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Compte-rendu d’un atelier du colloque de l’AQPC 2022

Choisissez votre évaluation: bande dessinée, PechaKucha, balado et quoi encore?

 

Qu’arrive-t-il quand on laisse les étudiantes et les étudiants choisir le format de leur évaluation, (tout en les encourageant fortement à ne pas produire un travail écrit traditionnel)? On reçoit des travaux très différents, surprenants, agréables à corriger… Mais, surtout, on rend le travail motivant pour les étudiantes et les étudiants et on améliore leur sentiment d’efficacité personnelle!

Le 8 juin 2022, Stéphanie Carle et Émilie Doutreloux ont animé un atelier au colloque de l’Association québécoise de pédagogie collégiale (AQPC). Elles ont expliqué comment, dans le cadre d’un cours qu’elles donnent au microprogramme de 2e cycle en insertion professionnelle en enseignement au collégial (MIPEC) de Performa, elles laissent les étudiants et les étudiantes choisir le format de leurs évaluations.

Tous leurs élèves doivent répondre aux mêmes attentes (par exemple, livrer le fruit de leurs réflexions sur le rapport entre l’école et la société), mais peuvent choisir s’ils veulent le faire par l’entremise de:

  • un enregistrement audio (balado)
  • une carte conceptuelle commentée
  • un site web, un blogue ou une présentation interactive
  • un magazine
  • une bande dessinée ou un photoroman
  • une animation ou une présentation commentée
  • un Pecha Kucha
  • etc.

La seule limite est leur imagination!

Selon Stéphanie Carle et Émilie Doutreloux, cette stratégie d’évaluation serait tout à fait applicable avec des élèves du collégial.

Notons que Stéphanie Carle et Émilie Doutreloux exigeaient que chaque travail soit accompagné d’une bibliographie écrite (en format Word ou PDF).

Quelques-uns des formats choisis

Enregistrement audio

Certains élèves ont choisi de faire un enregistrement audio (un balado).

En s’enregistrant oralement, les élèves qui ont davantage de difficulté à l’écrit ont une barrière de moins. Quand un élève s’enregistre sans script, le média permet aux enseignantes «d’entendre la personne réfléchir». Il y a parfois des longueurs, mais également une grande richesse.

L’aspect informel de plusieurs enregistrements audio peut rendre l’évaluation de la qualité de la langue plus difficile. Dans les balados « informels », on ne peut pas nécessairement évaluer la qualité de la langue de la même manière qu’à l’écrit.

Carte conceptuelle commentée

La 1re fois que Stéphanie Carle et Émilie Doutreloux ont laissé leurs élèves choisir le format de leur évaluation, elles ont eu un peu de mal à corriger les productions de ceux et celles qui avaient choisi de faire des cartes conceptuelles. En effet, il peut être difficile d’interpréter correctement la pensée de l’élève, de «retrouver l’élève» à travers les concepts présentés dans un schéma de concepts.

Pour rectifier le tir, à partir de la session suivante, les enseignantes ont demandé aux élèves qui réaliseraient une carte conceptuelle d’ajouter un commentaire sur chaque concept. Ce commentaire peut être écrit ou enregistré oralement.

Site web, blogue ou présentation interactive

Des élèves ont utilisé Sway ou Prezi pour faire une présentation interactive.

D’autres ont utilisé Wix ou WordPress pour créer un site web ou un blogue.

Magazine

Des élèves ont utilisé Canva ou Issuu [en anglais] pour créer un magazine.

Bande dessinée ou photoroman

D’autres élèves ont produit des bandes dessinées à main levée ou avec Pixton.

Un étudiant a produit un photoroman à partir de photos animalières qu’il avait prises. (Photographe amateur, il possédait une série de photos de renards sur lesquelles il a ajouté des phylactères.)

Une étudiante qui enseigne en Techniques de sécurité incendie s’est procuré toute une collection de figurines Playmobil de pompiers. Elle les a mises en scène et les a photographiées, puis a ajouté du texte aux photos.

Animation ou présentation commentée

Des élèves ont créé des vidéos animés (de style dessins animés), entre autres avec Powtoon [en anglais]. La version gratuite de Powtoon ne permet que de produire des vidéos de moins de 3 minutes, mais ça peut être très suffisant!

D’autres ont créé un diaporama narré avec PowerPoint ou enregistré une présentation avec Prezi vidéo.

PechaKucha

Certains élèves ont choisi de relever le défi de créer un PechaKucha. Un PechaKucha est un format de présentation pendant lequel une personne parle en montrant successivement 20 images accrocheuses (sans animations) pendant 20 secondes chacune.

Les «inclassables»

Une personne a créé un plateau de jeu virtuel (ressemblant un peu à un jeu virtuel de serpents et échelles). Elle s’est enregistrée pendant qu’elle jouait une partie, en commentant ce qui lui arrivait sur le parcours. (Le parcours était une métaphore des thèmes ciblés par l’évaluation.)

Un étudiant a chanté (juste!) en enregistrant un doublage pour le vidéo de la chanson Beauty School Dropout du film Grease. (!!!)

Témoignages d’étudiants et d’étudiantes

En général, les élèves ont adoré la formule d’évaluation du cours.

Un élève l’a qualifiée de «révélation», un autre de «très stimulante». Un autre a écrit que les évaluations étaient «très adaptées et agréables à faire».

Une personne a raconté avoir initialement eu l’impression de «sauter dans le vide», mais a finalement adoré l’expérience.

Une autre personne a souligné l’adéquation de la formation avec la conception universelle des apprentissages. Elle a également écrit qu’après avoir expérimenté une telle méthode d’évaluation en tant qu’élève, elle allait assurément la répliquer dans sa propre pratique enseignante.

Reste qu’au moins un élève a dit ne pas avoir beaucoup aimé l’expérience, s’exprimant «mieux sur un document word conventionnel».

Quelques astuces

Conseils techniques à donner aux élèves

Émilie Doutreloux et Stéphanie Carle ont fourni à leurs élèves une liste d’outils numériques qu’ils pouvaient utiliser sans frais pour produire leurs travaux (dont ceux nommés dans ce texte: Sway, Prezi, Powtoon, etc.).

Les étudiantes et étudiants sont libres d’utiliser d’autres outils que ceux dans la liste, mais il est important d’insister pour qu’ils et elles s’assurent que l’outil choisi leur permettra, à terme, de partager leur travail avec l’enseignante. Certains outils sont disponibles dans une version gratuite qui ne permet pas l’export ou le partage des productions. C’est problématique quand, le jour de la remise, un étudiant réalise qu’il a travaillé pendant des heures à quelque chose qu’il ne peut pas présenter à l’enseignante…

Pour faciliter l’évaluation

Stéphanie Carle et Émilie Doutreloux suggèrent de proposer aux élèves une limite de 20 minutes, pour les formats d’évaluation qui doivent être écoutés ou visionnés (afin d’éviter que la correction ne soit trop longue).

Pendant l’atelier, elles ont dit qu’il fallait prendre des moyens pour éviter le biais associé à l’effet de halo. En effet, il peut être facile de se laisser éblouir par l’aspect ludique ou par la beauté d’une production et d’être tenté d’accorder une plus forte note à des productions sans que leur contenu ne le justifie. La clé pour éviter cet écueil: une grille de correction détaillée centrée sur la compétence à évaluer, non sur la forme qu’a choisie l’élève.

Une grille de correction qui guide les élèves

Une grille de correction à échelle descriptive est également utile pour guider les élèves. En la leur montrant à l’avance, les élèves peuvent bien comprendre ce sur quoi ils seront évalués. Cela leur permet d’être orientés, malgré qu’on leur laisse carte blanche (ou presque) pour le choix de la forme.

Lors de leur 1re session de mise en œuvre de cette pratique évaluative, certains élèves ont trouvé les grilles de correction trop vagues. Stéphanie Carle et Émilie Doutreloux les ont donc réajustées pour les cohortes suivantes.

Rétroactions par les enseignantes

En corrigeant, en plus de compléter la grille, Stéphanie Carle et Émilie Doutreloux fournissent à l’élève une rétroaction globale personnalisée (un commentaire) à propos de son travail.

Rétroactions par les pairs

Avant la remise des travaux, les élèves peuvent former des groupes de rétroactions. Les membres du groupe voient les travaux des uns et des autres et se donnent des rétroactions mutuellement. Cela les aide à présenter le meilleur travail possible pour l’évaluation sommative.

Une stratégie qui laisse peu de place au plagiat

Cette méthode d’évaluation a l’avantage d’être associée à un très faible risque de plagiat, car:

  • les formats sont variés et le format textuel «classique» n’est pas encouragé
  • les étudiants (qui enseignent au collégial) doivent s’appuyer sur leur vécu professionnel individuel pour alimenter leurs productions

Des avantages multiples

La décision de Stéphanie Carle et d’Émilie Doutreloux de laisser à leurs élèves le choix du format de leur évaluation est liée à leur intention de jumeler apprentissage et plaisir et d’augmenter la motivation des élèves.

C’est une stratégie d’évaluation durable, puisque les mêmes consignes peuvent être réutilisées d’année en année sans réel risque de plagiat.

C’est également une stratégie d‘évaluation inclusive, puisque chaque élève peut choisir un format qui répond à ses besoins.

Cette stratégie s’inscrit dans une perspective de psychologie positive. Selon Stéphanie Carle et Émilie Doutreloux, la stratégie a un effet positif sur le sentiment d’efficacité personnelle des élèves et les encourage à poursuivre leurs études universitaires.

Avez-vous testé une stratégie similaire avec vos groupes du collégial? Si oui, dans quel contexte? Les résultats ont-ils été aussi positifs que ceux de Stéphanie Carle et d’Émilie Doutreloux? Partagez votre témoignage avec nous dans la zone de commentaires!

À propos de l'auteure

Catherine Rhéaume

Catherine Rhéaume est éditrice et rédactrice pour Éductive (auparavant Profweb) depuis 2013. Elle est enseignante de physique au Cégep Limoilou. Elle est également auteure de différents cahiers d’apprentissage pour la physique et pour la science et la technologie au secondaire. Son travail pour Éductive l’amène tout naturellement à s’intéresser à la pédagogie numérique et à l’innovation pédagogique.