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Logement étudiant
Vers une stratégie nationale ?
La crise du logement fait partie des grands thèmes de la campagne électorale. Cet automne, la pénurie a si fortement touché les étudiants que certains ont dû être logés dans des centres de personnes âgées ou encore des familles d’accueil. Quelles sont les solutions durables à la crise du logement étudiant ?
Par Élise Prioleau, Portail du réseau collégial
La flambée des prix du logement risque de restreindre l’accès aux études supérieures. Rappelons qu’au Québec plus de la moitié des étudiants doivent quitter leur région pour poursuivre des études supérieures. En 2019, un tiers des étudiants québécois étaient locataires. Parmi eux, moins de 5% pouvaient compter sur une place en résidence étudiante, tandis que plus de 25% étaient logés au privé, selon une enquête de l’Unité de travail pour l’implantation de logement étudiant (UTILE).
D’ici 2030, on attend une hausse de 25 000 à 30 000 étudiants dans le réseau collégial. Une augmentation de l’effectif qui devrait toucher principalement les cégeps montréalais, mais qui se fera aussi sentir dans les différentes régions du Québec qui comptent attirer davantage d’étudiants.
Dans ce contexte, la crise actuelle du logement risque de pénaliser plus lourdement les étudiants dans les années à venir, ainsi que les cégeps qui souhaitent les recruter. Pour faire face à la pénurie, de nombreux intervenants du réseau collégial en appellent à la construction de logement sabordables dédiés aux étudiants.
''C’est pour le futur qu’il faut agir dès maintenant, car on souhaite attirer beaucoup plus d’étudiants dans les régions du Québec.'' (Marie-Claude Deschênes)
Rénover et construire des résidences étudiantes en région
En région, plusieurs résidences étudiantes de cégeps sont devenues vétustes. Les établissements n’ont pas toujours l’argent nécessaire pour les rénover ou en construire de nouvelles.
« La plupart de nos cégeps affiliés ont fait une demande d’investissement dans les résidences étudiantes auprès du ministère de l’Enseignement supérieur. Certains souhaitent agrandir ou rénover leurs résidences et d’autres n’en ont pas et souhaitent en construire une », explique Marie-Claude Deschênes, directrice générale du Cégep de La Pocatière et présidente du Regroupement des cégeps de régions.
La porte-parole insiste sur le fait que la situation n’est pas nouvelle et que des solutions sont présentement analysées pour augmenter la capacité d’accueil en région. « Je ne m’inquiète pas pour la rentrée 2022. Tous nos étudiants seront logés cet automne. C’est pour le futur qu’il faut agir dès maintenant, car on souhaite attirer beaucoup plus d’étudiants dans les régions du Québec.Toute l’annéeil y a eu des rencontres entre les cégeps, les CISSS, les centres de services scolaires et les partenaires privés pour trouver des solutions», relate Marie-Claude Deschênes.
Au Cégep de la Gaspésie et des Îles, le manque de logement est devenu un frein au développement des programmes de mobilité interrégionale et internationale. Pour aider ses étudiants à se loger, le cégep a signé une entente sur trois ans avec l’entreprise Bleu Mer hôtel et résidences, qui s’est engagée à réserver des chambres aux étudiants du cégep dans ses résidences en location.
« Ce sont des résidences abordables, situées à proximité du cégep et dans lesquelles on retrouve des espaces communs. C’est une entente qui nous permet d’offrir à nos étudiants un milieu adapté à leurs besoins », explique Geneviève Bibeau, directrice du campus de Carleton-sur-Mer.
Le Cégep de la Gaspésie et des Îles a entamé des démarches auprès du ministère de l’Enseignement supérieur en vue d’obtenir des fonds, notamment pourconstruire une résidence étudiante à Carleton-sur-Mer.
Pour sortir de la crise actuelle, il faudra construire 15 000 chambres de logements étudiants abordables dans les 10 prochaines années.
Des logements étudiants en économie sociale
L’Unité de travail pour l’implantation de logement étudiant (UTILE) propose une solution alternative : la construction de logements étudiants en économie sociale. « L’objectif est de faire des logements aussi abordables que possible.
« Notre modèle financier alternatif permet de construire des logements dédiés aux étudiants qui ne dépendent pas entièrement des fonds publics et qui viennent répondre à une demande différente de résidences, c’est-à-dire celle des étudiants qui n’arrivent pas à se loger sur le marché locatif privé », explique Laurent Levesque, directeur général et cofondateur de l’UTILE. « Dans le futur, on s’engage à augmenter le moins possible le prix de nos loyers, étant donné qu’on est dans une logique non spéculative », précise-t-il.
L’organisme à but non lucratif a réalisé deux projets résidentiels à Montréal totalisant 207 logements. L’UTILE travaille sur quatre autres projets qui totalisent 1500 logements à Québec, Trois-Rivières, Sherbrooke et Montréal. « L’avantage de notre modèle, c’est que nous agissons avec plusieurs partenaires, ce qui nous permet de réaliser des projets dans des délais beaucoup plus courts », soutient Laurent Levesque.
Les partenaires de l’UTILE sont principalement le Fonds de solidarité FTQ, des établissements d’enseignement, les gouvernements fédéral et provincial ainsi que des municipalités.
Laurent Levesque estime que pour sortir de la crise actuelle, il faudra construire 15 000 chambres abordables pour les étudiants dans les 10 prochaines années. Pour y parvenir, l’UTILE en appelle à la création d’enveloppes budgétaires réservées au logement étudiant au ministère des Affaires municipales et de l’Habitation ainsi qu’au ministère de l’Enseignement supérieur.
Un début de mobilisation à Québec et Ottawa
Dans les dernières années, les gouvernements provincial et fédéral ont financé ponctuellement la réalisation de logements étudiants, notamment par le truchement de l’OBNL UTILE. Le fédéral a offert un financement de 31 millions de dollars aubprojet Ardoise près de l’Université Laval, où l’on construit en ce moment 204 logements étudiants. Le gouvernement provincial a également contribué au projet à hauteur de 4,6 millions de dollars, dans le cadre de son Programme d’habitation abordable Québec (PHAQ) lancé en février dernier.
Bien qu’il n’existe toujours pas d’enveloppe budgétaire réservée au logement étudiant, le ministère des Affaires municipales et de l’Habitation affirme que des solutions sont à l’étude afin d’encourager la réalisation de logements étudiants.
De son côté, le ministère de l’Enseignement supérieur dit avoir instauré deux nouvelles annexes budgétaires pour la construction et la rénovation de résidences étudiantes en région. Quatre projets de réfection de résidences auront lieu dans les cégeps de l’Abitibi-Témiscamingue, de Baie-Comeau, de la Gaspésie et des Îles et de Thetford. Des plans et devis ont également été financés en vue de la construction de quatre nouvelles résidences dans les cégeps de la Gaspésie et des Îles, de l’Abitibi-Témiscamingue, de La Pocatière et d’Alma. Ces projets de réfection et de construction devraient totaliser 19 millions de dollars, selon le ministère.
Exemption de taxes pour les logements étudiants
Pour sa part, la Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ) en appelle à une modification de la Loi sur la fiscalité municipale. « Tous les logements étudiants devraient être exemptés de taxes foncières », propose Maya Labrosse, présidente de la FECQ. Une exemption de taxes, qui selon la FECQ pourrait non seulement s'appliquer aux résidences étudiantes, mais également s’appliquer aux logements étudiants en OBNL, ce qui permettrait de réduire le coût du loyer dans ces résidences.
« Les établissements, les étudiants et les gouvernements devront se mobiliser dans les prochaines années pour avancer dans la même direction et assurer un logement abordable aux étudiants. Un logement qui ne sera pas soumis aux augmentations du marché locatif privé. C’est l’accessibilité aux études qui en dépend », prévient Maya Labrosse.