. Le rattrapage scolaire a stagné de 2012 à 2016. Dans la grande région de Montréal, 44 % de la population de 25 à 34 ans est titulaire d'un diplôme universitaire, contre 51 % dans la région de Toronto.
L'hiver dernier, la Fédération des cégeps a exposé ses attentes aux représentants des principaux partis politiques. Bernard Tremblay demande maintenant une rencontre avec chacun des chefs politiques.