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Cégep du Vieux Montréal et UQAM
Faire du Quartier latin un « quartier apprenant »
Le 12 février 2025, le Cégep du Vieux Montréal (CVM) et l’Université du Québec à Montréal (UQAM) scellaient un partenariat déjà bien établi. En formalisant leur entente, les deux institutions s’engagent à œuvrer conjointement à la revitalisation du Quartier latin de Montréal. Une mobilisation qui interpelle les ressources du secteur dans une perspective d’apprentissage, de culture et d’inclusion. Ensemble, ces deux établissements d'enseignement supérieur entendent redynamiser le Quartier latin pour en faire un quartier apprenant, en cohérence avec les villes apprenantes de l’UNESCO.
Par Thérèse Lafleur, rédactrice

Le projet de relance du Quartier latin mené par l’UQAM a servi de levier pour officialiser les liens étroits existant entre les deux institutions. La directrice générale du CVM, Mylène Boisclair, en témoigne : « Nous partageons déjà beaucoup, dont nos missions d’enseignement. La formation citoyenne, les valeurs d’accessibilité et de diversité sont au cœur même de la création de l’UQAM et du CVM. Nos établissements sont ancrés dans un milieu qui a été malmené depuis quelques années. Nous voulons redonner son rayonnement au Quartier latin. »
L’UQAM a confié le vice-rectorat associé à la Relance du Quartier latin à Priscilla Ananian. Son mandat l’amène à concerter tous les acteurs du quartier afin de coconstruire un projet centré sur l’humain. Pour cette professeure-chercheure en Études urbaines et urbanisme, les institutions sont de véritables leviers de transformation et parties prenantes du développement urbain.

« D’où le rapprochement avec le CVM, l’Institut de tourisme et d’hôtellerie du Québec (ITHQ) et l’Institut national de recherche scientifique (INRS). Ces institutions cohabitent dans le quartier. Des collaborations pédagogiques, académiques ou de recherche existent. Mais elles ne sont pas nécessairement dans la visée d’une relance du quartier qui est notre milieu de vie commun. Pourtant,nos étudiants.es et notre personnel partagent ce quartier. Nous avons tout intérêt à travailler ensemble sur les retombées que nos actions peuvent avoir dans le quartier. » affirme madame Ananian.
Le CVM compte plus de 6 000 étudiants.es et plus de 1 700 employés. L’UQAM rassemble plus de 35 000 étudiants.es et plus de 5 000 employés.es. S’ajoutent nombre de personnes de l’INRS, de l’ITHQ, de l’Institut national de l’image et du son (INIS) et celles en médecine à l’Université de Montréal (UDM). Une masse critique de poids quand il s’agit de faire vivre un quartier.

Madame Ananian souligne que « Dans un kilomètre carré, nous dénombrons 15 institutions et 20 organismes communautaires. Une concentration incroyable de ressources.Mon travail c’est de rallier tous ces gens dont les intérêts sont très différents. Nous, nous sommes dans l’éducation. Comment pouvons-nous travailler sur les enjeux d’itinérance etd’inclusions, par exemple avec le Centre de recherche pour l’inclusion des personnes en situation de handicap (CCTT-CRISPESH) au CVM ? »
Des projets en devenir
« Le CVM et l’UQAM ont déjà convenu de passerelles comme les DEC-BAC. » mentionne madame Boisclair. « Mais de nouveaux domaines de collaboration sont envisagés, comme le partage d’infrastructure, la recherche-action ou des partenariats pédagogiques. »
Selon madame Boisclair « Il y a dans le Quartier latin quelque chose qui mijote depuis plusieurs années. La pandémie, et ses effets sur le quartier se sont avérés difficiles. Le Quartier latin connaissait un certain déclin économique et il y avait un repositionnement à faire. L’initiative de l’UQAM pour relancer le Quartier latin rassemble des énergies déjà présentes pour en faire un quartier apprenant. Un quartier qui valorise le français, tout en faisant beaucoup de place aux étudiants.es et aux résidents.es. »
Madame Ananian abonde dans le même sens. « C’est cela la richesse d’être voisin et d’avoir des affinités sur le plan des arts, par exemple. Au CVM, il y a plusieurs programmes en arts qui pourront contribuer à illustrer un parcours signature révélant les lieux historiques du Quartier latin. »
Outre ce parcours signature, madame Ananian aborde aussi la francisation. « Le CVM est très fort en francisation. À l’UQAM nous offrons des cours de francisation. Tout cela n’est pas coordonné, visible. Si nous pouvions faire une maison du quartier apprenant, les cours du CVM et de l’UQAM pourraient y être offerts plutôt que dans nos pavillons respectifs. Ce serait un espace de dialogue avec les différentes communautés du quartier. Et elles sont nombreuses, ne serait-ce que les 75 nationalités distinctes qui habitent dans la Coopérative d’habitation Jeanne-Mance. »
L’attractivité du Quartier latin
Il faut prendre en compte que le CVM, tout comme l’UQAM, ne sont pas des établissements recrutant une clientèle étudiante de proximité. Il n’y a pas de bassin étudiant autour. C’est le Quartier latin lui-même qui fait partie de l’attractivité. « Quand les gens n’ont pas le goût de venir au Quartier latin, nous partons avec une prise. Il faut que les étudiants.es, et les employés.es aient le goût de faire ce choix, que le quartier soit attractif. » précise madame Boisclair.
Par ailleurs, le retour de pandémie a signifié la fin du télétravail au CVM. À l’exception de la Formation continue, le Cégep n’offre pas de formation à distance. Alors, les étudiants.es et les équipes de travail sont maintenant plus présents dans le quartier.
Dans les faits, ils circulent en majorité via la rue Sanguinet. Mais la rue Sanguinet elle-même sera plus attrayante grâce aux projets de réaménagement de la cour du Pavillon J.-A.-DeSève (DES) de l’UQAM et de l’espace urbain par la Ville de Montréal. D’ailleurs la relance du Quartier latin figure parmi les priorités de la Stratégie centre-ville 2030, dévoilée en janvier 2025 par la Ville de Montréal.
Madame Ananian précise que « L’UQAM a son campus et le CVM a ses installations. Nous dépendons de la Ville pour faire la connexion entre les deux. Il y a quelque chose à faire sur la rue Sanguinet pour que cela soit plus convivial. Parce que le Quartier latin est un grand campus intégré, qui a le potentiel de le devenir. Nous aimerions qu’il y ait plus de lieux de socialisation, de rencontre entre les étudiants.es des différentes institutions. Lors des consultations auprès d’acteurs économiques, notamment les gens de la Société de développement commercial du Quartier latin (SDC), plusieurs disaient ‘’Nous ne sentons pas la présence des étudiants.es’’. Il y a une marée humaine qui arrive par la rue Sanguinet, mais ce n’est pas la rue commerciale Saint-Denis. Les gens ne passent pas devant les commerces, il n’y a pas une activation de ces espaces. »
Un quartier vibrant
Lors de la conférence Comprendre et revitaliser le Quartier latin par l’approche territoriale, l’histoire et ses acteurs tenue en avril 2024 à l’UQAM, l’historienne Joanne Burgess racontait que l’expression « Quartier latin » serait apparue en 1895 dans Le Journal des Étudiants. « Tout au long du 20e siècle, le Quartier latin aura connu différentes phases de développement social, économique et culturel, avec des épisodes douloureux d’effritement et de déclin, mais aussi des initiatives ambitieuses visant tantôt sa modernisation, tantôt sa revitalisation. », avait alors conclut la professeure.
Pour que le Quartier latin redevienne un quartier vibrant, le CVM et l’UQAM ont un rôle à jouer. « Nous devons favoriser le mélange des populations étudiantes dans les établissements et aussi dans le quartier. Pour cela, il faut que la vie étudiante s’arrime avec la vie culturelle, récréative et commerciale du Quartier latin. » affirme madame Ananian.
Dans cette foulée, le 10 avril 2025, les acteurs institutionnels de la relance du Quartier latin menée par l’UQAM sont conviés à un grand événement. Un rassemblement qui consacrera les efforts de mobilisation réalisés depuis un an. Ce rendez-vous marquera le lancement du quartier apprenant.